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Certains estiment qu’il faut la taxer davantage. D’autres, au contraire, veulent préserver les Françaises et les Français contre les prélèvements que peut encore réclamer l’administration fiscale… Dans les deux cas, elle s’est imposée comme l’un des sujets marquants de la fin de la campagne électorale ; et ce jusqu’aux débuts de la guerre en Ukraine. Il est évidemment question de la succession - ou du moins de ses modalités, en France, surtout d'un point de vue fiscal.
La question a désormais été traitée par l'essentiel des candidates et des candidats aux plus hautes fonctions de l’Etat, qui se sont tous positionnés par rapport à un récent rapport du Conseil d’analyse économique (CAE). L’organisme, chargé de conseiller Matignon en matière d’économie, tirait alors la sonnette d’alarme : sans réforme de la transmission dans les années à venir, l’Hexagone deviendra une nation d’héritiers où l’ascenseur social verrait son efficacité très largement réduite.
Pour l’essentiel, comme l’a déjà expliqué Planet, les figures politiques briguant l’élection présidentielle militent aujourd’hui en faveur de l’allègement des frais à payer après l’ouverture d’une succession. Une majorité des Françaises et des Français, il faut encore le rappeler, ne payent tout simplement pas d’impôt sur l’héritage du fait des abattements qui existent déjà actuellement.
Succession : quel est cet héritage qu’aucun impôt ne saurait effacer ?
Pour autant, il importe de rappeler qu’une partie bien réelle de tout héritage ne fait jamais l’objet d’une imposition. Elle a, il faut pourtant le reconnaître, un impact conséquent sur le quotidien de tout un chacun. Il s’agit du patrimoine culturel et social transmis par la famille avant le décès des parents.
"Par définition, rappelle l’économiste Philippe Crevel, on est le produit de ses parents et de sa famille. On ne peut donc pas décemment résumer un héritage aux seuls bien matériels qui sont légués." Le directeur du Cercle de l’Épargne poursuit : "La formation, le niveau d’éducation, tout cela dépend pour partie des valeurs familiales transmises et de l’environnement dans lequel on a évolué. Ces éléments jouent un grand rôle dans la réussite professionnelle et personnelle. Il y a d’une part l’égalité patrimoniale et d’autre part la question de l’accès à l’éducation et à la culture, qui conditionne aussi la vie de chacun d’entre nous. Les deux éléments ne sont pas nécessairement indépendants l’un de l’autre et la France a encore beaucoup de travail à faire en la matière".
Succession : faut-il imposer le patrimoine culturel ?
En l’état actuel, le patrimoine culturel et social transmis par les parents ne fait l’objet d’aucun impôt, rappelle Philippe Crevel. C’est une bonne chose, d’après l’économiste, qu'il ne soit pas soumis à l'impôt et à la fiscalité.
"Il est important de ne pas tout ramener à des questions d’argent. Oui, la France doit travailler davantage pour garantir un meilleur accès à l’égalité. Il est vrai aussi qu’il est plus dur de s’en sortir pour les enfants d’origine modeste aujourd’hui. Pour autant, l’école républicaine a fait la démonstration que l’ascension sociale demeure possible en France et il ne faut pas s’enfermer dans une vision trop négative de ce problème. Il est essentiel d’améliorer le système, en témoigne l’auto-reproduction importante des élites en France, mais sans tomber dans la critique pour la critique", rappelle-t-il d’abord.
"La mise en place d’un impôt sur le patrimoine culturel ne fait pas vraiment sens : les Françaises et les Françaises héritent très tard, aux alentours de 55 ans. Une partie de la vie est déjà derrière soi à cet âge là et ce genre de taxe arriverait donc bien trop tardivement pour corriger quoique ce soit. Ce qu’il faut, en revanche, c’est donner les moyens de réussir aux familles plus modestes. Tout cela se joue très tôt", estime encore l’expert pour qui poser cette question, c’est aussi poser celle d’un "capital de départ dans la vie", pour "compenser les inégalités".
Succession : pourquoi parle-t-on si peu de l’héritage socio-culturel ?
Force est de constater que l’héritage social et culturel laissé par les parents ne fait pas l’objet d’autant de discussions que la succession plus… traditionnelle. Pourtant, il joue aussi un rôle prépondérant dans la capacité des uns et des autres à accéder aux postes à responsabilité ou à s’en sortir sur le plan professionnel.
"L’héritage financier est plus tangible et la France, quoiqu’on en dise, demeure un pays de terroir, de patrimoine, d’argent. C’est sans doute pour cela que l’on se rattache à la menue monnaie. C’est plus facile, d’autant que la question du capital culturel demeure complexe à faire évoluer", observe Philippe Crevel, pour qui il serait pourtant utile d’aborder davantage la question. "Il faudrait en parler plus. Les valeurs d’égalité sont importantes et relèvent d’une question républicaine", explique-t-il.