De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
- 1 - Les députés sont-ils vraiment fainéants ? Des journées à rallonge et des semaines de 80h
- 2 - Des horaires de travail difficiles à vérifier
- 3 - Les députés sont-ils vraiment fainéants ? L'Hémicycle n'est que la partie émergée de l'iceberg
- 4 - En quoi consiste le travail du député en circonscription ?
- 5 - Une organisation du travail des députés à revoir
Les députés sont-ils vraiment fainéants ? Des journées à rallonge et des semaines de 80h
Les députés seraient en train de courir un marathon au rythme d’un sprint, d’après Slate. Comme le rappelait Planet, ils sont d’ailleurs nombreux à s’en plaindre. La grogne touche toutes les sensibilités du Rassemblement National (ex Front National) à la France Insoumise (LFI) en passant par La République en Marche (LREM) ou le Parti Socialiste (PS). François de Rugy lui-même s’est exprimé sur la question, appelant le gouvernement a ralentir sa cadence.
Pourtant, de nombreux observateurs s’insurgent de l’indécence supposée des députés. Sur le plateau des Grandes Gueules, Zohra Bitan appelait les députés à se taire, critiquant leur "indignité". "Ils se plaignent de travailler pour un salaire ou en tout cas une indemnité… Il ne faut pas qu’ils oublient qu’ils sont au service de la France", a-t-elle asséné. Alors les députés sont-ils fainéants ? C’est un avis partagé par une partie considérable de la population, comme en témoignent certains tweets.
Pour en avoir le cœur net, Planet a contacté plusieurs élus et ancien élus ayant siégé à l’Assemblée nationale. Peu ou prou, tous tiennent le même discours : non, les députés ne sont pas fainéants. Arguments à l’appui.
Razzy Hammadi, ancien député PS de la 7ème circonscription a siégé dans l’Hémicycle pendant 5 ans, du 20 juin 2012 au 20 juin 2017. Il a été membre de la commission des Affaires économiques, de celle des Affaires Européennes, ainsi que de celle des finances. A ses yeux, il y a "évidemment des fainéants" parmi les députés, mais c’est loin d’être le cas de tous. "Pour un parlementaire qui fait vraiment le travail, c’est exténuant, parfois inhumain", juge-t-il. Toutefois, Après sa défaite aux dernières élections législatives, il est devenu entrepreneur et estime faire "davantage d’heures" aujourd’hui. En pratique, en tant que député il arrivait aux alentours de 8h à l’Assemblée. De là, il participait à des réunions jusqu’à aller siéger en commission de 9h30 à 12h30. "Les questions au gouvernement commencent à 14h30, après quoi je retournais en commission où j’allais débattre dans l’Hémicycle. Au final, je quittais l’Assemblée vers 1h du matin", explique-t-il. Les règles de l’Assemblée nationale sont ainsi faites qu’il doit forcément y avoir 8h d’écart entre deux séances, précise l’ancien député.
Des horaires de travail difficiles à vérifier
Un point que mentionne également Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate (PCD) qui a siégé à l’Assemblée du 20 juillet 2007 au 20 juin 2017, depuis remplacé par Aurore Bergé (LREM). "Généralement, il n’y a pas d’inscription de texte le lundi avant 16h pour laisser le temps aux députés d’arriver depuis leur circonscription. On ne légifère pas non plus le mercredi, du fait du Conseil des ministres. En outre, entre chaque séance de débat, il y a 8h de décalage", indique-t-il. A ses yeux, il est très difficile de quantifier véritablement le temps de travail moyen des députés, parce que "chacun accomplit son mandat comme il l’entend". "Il n’y a pas d’obligation de déposer des amendements, par exemple. Par ailleurs, en fonction de la commission dans laquelle on siège, la quantité de travail ne sera pas la même. Généralement, la commission de la Défense nationale et des Forces armées étudie un seul texte par législature. La commission des lois, celle finances ou celle des Affaires sociales, en revanche, sont toujours sur le front…", souligne l’ancien député, pour qui il faut aussi prendre en compte la quantité de textes déposés par le gouvernement. "En pratique, faire des semaines de 80h environ n’est pas aberrant pour un député", estime-t-il.
