"Chambre 2806" : les nouvelles déclarations de Nafissatou DialloAFP
L'ancienne employée du Sofitel a accepté de se confier dans le documentaire de Jalil Lespert consacré à l'affaire DSK et diffusé sur Netflix. Elle revient en détail sur ses accusations de viol à l'encontre de l'ex-directeur général du FMI.
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Chambre 2806. Ce numéro ne vous dit peut-être rien aujourd’hui mais il fut pourtant le théâtre d’un des séismes politiques les plus importants en France il y a plus de neuf ans, le 14 mai 2011. C’est dans cette chambre de l’hôtel Sofitel de New York (Etats-Unis) que séjournait alors Dominique Strauss-Kahn, ténor du Parti socialiste en France, directeur général du FMI (Fond monétaire international) et pressenti pour représenter la gauche à l’élection présidentielle de 2012. C’est aussi le nom d’un documentaire réalisé par Jalil Lespert, diffusé sur Netflix depuis le lundi 7 décembre et dans lequel sont passés en revue tous les éléments qui ont conduit à la chute politique de Dominique Strauss-Kahn.

Affaire du Sofitel : un documentaire neuf ans après les faits

Ce dernier a refusé de s’exprimer dans ce long-métrage, explique franceinfo, mais a promis de donner sa version des faits dans un autre documentaire. Le film mis en ligne sur Netflix donne néanmoins la parole à plusieurs acteurs clés de cette journée du 14 mai 2017, à commencer par Nafissatou Diallo, employée de l’établissement et qui accuse Dominique Strauss-Kahn d’agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration. La justice a prononcé un non-lieu dans le volet pénal trois mois après les faits reprochés et les deux parties ont trouvé un arrangement dans le volet civil en en décembre 2012.

Neuf ans plus tard, la quadragénaire a accepté de se confier devant la caméra de Jalil Lespert et de revenir presque minute par minute sur sa journée du 14 mai 2011. Elle décrit ce qu’il s’est passé selon elle dès qu’elle est entrée dans la chambre 2806 du Sofitel.

Affaire du Sofitel : "Je ne pouvais rien faire"

Dans ce documentaire diffusé par Netflix, Nafissatou Diallo revient longuement sur sa vie en 2011 et explique qu’elle était alors "heureuse au travail et dans la vie". "J’étais bien payée, syndiquée, j’avais beaucoup d’avantages", ajoute-t-elle, précisant qu’elle était vraiment "contente" de travailler dans cet hôtel réputé de la ville qui ne dort jamais. Ce samedi 14 mai 2011, elle commence sa journée au 28e étage de l’hôtel, où presque tous les clients ne veulent pas être dérangés. "Avant d’arriver à la chambre [2806, NDLR], j’ai vu un gars du room service sortir avec un plateau. J’ai dit : ‘Le client a quitté l’hôtel ?’ Il a dit oui. J’ai dit : ‘Merci mon dieu. Toutes mes chambres ont un panneau ‘ne pas déranger’".

Vidéo du jour

Elle raconte face caméra avoir alors frappé à la porte et répété "trois fois" qu’il s’agissait du "service d’étage", mais "personne n’a répondu. J’ai utilisé ma clef. J’ai ouvert la porte". Les événements qu’elle décrits s’enchaînent alors très vite : "La suite était immense. Je suis entrée, je n’ai vu ni bagage, ni rien. Dans le bureau, pas d’ordinateur. Rien. Je suis revenue sur mes pas… J’allais dire : ‘service d’étage’. Et cet homme est venu vers moi. Nu. J’ai dit : ‘Oh mon dieu, je suis désolée monsieur, je suis désolée’. Et il a mis ses mains sur ma poitrine. Il a dit en me touchant les seins : ‘Ne soyez pas désolée’. Il m’a poussée au sol. J’ai voulu me relever, il a continué. J’ai dit : ‘Arrêtez, je vais perdre mon emploi’".

Des sanglots dans la voix, Nafissatou Diallo poursuit son récit, racontant minutieusement : "Il m’a poussée jusqu’au fond de la suite, près de la salle de bains. Il tentait de baisser ma culotte, je l’en empêchais. Je tirais sur ma robe et il m’a… agrippée. Il m’a agrippée. J’étais si terrifiée. Je lui ai dit d’arrêter. J’ai voulu le repousser et fuir, et c’est là qu’il m’a poussée fort au sol. Je suis tombée sur ma main et mon épaule gauche. Et là, il a mis son… truc dans ma bouche. Je ne pouvais rien faire. J’ai attendu qu’il fasse ce qu’il voulait faire". C’est à ce moment-là que commence l’affaire alors qu’elle raconte tout à sa responsable, puis est emmenée au commissariat et à l’hôpital pour subir des examens. Selon elle, sa vie "a changé à jamais".

Affaire du Sofitel : "On ne parlait que de moi. Pas de lui"

En plus de la pression médiatique liée à l’affaire, Nafissatou Diallo affirme avoir dû faire face aux accusations des enquêteurs et de la justice qui, selon elle "se fichent de la vérité". Alors que beaucoup de ses propos ont été tournés à son désavantage, elle explique : "Je pense que dans cette affaire, on ne parlait que de moi. Pas de lui. J’avais l’impression d’être une criminelle qui aurait attaqué quelqu’un. Ca me blesse". Concernant le non-lieu rendu à la fin de l’été 2011, Nafissatou Diallo affirme que le procureur n’a rien fait "parce que je suis pauvre, parce que je ne suis personne". "Si ça n’avait pas été moi, je suis sûre qu’ils auraient mis cet homme en prison pour très longtemps", conclut-elle.

Si Dominique Strauss-Kahn a refusé de parler au réalisateur de ce documentaire, il a annoncé le 4 décembre qu’il le ferait dans un prochain long-métrage. "Pour la première fois, j’ai accepté dans un film documentaire de revenir sur l’ensemble de mon histoire personnelle et professionnelle de la politique française aux sphères internationales (…) Je n’ai jamais donné ma version des faits qui ont marqué mon retrait de la vie politique, d’autres s’en sont chargés à ma place, prenant la parole à partir de coupures de presse, d’interview et de faits réels ou supposés. L’heure est venue de m’exprimer", affirme l'ancien directeur général du FMI dans son message. Ce documentaire, actuellement en production, devrait être disponible dans un an, à l’automne 2021.