Face à la montée des cyberattaques, le FBI et la CISA recommandent d’arrêter d’envoyer des SMS entre utilisateurs d'iPhone et d'Android. Un conseil qui ne vise pas seulement les Américains mais tous les...
- 1 - La voix rauque du “gars” : la genèse du corbeau de la Vologne
- 2 - Le portrait psychologique du corbeau
- 3 - Les femmes, principales victimes du satané corbeau
- 4 - La vengeance : le “dessein” du corbeau… Vraiment ?
- 5 - Un vent de suspicion dans la famille Villemin
- 6 - Les derniers suspects
- 7 - Une ou plusieurs têtes ?
- 8 - “Corinne”, un corbeau pas comme les autres
- 9 - Et maintenant ?
Un soir de janvier 1981, le téléphone sonne chez Monique et Albert Villemin, à Aumontzey (Vosges). A l’autre bout du fil, rien, ou presque : une respiration. Le lendemain, la même manœuvre se reproduit. Et puis, l’interlocuteur devient bavard. Il semble bien connaître les Villemin et leurs secrets . Il parle de Monique et de son “batard”, Jacky, l’enfant d’un autre homme, et du suicide du père d’Albert. Vraisemblablement, le corbeau en a après les hommes et les femmes Villemin, mais pas tous : il a ses cibles privilégiées (Albert, Monique, Jean-Marie et Christine Villemin) et ses “protégés” (Jacky, Liliane, Michel..).
La voix rauque du “gars” : la genèse du corbeau de la Vologne
Bientôt, le troisième fils du couple, Jean-Marie, âgé d’une vingtaine d'années, s’attire aussi les foudres de l’anonyme. La première fois, l’appel est silencieux, ou presque : Jean-Marie et sa femme Christine entendent seulement dans le combiné la chansonnette populaire “Chef, un p’ti verre, on a soif”.
C’est que, à l’époque, Jean-Marie, devenu contremaître très jeune à l’usine Autocoussin, attise quelques jalousies dans sa propre famille.
Le “chef” et sa femme deviennent, bientôt, l’une des obsessions du corbeau. “Christine et Jean-Marie qui venaient juste d’avoir leur nouvelle maison à Lépanges. Sitôt le téléphone installé, les appels ont commencé. Alors c’était d’abord des silences pesants, des respirations inquiétantes. Après ils ont eu le droit à la musique genre “un petit verre, on a soif”, fredonnée par le voix rauque”, rapporte Patricia Tourancheau, journaliste et autrice de Grégory - La machination familiale (ed. Seuil).
Les intrusions
C'est le début d’un harcèlement qui va aller crescendo, jusqu’au drame. Le corbeau s’acharne : au fil des mois, les différents membres de la fratrie vont recevoir des centaines d’appels.
Et l’anonyme revanchard ne s’en serait pas arrêté aux appels. “De mémoire, il y a eu trois intrusions, rapporte Thibaut Solano, journaliste et auteur de La Voix Rauque (ed. Les Arènes).
La première fois, c’est un soir ou Christine reçoit cet appel avec cette voix rauque effrayante qui la traite de tous les noms. Elle raccroche, prend sa douche, et en sortant de la salle-de-bains, elle voit une main dans le carreau de la fenêtre qui semble vouloir tenter d’entrer. - Thibaut Solano
Puis, l'année suivante, les pneus de Jean-Marie seront crevés par un mystérieux gredin. Enfin, un soir où la mère de Christine, Gilberte Blaise, garde Grégory au domicile du couple, elle entend des pas devant la porte du pavillon, avant de voir, par la fenêtre, une voiture démarrer en trombe et quitter le périmètre.
Pour la famille, l’évidence devient criante : le corbeau ne se contente plus de menacer, il est prêt à passer à l’acte.
“Ils se disent que c’est bizarre, et ils enquêtent pendant une petite année avant que la coupe soit pleine et que le 30 novembre 1982, Albert Villemin reçoive 27 appels anonymes, jusqu’à l’arrivée d’un croque-mort chez lui. Là, il porte plainte pour violences et voies de faits à la gendarmerie”, explique Patricia Tourancheau.
