Prélèvement et solidarité à la source : l’autre objectif du gouvernementIstock
En 2019, le gouvernement met en place le prélèvement à la source. Dorénavant, c'est une nouvelle révolution fiscale qui attend les Français : le versement automatique de leurs prestations. Mais de quoi parle-t-on, au juste ?
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C’était sans doute l’une des plus grosses réformes du précédent quinquennat. Le prélèvement à la source, sur lequel a beaucoup travaillé Gérald Darmanin alors qu’il était encore ministre de l’Action et des Comptes publics, a vu le jour en janvier 2019. Sa conception, rappelle pourtant le le site du ministère de l’Economie, des Finances ainsi que de la Souveraineté économique et numérique, pré-date l’élection d’Emmanuel Macron : ce nouveau dispositif est introduit par la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017. Après l’arrivée au pouvoir du président de la République, il a été aménagé via l’article 11 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 puis par la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. 

Le fond du projet reste le même : permettre à l’Etat de récupérer l’impôt sur le revenu avant même le paiement du salaire ou le versement de la rémunération. Une réforme que les Françaises et les Français semblent d’ailleurs approuver, rapporte Le Parisien sur son site.

Après le prélèvement à la source, le versement automatique des prestations

Le versement automatique des prestations sociales, que d’aucuns appellent d’ores et déjà la "solidarité à la source" apparaît comme la "suite logique" de la retenue à la source. Cette nouvelle réforme, indique la radio RTL sur son site, vise à simplifier la vie des Français les plus vulnérables, économiquement. Pour l’heure, elle concerne une série d’aides spécifiques que sont le revenu de solidarité active (RSA) et les APL (aides personnalisées au logement). L’exécutif a en effet fait savoir sa volonté d’expérimenter, de procéder par étapes. C’est le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, qui en faisait l’annonce début septembre.

"Seuls le RSA, la prime d'activité et les APL (aide personnalisée au logement) seraient testés dans un premier temps. Cela concerne globalement 90% des allocataires, soit près de 20 millions de Français", a-t-il ainsi déclaré. Les premiers tests commenceront en 2023, dans "une dizaine de territoires", précise le ministre. 

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Ces deux réformes partagent un autre point commun : elles ont été présentées comme des chantiers visant avant tout à épauler les contribuables. Pour autant, peut-on vraiment penser que c’est là l’unique objectif de l’Etat ? Pas nécessairement.

Prélèvement à la source : faciliter la récolte de l’impôt et endormir les contribuables ?

Pour l’économiste Jacques Bichot, qui a signé plusieurs livres tels que "Dernière crise avant l’apocalypse" (éditions Ring, 2021, ouvrage sous presse en collaboration avec Jean-Baptiste Giraud), il serait naïf de penser que l’Etat ne tire aucun avantage de ces réformes. Il ne s’agit donc pas seulement de faciliter la vie de quelques-uns (sinon l’essentiel) des contribuables.

"Pour l’Etat, l’intérêt du prélèvement à la source est évident… et il se résume aisément en un unique dicton : on est jamais mieux servi que par soi-même. Avec la retenue à la source, force est de constater que l’argent ne transite pas par les comptes des citoyens avant d’arriver sur ceux de l’Etat. Cela revient à réduire le circuit et surtout cela évite d’avoir à recouvrer les sommes auprès de gens qui les ont déjà perçus. L’impôt devient plus indolore, quand bien même il s’avère moins transparent. Parce qu’il est moins désagréable, il est aussi plus facile d’augmenter le montant des prélèvements si on le souhaite", rappelle en effet le spécialiste pour qui "les hommes politiques ont bien compris que des prélèvements moins visibles sont forcément plus intéressants".

Autre intérêt à noter : l’Etat bénéficie d’une sécurité plus importante en matière de recouvrement. "Le versement automatique de l’impôt vers les comptes de l’Etat lui permet de s’assurer qu’il récupérera bel et bien les sommes souhaitées. Un peu comme pourrait le faire un propriétaire vis-à-vis d’un locataire, par exemple, à l’aide d’un virement automatisé", observe l’économiste, qui déplore cette situation. "Il me semble que l’on pourrait souhaiter davantage de transparence dans la façon dont est géré l’impôt en France. Les citoyens doivent être considérés comme des individus responsables et en mesure de se rendre compte de ce qui leur est prélevé", argumente-t-il.

Quid de la solidarité à la source ?

Dans le cas de la solidarité à la source aussi, l’Etat nourrit d’autres ambitions que la seule simplification de la vie des foyers vulnérables. Comme l’explique Capital sur son site, il s’agit notamment de lutter contre le non-recours aux prestations et mettre un coup d’arrêt à une certaine forme de fraude sociale. 

Dans le premier cas, expliquent nos confrères, c’est la quasi-absence de démarches qui permettrait aux Françaises et aux Français de percevoir les allocations auxquelles ils ont droit et qu’ils ne demandent pas, faute de savoir qu’ils peuvent en bénéficier. "Il est complètement anormal que 30% des personnes qui ont droit à des aides ne les réclament pas", s’agaçait d'ailleurs Jean-Christophe Combe en présentant le projet.

Le second objectif affiché laisse Jacques Bichot plus circonspect. Certaines estimations, forcément difficiles à réaliser, évoque une fraude sociale de 45 milliards d’euros par an. Mais le versement automatique ne permet pas de corriger ce genre de soucis, assure l’économiste. "La fraude aux prestations, c’est déclarer des enfants que l’on a pas, dire que l’on est malade tandis que l’on ne l’est pas et profiter des avantages que ces situations engendrent mécaniquement, pour ne citer que celles-ci. Je ne vois pas comment l’absence de démarches ou de justificatif pourrait changer à la situation", assène-t-il.