Les députés sont-ils vraiment fainéants ? L'Hémicycle n'est que la partie émergée de l'iceberg
"Un député sépare son activité entre le Parlement et sa circonscription", commence Adrien Quatennens, élu la France Insoumise qui siège à l’Assemblée nationale depuis le 21 juin 2017. "Généralement je siège du mardi au jeudi à l’Assemblée et je passe le reste du temps dans ma circonscription. Contrairement à ce que l’on entend souvent, l’essentiel du travail du député se fait en dehors de l’Hémicycle. Ce qui s’y passe n’est que la partie émergée de l’iceberg. A titre personnel, je siège à la commission des Affaires sociales : je dois donc étudier et discuter chaque texte qui passe par cette commission. Les premières discussions sont parfois très longues, elles peuvent durer toute la semaine. Or en parallèle, il y a également des textes discutés en séance plénière. Un député doit donc arbitrer en permanence entre 3 ou 4 réunions. Il y a plus de travail à fournir que de capacité matérielle pour le faire", analyse l’élu LFI.
En quoi consiste le travail du député en circonscription ?
En circonscription, le travail du député comporte également plusieurs missions. Il consiste notamment à tenir des permanences parlementaires, qui permettent aux citoyens de rencontrer leur député, sur rendez-vous ou sans, c’est selon. A partir de là, chaque citoyen reçu est en mesure d’échanger avec l’élu sur les questions qu’il souhaite, ses problèmes personnels…
Le député, en tant qu’employeur et co-employeur avec son groupe parlementaire, doit aussi gérer une équipe ce qui prend du temps. "De mon côté, je gère trois personnes à temps plein. Un collaborateur qui m’épaule à l’Assemblée nationale, un deuxième qui m’épaule en circonscription et un troisième qui gère la communication", indique Adrien Quatennens, dont les semaines dépassent régulièrement les 70h. "Tous les lundis matin, le travail commence de bonne heure et se poursuit tous les soirs jusqu’à 1h du matin environ. Chaque semaine, j’essaye de conserver un jour du week-end pour le consacrer à mon temps libre et à ma famille", explique-t-il.
Une organisation du travail des députés à revoir
Mais d’où vient le problème alors ? Pour Philippe Vigier, député UDI depuis le 20 juin 2007, dont les semaines grimpent parfois jusqu’à 100h, il faut revoir l’organisation du travail à l’Assemblée nationale. "Il y a des périodes très denses et d’autres de trous. Au final on a tous les textes qui s’enchaînent", estime-t-il. Il pointe aussi un manque de personnel pour aider les députés, d’outils ou de moyens de contrôle. Un constat sur lequel il est rejoint par Razzy Hammadi. "Il faut des conditions plus favorables pour ceux qui travaillent à l’Assemblée. Nous devrions pouvoir solliciter des cabinets de conseil, par exemple", souligne-t-il.
"Il faut aussi mieux étaler le calendrier parlementaire. Prenez l’exemple de la loi sur la formation professionnelle ! Cela fait 7 ou 8 mois qu’on en parle", assène Philippe Vigier. Jean-Frédéric Poisson incrimine de son côté le gouvernement. "Le nouveau monde ressemble fortement à l’ancien et il est peut-être même pire, bien que la situation actuelle soit assez courante en vérité. Quand le gouvernement décide de légiférer en continu, les parlementaires trinquent nécessairement. Les députés sont obligés de se couper en deux : on ne peut pas siéger en plénière et en commission en même temps. Au final, ce sont les textes qui sont mal écrits, parce qu’on perd de vue la substance de la loi qui est de fixer un cadre, pas d’entrer dans le détail."