Les courriers
Une enquête est ouverte, et les gendarmes poussent les Villemin à s’équiper d’un magnétophone et à l’installer près du combiné : dès que le “gars” les appellera, il suffira de presser le bouton enregistreur.
Comme par hasard, les appels cessent, presque du jour au lendemain. La preuve, pour Patricia Tourancheau, “que le corbeau est très proche de la famille, et que quelqu’un lui a dit que les gendarmes allaient mettre une écoute. Donc il s’arrête, en tout cas par téléphone, et commence par envoyer quelques lettres anonymes”, explique l’autrice.
En mars 1983, une lettre, glissée dans les volets de la maison de Christine et Jean-Marie, à Lépanges-sur-Vologne, lâche cette menace : « Je vous ferez votre peau à la famille Villemain » [Sic].
D’autres missives suivront. En avril 1983, Albert et Monique reçoivent à leur tour, une lettre en forme de menace :
«Si vous vouler que je m'arrête, je vous propose une solution. Vous ne dever plus fréquenter le chef. Vous devez le considéré lui aussi comme un batard, le mettre entièrement de côté, pour vous et ses frères et sœur. Si vous ne le faites pas, j'exécuterai mes menaces que j'ai fait au chef pour lui et sa petite famille»
Le dernier appel du corbeau de la Vologne.
Le 24 avril 1983, Jean-Marie Villemin répond à un appel sur son lieu de travail. Au bout du fil, la voix rauque lui annonce qu’il compte s’en prendre à sa femme. Volontairement provoquant, le contremaître rétorque: “J'ai de l’argent, je trouverai une autre minette”. L’oiseau insiste :”Je m’en prendrai à ton mioche, ça te fera plus de mal…”.
La réaction de Jean-Marie est sans appel. “Espèce de fumier, n’essaie pas de toucher au gamin ou t’es un homme mort !”, lâche le père de famille.
Ce sera l’ultime croassement du corbeau. Le 17 mai 1983, Albert et Monique reçoivent, eux, sa dernière lettre :
«Je vois que rien à changer chez vous. Il n'y en a toujour que pour les même et le chef vient toujours. (…) Eh oui le vieux, j'arrête et tu ne sauras jamais qui t'as fait chié pendant deux ans. Je me suis vengé car je vois que tu te rumines, tu ne pendras peut-être pas mais je m'en fou car ma vengeance est faite. Je te hais au point d'aller cracher sur ta tombe le jour ou tu crèveras. (...) Ceci est ma dernière lettre et vous n'aurez plus aucune nouvelle de moi. Vous vous demanderez qui j'étais, mais vous ne trouverez jamais. Que le tout fou d'à côté arrête de frimer car il prend un coup de poing dans la gueule et il se sauve. Adieu mes chers cons. »
Et puis, plus rien… Jusqu’au 16 octobre 1984. Ce jour-là, au moment où Christine Villemin cherche son fils Grégory, disparu alors qu’il jouait devant la maison de Lépanges, le frère de Jean-Marie, Michel Villemin, reçoit un appel. Le corbeau s’est réveillé.
Auditionné quelques jours après la découverte du corps de l’enfant, Michel rapporte son échange glaçant avec “le gars” : “Je décroche. J'entends : « Allo, comme il y a personne à côté, tu feras la commission. J'ai kidnappé le gosse du chef, ma vengeance est faite.Je l'ai foutu à la Vologne. Sa mère doit le chercher partout, elle ne le retrouvera pas ».”
Le lendemain, les parents de Grégory reçoivent une lettre, postée au bureau Lépanges-sur-Vologne le jour du crime à 17h25.
Le doute n’est plus permis. L’assassinat de Grégory Villemin est l’oeuvre de l’oiseau revanchard. Mais qui se cache vraiment derrière le sombre persécuteur des Villemin ?
Le portrait psychologique du corbeau
Pour Étienne Sesmat, capitaine de la gendarmerie d’Epinal, en charge de l’affaire à ses débuts, les agissements du corbeau constituent dès lors la base même de son enquête.
