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"Elle a bien changé", pestent certains conseillers anonymes, dans les cabinets ministériels de l'équipe gouvernementale d'Emmanuel Macron. Ils s'agacent de sa stratégie de "normalisation", qu'ils jugent désormais en pleine accélération. En cause ? Le débat l'opposant à Gérald Darmanin sur le plateau de France 2, le jeudi 11 février 2020. Devant une Marine Le Pen interloquée, le ministre de l'Intérieur avait notamment affirmé que la présidente Rassemblement national se faisait "un peu molle", si pas carrément "branlante".
Autant de piques balayées avec calme par Marine Le Pen. C'est cette attitude, notamment, qui inquiète la majorité. Son "changement de style", indique Gala, n'est pas passé inaperçu. Elle était tout en chocolat, pas du tout excitée", commente par un exemple un conseiller de l'Élysée aux journalistes de Politico, que cite encore le magazine people. Pour d'autres, interrogés par Le Figaro, elle s'est montrée impressionnante. "Elle a dû changer d'entourage, c'est pas possible !", soutient l'un d'entre eux.
Mais Emmanuel Macron et ses conseillers ont-ils raison d'appréhender cette transformation ?
Marine Le Pen arrivera-t-elle à normaliser son image une fois pour toute ?
"L'hypothèse est crédible", souligne d'entrée de jeu Olivier Rouquan, politologue, conférencier et enseignant-chercheur en sciences politiques, associé au CERSA (Centre d'Études et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques). "Je ne sais pas si l'on peut véritablement parler d'une accélération de l'euphémisation de la présentation des idées du Rassemblement national, mais nous en constatons l'accentuation. Le propos de Marine Le Pen est "d'autant plus euphémisé que celui du gouvernement se durcit". Et de souligner la tentative de triangulation de Gérald Darmanin, qu'il juge dangereuse : c'est la fameuse sentence sur la préférence entre la copie et l'original…
Emmanuel Macron est-il en train de faire le jeu du Rassemblement national ?
Cette "nouvelle" stratégie de Marine Le Pen ne devrait pas surprendre. Elle s'y atèle depuis des années. "La présidente du Rassemblement national a bien en tête la démarche appliquée par Louis Aliot, à Perpignan. Durant la campagne, il est parfois apparu comme un candidat plus modéré que ses opposants et cela, au dernier moment, a facilité sa victoire ", souligne Olivier Rouquan. En jouant la triangulation ainsi qu'il le fait, Emmanuel Macron "ne va-t-il pas ne pas gagner sur sa droite dure, ce qu'il va perdre sur sa gauche modérée - celle qui l'a installée au pouvoir ?".
"La diabolisation de notre mouvement s'est arrêtée. On trouve encore quelques outrances dans la bouche de concurrents politiques, mais plus dans la population française. Ni même dans les médias. Sur les marchés, il est plus facile d'être militant RN qu'En marche ! aujourd'hui", déclare-t-elle dans les colonnes de L'Opinion (édition papier), dont les informations sont reprises par Gala.
"Ne perdons pas de vue qu'en ce moment, la prévisibilité de la campagne électorale est très faible. Il est compliqué d'identifier dans quel sens les choses pourraient tourner. Actuellement, la popularité et la crédibilité du pouvoir en place s'améliorent. Mais tout ceci change de façon très soudaine, le temps d'un nouveau confinement par exemple", alerte encore l'enseignant-chercheur.
Si Marine Le Pen a bel et bien changé, peut-elle gagner en 2022 ?
Sur quoi se jouera l'élection présidentielle ? Pour Olivier Rouquan, tout pourrait basculer en fonction de la façon dont l'exécutif gérera la sortie de crise. "La gestion de l'après crise sanitaire fera nécessairement ressurgir des enjeux sociaux et sociétaux. La temporalité de la campagne électorale pourrait donc permettre à Marine Le Pen de profiter des éventuels mécontentements et colères populaires", indique le chercheur en sciences-politiques, pour qui à contrario il n'est pas impossible qu'une gestion efficace de la séquence soit créditée en faveur du pouvoir sortant…
Marine Le Pen n'est d'ailleurs pas la seule dans cette situation : c'est le cas de toutes les oppositions. Cependant, certains signes laissent à penser que le président souhaiterait installer un duel comparable à celui de 2017 entre elle et lui. "Ce serait en tout cas dans son intérêt", analyse le politologue, qui rappelle que, dès son arrivée au pouvoir, "Emmanuel Macron a choisi d'organiser le clivage entre les électorats progressistes et ceux qui se revendiquant du populisme". "Il a donc fait de Marine Le Pen son adversaire principal", juge-t-il, ce que nie le chef de l'État, rappelle le tabloïd.
Plusieurs autres sujets pourraient influencer la capacité du Rassemblement national à l'emporter en 2022. Parmi ceux-là, certains sont plus évidents que d'autres… "Marine Le Pen s'est-elle vraiment musclée pour dépasser les reproches qui lui ont déjà été formulés : connaît-elle mieux ses dossiers ?", questionne le spécialiste. Plus important, peut-être, interroge encore l'expert "Où en sont les réseaux technos du RN ? Se sont-ils étoffés ?". Si tel est le cas, le parti d'extrême droite pourrait peut-être s'avérer plus coriace que par le passé.