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Planet : L'épargne des Français est-elle en sécurité ? D'aucuns s'inquiètent en effet d'une potentielle faillite des banques en raison de la crise sanitaire. Face à la crise économique de 2008, de nombreux États avaient fait le choix de sauver les banques, parfois au détriment des ménages. Ce risque existe-t-il encore aujourd'hui ?
Philippe Crevel : Sauver les banques, sauve aussi les ménages. Sans banque, plus d'épargne, plus de crédits. Nous sommes confrontés à une crise sanitaire et à une crise économique mais heureusement pas à une crise financière. Les établissements financiers font front. Les dispositifs de contrôle mis en place après la crise de 2008 et le renforcement des fonds propres jouent leur rôle. Les banques françaises figurent parmi les plus solides d'Europe. En l'état actuel, aucune menace sérieuse ne pèse sur les établissements financiers.
Certes, une multiplication des faillites et l'abandon de créances devenues douteuses pourraient mettre en difficulté les banques. Ce risque est surveillé par la Banque centrale ainsi que par le Ministère de l'Économie et des Finances. Un an, après le début de la crise de Covid-19, le nombre de liquidations d'entreprises est à un point bas en raison des soutiens apportés par les pouvoirs publics.
"L'Etat ne peut pas taxer l'épargne des Français, ce serait économiquement très irrationnel"
Planet : 2020 constitue une année historique sur bien des plans. La pandémie de coronavirus Covid-19 a poussé le gouvernement à réagir, lequel a engagé une série de dépenses pour protéger l'économie française de l'arrêt total. Dorénavant, la dette de l'Hexagone excède 100% du PIB. Dans quelle mesure s'agit-il d'un problème pour les épargnants ? L'État pourrait-il être tenté de saisir certaines de leurs ressources ?
Philippe Crevel : Le recours à l'endettement pour faire face à cette crise centennale a été facilité par la Banque centrale européenne qui a institué un taux de dépôts négatif à -0,5 % et qui a décidé d'injecter 1 850 milliards d'euros de liquidités en procédant à des rachats d'obligation. Avec une dette publique qui atteint 120 % du PIB, l'Etat français emprunte à 10 ans à -0,30 %. Le service de la dette, c'est-à-dire le paiement des intérêts, est moins élevé en 2020 qu'en 1997 malgré une dette qui a été multiplié par plus de deux. Le maintien des taux bas permet la solvabilité des Etats. Le retour de la croissance devrait faciliter le remboursement de la dette "covid".
Le gouvernement s'interdit pour le moment d'augmenter les prélèvements sur les ménages ou sur les épargnants. L'augmentation des impôts aggraverait la récession. Taxer les épargnants accroîtrait le climat de défiance. Ils seraient incités à mettre leur argent sous leur matelas. Dans le passé, l'augmentation des impôts sur l'épargne a conduit les contribuables à renforcer leur effort d'épargne, ce qui rentrerait en contradiction avec la volonté de relancer la consommation. Une captation directe de l'épargne n'est pas à l'ordre du jour. Elle serait synonyme de banqueroute. Elle entraînerait un mouvement de panique et une violente remontée des taux d'intérêt, ce qui une nouvelle fois serait économiquement irrationnel. Cette option ne serait envisageable qu'en dernière, dernière extrémité.
La crise sanitaire va peser sur votre épargne
Planet : Outre les éléments précédemment évoqués, dans quelle mesure la crise économique, elle-même engendrée par la crise sanitaire, peut-elle fragiliser l'épargne sur le long terme ?
Philippe Crevel : Le rendement de l'épargne dépend de la croissance ainsi que de la politique monétaire. La crise actuelle conduit les banques centrales à appliquer des taux historiquement bas qui pèsent le rendement de l'épargne réglementée ou celui des livrets bancaires et des fonds euros des contrats d'assurance vie.
A contrario, la politique monétaire favorise la hausse des valeurs "actions". Néanmoins, celles-ci pourraient avoir un accès de faiblesse si la reprise était trop longtemps différée. De même, actuellement, l'immobilier résiste malgré tout, mais il pourrait subir une correction avec l'allongement de la crise et le changement des comportements de la population.La moindre attractivité des grandes agglomérations, le développement du e-commerce, le télétravail pourraient avoir de fortes incidences sur le rendement de l'investissement immobilier locatif.