“On a su très vite que ce crime se passait dans une ambiance particulière. Le crime a été très vite revendiqué, et on a compris que le père de la victime, Jean-Marie Villemain, était la vraie “cible” de ce meurtre. On a pris très vite pris conscience du caractère presque sacrificiel de ce meurtre, Grégory a été comme “sacrifié” à la haine vouée à son père, c’était la facon la plus cruelle de nuire à Jean-Marie Villemin”, confie l’ancien gendarme à Planet.
Il ajoute que le père de famille s’en est voulu d’avoir trop laissé transparaître, lors de ces échanges avec l’anonyme, son attachement à son fils. “En parlant avec le corbeau au téléphone, il avait laissé entendre que ce qui pouvait lui faire le plus de mal, c’était la mort de Grégory”.
Dès les premières minutes de l’enquête, sa brigade prend entièrement la mesure du harcèlement dont la famille était victime, depuis plus de trois ans. “Nos camarades de la gendarmerie voisine étaient au courant de l’affaire du corbeau. O n a découvert les lettres précédentes envoyées par le corbeau en avril 1983, mais l’affaire n’avait pas été creusée davantage jusqu’alors”, explique Étienne Sesmat.
Pour le gendarme, l’affaire possède, de fait, un volet psychologique qui apparaît indéniable.
“Le courrier posté juste après est véritablement la pièce maîtresse de l’affaire Grégory, car sans cette lettre, on serait dans des supputations diverses. Avec ce courrier, on a à la fois le mobile du meurtre ("j'espère que tu mourras de chagrin le chef”), et on sait que c’est la même main qui a écrit cette lettre et celles du passé, donc on est dans la continuité de l’action. On se dit qu’on va pouvoir exploiter cette lettre manuscrite grâce aux experts en graphologie.” - Étienne Sesmat
Cette lettre, c’est la “clé de voûte" de l’affaire Grégory, selon l’ancien enquêteur.
Plus largement, l’ensemble des courriers, et des appels enregistrés par les soins de la famille, donnent, selon lui, de précieux indices sur le profil du corbeau, et donc, du ou des auteurs de l’assassinat du petit Grégory.
La “double personnalité” du corbeau
Les enquêteurs se mettent à chercher du côté des proches de la famille Villemin. “
“On sait que ça se passe du côté d’Aumontzey là où habitent Albert et Monique, car c’est là qu'ont eu lieu les premiers coups de téléphone”, énonce Étienne Sesmat. Il ajoute : “les corbeaux sont toujours géographiquement et socialement proches de leurs victimes, car ils ont besoin de voir les effets de leur malveillance”.
Mais ça n’est pas tout. Pour le gendarme, l’auteur des courriers et des appels est quelqu’un d’intelligent, qui a réussi à dissimuler son identité pendant des mois, alors même qu’il fréquentait très probablement ses victimes. “On sait que c'est quelqu'un qui a bien caché son jeu, et qu’on va avoir une surprise, observe Étienne Sesmat.
On sait qu’on a affaire à quelqu’un qui a une double personnalité. Le ou les corbeaux ont agi pendant des mois, des années, dans ce cercle familial restreint, sans jamais avoir été découverts. Donc ce sont des individus qui se cachent derrière une apparence peut-être de neutralité, de bienveillance, des gens tout sauf suspects, mais qui derrière agissent. C’est dans ce sens qu’on se dirige. - Étienne Sesmat
Christine Navarro, l’experte en graphologie qui a travaillé sur les courriers du corbeau en 2016, rejoint ce constat. “Souvent, les corbeaux sont des personnes qu’on ne soupçonne pas du tout, on se dit : “non c’est pas possible", les gens sont surpris de l’identité du corbeau.”
Un corbeau qui maquille religieusement son identité, jusqu’à faire volontairement des fautes. Lorsqu’il écrit “Villemain”, à la place de “Villemin”, par exemple, explique Christine Navarro. Elle poursuit : “Il faut bien penser que ce corbeau peut faire exprès de faire une faute pour faire croire qu’il ne fait pas partie de la famille pour noyer le poisson et encore une fois envoyer les gens sur une fausse piste.”
Pour elle, si l’anonyme prend parfois soin de déguiser son écriture, ou sa voix, il semble évident, dans cette affaire, qu’il s’agit d’une seule et même personne, voire, d’un seul et même groupe.
