Exonérer d'impôts les jeunes de moins de 30 ans : "une simple réforme slogan"Istock
Marine Le Pen propose désormais d'exonérer d'impôt sur le revenu les jeunes de moins de trente ans. Une réforme qui ne convainc pas l'économiste Alexandre Delaigue. Explications.
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Alexandre Delaigue est professeur agrégé d'économie-gestion à l'économie de Lille 1. Il a aussi enseigné à l'académie militaire de Saint-Cyr Coetquidan et est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Sexe, drogue... et économie: Pas de sujet tabou pour les économistes (2013).

Planet : En campagne pour l’Elysée, Marine Le Pen cherche désormais à s’adresser aux jeunes électeurs, informe Le Figaro. C’est pourquoi elle propose désormais une exonération totale d’impôt sur le revenu pour toutes les Françaises et tous les Français de moins de trente ans ; ainsi que d’impôt sur la société pour celles et ceux souhaitant lancer leur entreprise à cet âge-là. Il s’agit, selon elle, de rendre le pays de nouveau attractif. Une telle mesure vous semble-t-elle pertinente ?

Alexandre Delaigue : Très honnêtement, la réforme que propose Marine Le Pen a surtout une portée symbolique. C’est le genre de décision politique dont l’impact réel n’apparaît pas particulièrement notable, ce qui n’a rien d’étonnant au vu de ce que cela coûterait à l’Etat. Rappelons en effet que de nombreux dispositifs fiscaux visant à aider les jeunes à créer leurs entreprises existent déjà et que ces dernières ne démarrent pas réalisant des gains particulièrement importants. En outre, quatre sociétés nouvellement créées sur cinq ferment rapidement à l’issue de l’ouverture. Dès lors, il ne reste plus grand chose à taxer.

Il en va de même pour les jeunes entrepreneurs comme les jeunes travailleurs, directement visés par cette proposition de réforme. Les bénéfices qu’ils dégagent ne sont pas particulièrement importants - on ne devient pas patron de LVMH l’année de son entrée sur le marché du travail ! - et près d’une moitié des contribuables ne sont de toute façon pas assujettis à l’impôt sur le revenu. 

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Impôts : exonérer les contribuables de moins de trente ans ne coûterait presque rien

N’oublions pas que ce dernier est loin de représenter la part la plus conséquente des recettes des finances publiques. En France, ce sont la TVA et les cotisations sociales qui pèsent véritablement. L’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés monopolisent beaucoup les conversations, mais sont moins indispensables à la bonne tenue des comptes de l’Etat. C’est donc une mesure purement symbolique, tant en termes de fiscalité réelle que d’efficacité au regard de l’objectif affiché.

Je doute en effet que l’exonération des jeunes de moins de trente ans que propose Marine Le Pen puisse engendrer une quelconque attractivité, compte tenu des éléments précédemment évoqués. Tout au plus pourrait-elle créer une niche fiscale de plus…

Impôts : exonérer les moins de trente ans, une réforme-slogan sans impact réel ?

Planet : Peut-on tout de même reconnaître des qualités à ce type de proposition ? L’idée, qui une fois mise en place coûterait 2 milliards d'euros par an d'après Jordan Bardella, peut se montrer alléchante pour certains contribuables…

Alexandre Delaigue : Il ne s’agit, à mon sens, que d’une réforme slogan… et c’est bien souvent le problème que rencontre le Rassemblement national, au moins sur le volet économique de son programme. Depuis un moment déjà, il fait face à un déficit de gens capables de produire des idées économiques pertinentes et compatibles avec l’idéologie dont il se revendique ; indépendamment de ce que l’on peut penser de cette dernière.

En 2017, ils s’étaient illustrés avec la sortie de l’Euro, mais cette proposition - aventureuse, il faut bien le dire - aliénait une partie de leur électorat laquelle est alors partie chez Les Républicains. Cette proposition les condamne moins, mais illustre bien un certain manque d’inspiration. 

Si l’on souhaitait toutefois défendre ce type de mesure, on pourrait alors envisager une ligne très libérale, plus proche de celle que tenait Jean-Marie Le Pen quand il occupait encore la tête du parti. L’ancien président du Front national a d’ailleurs milité pour la suppression de l’impôt sur le revenu pour l’intégralité de la population, rappelant combien ce dernier peut coûter cher aux Françaises et aux Français sans pour autant rapporter énormément à l’Etat. Un programme de ce type pourrait aussi envisager son remplacement par une flat tax, pas si différente de ce que souhaite faire le ministre de l’Economie brésilien.

Ceci étant, il importe de rappeler qu’une telle transformation fiscale est par essence inégalitaire : il s’agit de remplacer un impôt progressif par un autre qui ne l’est pas. De plus, les résultats observés à l’issue de telles réformes se sont souvent montrés très décevants. La fiscalité n’est pas un outil aussi puissant qu’on le prétend parfois.

Impôts : la France fait-elle vraiment face à un problème d'attractivité ?

Planet : Existe-t-il des alternatives intéressantes d’un point de vue économique et susceptibles de résoudre le problème présenté par Marine Le Pen ?

Alexandre Delaigue : Avant toute chose, il faut poser la question : avons-nous vraiment un problème d’attractivité et de départ de nos jeunes travailleurs ? Bien sûr, certains s’expatrient. Mais est-ce vraiment négatif ? C’est assurément une chance pour ceux qui y trouvent des débouchés professionnels, comme c’est parfois le cas des dessinateurs et des animateurs français qui partent souvent aux Etats-Unis.

A bien des égards, c’est aussi bénéfique pour le pays : cela participe du rayonnement de la France à l’international et permet le maintien de liens économiques entre nations. Historiquement, les diasporas constituent souvent des bases pour l’exportation et l’importation de biens. L’idée même que ces expatriations soient mécaniquement néfastes est donc très discutable. 

Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de souci avec la jeunesse en France. Notre système social est défavorable à l’emploi de ces derniers et il y a un vrai problème de rémunération ainsi que de qualification aujourd’hui. Malheureusement, il n’existe pas de mesure miracle pour y remédier : il faut améliorer notre système éducatif et mettre en place un environnement propice à leur embauche.