De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Planet : Thomas Piketty, Paul Magnette et 148 autres demandent dorénavant la suppression de la "dette Covid", notamment en France. Il est vrai que l'épidémie coûte particulièrement cher au pays. Pour autant, peut-on vraiment annuler une dette comme si de rien n'était ? Si tel était le cas, à quelles conséquences faudrait-il s'attendre ?
Henri Sterdyniak : Je ne sais pas quelles seraient les conséquences exactes d'une telle initiative, mais il va de soi que l'on ne peut pas annuler une dette sans en spolier ses détenteurs. Ce n'est tout simplement pas possible. Que veut dire annuler la dette, au juste ? S'il s'agit d'annuler les titres achetés par la Banque de France ou la BCE qui, rappelons-le, se sont endettées auprès de banques commerciales, alors cela n'a rien d'une annulation. La dette sera simplement transformée et laissée aux établissements commerciaux.
"Reporter la dette publique sur les banques centrales revient à leur arroger un droit de regard sur notre politique économique" - Henri Sterdyniak
C'est quelque chose qui ne se fait pas : il revient aux Etats de porter la dette publique et aux banques centrales d'assurer l'équilibre. Bien sûr, nous pourrions décider de changer les règles du jeu, mais cela impliquerait de mener d'importantes réformes institutionnelles et ce ne serait peut-être pas l'action politique la plus pertinente… Dès lors qu'il revient aux banques centrales de soutenir la dette publique, elles acquièrent aussi un droit de regard sur les politiques économiques des nations. Ce serait dommageable.
Annuler la dette Covid ? "Ce n'est même pas une idée"
Je suis de l'avis d'Olivier Blanchard, chef économiste au Fonds monétaire international. Les personnes qui ont signé ce texte se sont fourvoyés. C'est une proposition idiote, que l'on ne peut même pas appeler une idée. Cependant, elle soulève une question : comment quelqu'un comme Thomas Piketty a-t-il pu accepter de signer ce texte ? Il importe de rappeler, à mon sens, qu'il ne l'a pas écrit. C'est, de toute évidence, une erreur de parcours comme il arrive à tous d'en faire. En outre, certains éléments présentés dans la tribune sont intéressants. C'est le cas de ce qui touche au financement de la transition écologique ou aux impôts sur les plus fortunés.
Planet : Ces économistes disposent de relais dans le monde politique Français, notamment en la personne de Jean-Luc Mélenchon ou depuis plus récemment celle de Arnaud Montebourg. Que répondre aux Françaises et aux Français qui pourraient être séduit par ce discours ? Quel serait, au juste, l'impact sur les contribuables les plus lambdas ?
Henri Sterdyniak : Tout d'abord, il faut leur dire que la dette publique n'est pas un problème. Nous l'avons encore constaté en 2020 : les Etats peuvent s'endetter autant qu'ils le souhaitent et pourtant continuer à emprunter à des taux négatifs. Il nous est possible de nous endetter pour financer tout ce que nous pourrions vouloir entreprendre. Nous avons eu besoin, l'année passée, de créer du déficit public en masse et le gouvernement l'a fait sans hésiter pour nourrir l'activité. Dès lors, il apparaît que la question de la dette ne se pose pas à l'heure actuelle. C'est une impasse que de croire le contraire.
Or dans ce contexte-ci, il est aisé de comprendre pourquoi ce discours est inutile : si la dette n'est pas un souci, à quoi bon vouloir l'annuler ? Pire, c'est une idée dangereuse, parce qu'elle aura mécaniquement tendance à effrayer les marchés et malhonnête puisqu'en pratique il n'est pas possible de l'annuler, simplement de la transformer. N'oublions pas, d'ailleurs, que la Banque de France à qui la dette serait transférée, est une filiale financière de l'Etat.
La dette publique n'est pas un problème
Du reste, rappelons aussi que l'annulation de tout ou partie de la dette publique ne constitue qu'une petite portion des programmes d'Arnaud Montebourg et Jean-Luc Mélenchon, que l'on peut naturellement soutenir pour de toutes autres raisons.
"Transférer la dette publique à la Banque de France revient à la transférer à une filiale financière de l'Etat" - Henri Sterdyniak
A mon sens, l'économie de l'Hexagone fait face à deux problèmes délicats, quoiqu'assez généraux : elle doit composer avec le déficit de demande constaté à échelle mondiale, lequel engendre mécaniquement de la dette publique et des taux extrêmement bas. Ce n'est pas une exception française, puisque la situation est comparable aux Etats-Unis. Il s'agit, en vérité, d'une caractéristique du capitalisme financier. Le deuxième souci émane directement des autorités technocratiques européennes, lesquelles militent en raison de leur agenda politique pour faire baisser les dépenses publiques. Or, c'est paradoxal, puisque nous avons aujourd'hui besoin de dette publique, au risque d'affaiblir notre modèle social européen.
"Il est illusoire de penser éviter l'austérité en passant par l'annulation de la dette Covid"
Planet : Sans annuler la dette Covid, comment s'éviter l'austérité ? Quelles sont les alternatives ?
Henri Sterdyniak : Il n'est pas nécessaire d'annuler la dette Covid pour éviter l'austérité. Ce qu'il faut faire, en revanche, c'est bel et bien remettre en cause les règles de politique budgétaire qui régissent l'espace européen, comme celle des 3% de déficit. Aujourd'hui, elles sont fixes, ce qui ne permet pas de s'adapter à des situations mouvantes et des contextes variés tels que nous le constatons aujourd'hui. C'est bien contre cela qu'il faut mener le combat.
Il est totalement illusoire de penser que tout ceci pourrait passer par l'annulation des dettes Covid ou publique. Cette dernière, je le rappelle, ne peut qu'être fictive !