“Avec ses coups de fil anonymes au départ, donc pour moi on à affaire à une même personne, qui a changé son mode opératoire, car ensuite les familles ont été mises sur écoute. Mais on voit bien que le même vocabulaire revient. Il y a une continuité, les mêmes termes, on dit une fois que c’est un homme, une fois que c’est une femme, et on se dit, elle déguise sa voix et son écriture, mais parfois pas. Tout est possible”, décrit l’experte.
Paranoïa et sentiment de toute-puissance
Une haine viscérale, probablement entretenue, ou amplifiée, par un certain déséquilibre mental, jusqu’au point de non retour. “On se rend compte qu’il y avait des soucis entre les famille Villemin et Jacob, des haines de famille qui existent depuis un moment, des affaires familiales sous jacentes, deux pôles qui visiblement ne s’aimaient pas beaucoup…, explique l’experte en graphologie.
“C’est un terreau de haine pour remonter à tout. Il suffit d’une personne qui ne soit pas bien dans sa tête, pour que quelque chose qui parait anodin mais paraisse un drame pour une personne paranoïaque, et cette personne va vous mener la vie infernale, ça va être disproportionné… la haine ne fait que s’amplifier et il ne faut pas toujours chercher un raisonnement de personne saine.” - Christine Navarro
Mais l’anonyme ne serait pas pour autant fou. “Les corbeaux sont calculateurs et pervers, là on parle d’une personne qui n’a pas été attrapée, qui calcule ce qu’elle fait. Elle n’agit pas sous le coup de l’impulsion, peut-être de la haine, mais ça n’est pas quelqu’un de mentalement atteint, d’irresponsable, de désorganisé”, précise l’ancienne gendarme.
Surtout, le corbeau se délecte de ses forfaits, et plus la recherche de son identité obsède ses proies, plus il se gausse d’être finalement intouchable.
“Si la personne n’est pas stoppée, elle se sent puissante. Et là, ça n’a pas été stoppé, la personne s’est donc sentie de plus en plus puissante”, analyse Christine Navarro.
Un homme ou une femme ? Les indices de la graphologie
Pour l’experte, qui a travaillé sur de nombreuses affaires de corbeau, d’autres indices dans les courriers permettent également d’en savoir plus sur l’identité de l’anonyme, et notamment… sur son genre.
“La façon dont vous tournez les phrases, dans les lettres anonymes, n’est pas anodine. Chez une personne, certains détails sont plus féminins que chez le sexe masculin par exemple. Il y a une différence dans le style, dans la façon de tourner les phrases… Les hommes sont plus grossiers par exemple”, dépeint Christine Navarro.
Homme ou femme, le corbeau n’hésite pas, quoi qu’il en soit, à taper sur la gent féminine, l’une de ces autres obsessions macabres…
Les femmes, principales victimes du satané corbeau
Dans ses infâmes missives, l’oiseau a des victimes bien choisies : les femmes de la Vologne.
“Au moment où le corbeau frappe, on est dans une période de changement, les familles sont plus nombreuses et les femmes en supportent le poids”, note Thibaut Solano. Dès les années 1980, le journaliste note un changement dans les mentalités qui “commence doucement à infuser”.
Christine Villemin, au premier plan, symbolise la volonté de s’émanciper du patriarcat. “Les autres femmes avaient aussi un caractère assez fort, ça n’allait pas sans mal”, articule l’auteur de La Voix Rauque.
La mère de famille se distingue parmi les autres épouses du clan : elle est celle qui n’accepte pas les coups, qui n’hésitera pas à tourner les talons si son mari daigne lever à nouveau, ne serait-ce qu’une fois, la main sur elle.
Elle est élégante, s’habille “sexy” pour l’époque, un peu trop, diront certains naufragés du sexisme ambiant. “Pimbêche”, “gonzesse”... Dans le village, nul ne se gêne pour mépriser Christine, et le corbeau encore moins.
A son sujet, Thibaut Solano poursuit : “son thème fétiche, c’était les coucheries, la haine des femmes”. “Quasiment toutes en ont fait les frais, elles ont toutes été accusées de coucher avec un tel. Pour les femmes, c’était particulièrement cruel”, souffle l’auteur.
