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Planet : Vous parlez d’une monarchie républicaine dans laquelle le président agirait comme un monarque. C’est-à-dire ? Ghislaine Ottenheimer* : "Aujourd’hui le président a un mode vie qui ressemble à celui d’un monarque. Il vit dans le luxe, avec un certain décorum qui tranche avec la ‘vraie’ simplicité de la démocratie que l’on peut d’ailleurs retrouver chez nos voisins. En Espagne, en Allemagne et dans les pays d’Europe du Nord, quand vous vous rendez dans les bureaux des chefs d’Etats et des ministres, vous allez vraiment dans des bureaux. En France, vous allez dans de véritables palais !
Le type d’élection de notre président au suffrage universel direct me fait également penser à une monarchie républicaine. Les citoyens ont l’impression de choisir leur chef d’Etat, mais en réalité c’est une démarche très populiste. C’est comme s’ils élisaient le Père Noël : les candidats leur font des promesses qu’ils ne tiennent jamais. Prenez l’exemple de François Hollande. Il s’était engagé à tout un tas de choses pendant la campagne comme l’inversion de la courbe du chômage et aujourd’hui elle continue d’augmenter. C’est toujours le même schéma : plein de promesses sont faites avant l’élection puis abandonnées quelques mois après. Ce renoncement politique déçoit à chaque fois un peu plus les Français.
Planet : Quel est selon vous le président qui s’est le plus comporté comme un monarque ? Ghislaine Ottenheimer :François Mitterrand était très monarque mais il était également très politique. En 1981, il y avait une véritable alternance, de vraies propositions étaient faites. Aujourd’hui c’est différent. François Hollande, le candidat qui disait vouloir être un ‘président normal’ est devenu un monarque. Sous son apparente modestie et sa distribution des rôles avec Manuel Valls, il décide de tout. C’est lui qui décide si l’on rogne les retraites, si Leonarda doit quitter la France… Un seul homme ne peut pas tout faire !
A lire aussi –Leonarda : ce que sa famille a coûté à la France Planet : Quelles solutions préconisez-vous ?Ghislaine Ottenheimer : Il faut impérativement que le président ne décide plus de tout et qu’il n’agisse plus que comme un arbitre des institutions. Il faut aussi qu’un un programme précis et clair présenté aux Français. Le chef du gouvernement doit par ailleurs être l’émanation du Parlement après les élections législatives, avoir un véritable programme et avoir le pouvoir de le mettre en œuvre. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Quand Manuel Valls a annoncé vouloir réformer le marché de l’emploi, deux jours après François Hollande disant non à cause du calendrier électoral…Planet : Est-ce pour cela que vous parlez de ‘poison présidentiel’ ? Ghislaine Ottenheimer : Le poison est, par définition, quelque chose qui bloque, une entrave. Et bien, l’élection présidentielle agit de la même manière sur l’Etat. Elle bloque notre système démocratique et empêche les politiques de prendre des décisions. Aujourd’hui, tout le monde a conscience que quelque chose coince. Certains essaient de prendre des mesures comme la proposition de rendre le vote obligatoire présentée cette semaine, mais personne n’y arrive vraiment. On tourne autour du pot. Planet : Votre livre semble bien pessimiste…Ghislaine Ottenheimer : J’essaie pourtant simplement de dire que notre système de décisions n’est pas le bon. Notre système a été créé en 1962 sur fond de crise coloniale, quand le pays était en pleine croissance et l’Etat tout puissant. Aujourd’hui ce système ne fonctionne plus. C’est comme si L’Oréal ou LVMH utilisaient aujourd’hui la même stratégie qu’il y a cinquante ans. C’est impensable ! Notre système politique est archaïque. La France est le seul pays de l’OCDE qui n’arrive pas à mener de grandes réformes. La société s’est adaptée aux changements liés à la mondialisation et à l’air du web mais pas l’Etat. C’est très dommage. La France est un beau pays qui sait faire beaucoup de choses mais qui a un problème avec l’Etat et les réformes".
*Ghislaine Ottenheimer est l’auteure de Poison présidentiel (ed. Albin Michel).