Monique Villemin, elle aussi, est la “marie couche-toi-là”, dans son langage d’oiseau. Sans cesse épinglée quant à sa relation avec Thiébaut, dont est le fruit Jacky Villemin, elle est allègrement humiliée dans les courriers anonymes.
“Je vais la coincer dans un coin et la violer”
Dans l’un de ses innombrables appels adressés à Jean-Marie Villemin, le piaf menace de brûler la maison du couple. Impassible, le contremaître lui répond qu’il n’en a “rien à foutre” de ses intimidations. Perturbé, l’anonyme répond avec véhémence : “Je vais m’en prendre à ta pimbêche de femme. Je vais la coincer dans un coin et la violer”, rapporte Patricia Tourancheau. Une provocation d’une violence phénoménale, qui laisse entrevoir l’indignité et le sadisme de l’animal.
Toujours à l’autre bout du fil, le corbeau appelle cette fois, Liliane, le 8 mars 1984, et évoque Jean-Marie : “Je vais lui faire la peau. Surtout que c’est la bonne saison. Et puis je tuerai sa femme”, lance-t-il.
La vengeance : le “dessein” du corbeau… Vraiment ?
Le corbeau n’a qu’un seul mot à la bouche : vengeance. Mais selon Christine Navarro, il ne faut pas prendre pour argent comptant les justifications de l’horrible volatile. “Cela peut-être un faux argument, mis là pour envoyer sur une fausse piste. Un moyen pervers de faire culpabiliser les gens. Son but, c'est de s’amuser avec la personne, ces gens sont ses jouets et il s'amuse beaucoup au dépens des gens. Souvent, c’est juste une histoire de haine et de jalousie, sans vengeance à proprement parler”, nous assure-t-elle.
De son côté, l’experte pense qu’il s’agit davantage d’une histoire d’aversion, de convoîtise qui a enflé au fil du temps.
Évoquer la vengeance, ça peut être aussi un moyen pour que les gens se creusent la tête. Chez les gens qui sont malades, la haine ne fait que gonfler au fil du temps. Au départ, c’étaient les grands-parents qui étaient visés. Y avait-il de la jalousie envers Monique et Albert ? En tout cas, ils ont été harcelés, de façon rocambolesque, et c’est quelqu’un qui harcèle les grands-parents au départ. Il faut donc revoir l’origine du mal. - Christine Navarro
Même son de cloche chez Thibaut Solano, pour qui le personnage d’Albert reste central dans l’imbroglio des obsession de l’oiseau de malheur : “Albert s’est fait des ennemis dans sa belle famille, il n’était pas aimé par son beau père et son beau frère, peut être que le coupable est à chercher de ce côté là… Soit c’est un transfert de la haine à Jean-Marie, soit le corbeau avait deux cibles pour des raisons différentes dès le départ”.
Le vocabulaire du corbeau, justement, laisse transparaître, au fil des appels et des courriers, ses nombreuses obsessions.
Le chef, bâtard, vengeance, qui revient régulièrement… ça peut être un faux argument, qui est mis là pour envoyer sur une fausse piste, ça peut être un moyen pervers pour culpabiliser les gens et les envoyer sur des fausses pistes, alors que souvent c’est juste une histoire de haine et jalousie, il n’y a pas de vengeance à proprement parler. - Christine Navarro
En somme, le corbeau prêche le faux pour semer la zizanie et rendre tout le monde chèvre.
Les Villemin, une “famille normale” ?
Pour Étienne Sesmat, assez de décrire les Vosgiens comme des personnes arriérées et hors-circuit. “Les Villemin étaient une famille normale, nombreuse, avec certes des personnalités diverses, des jalousies comme dans toutes les familles, mais au milieu de tout ça, il y avait quelqu’un qui pour une raison ou une autre, dûe à son histoire, son enfance, sa personnalité,peut-être, entretient une idée de jalousie, d’envie même”, déclame-t-il.
L’envie est un levier psychologique énorme, l’un des sept péchés capitaux. Les psychiatres disent que c’est un levier de haine très très important, et que quelqu’un d'étouffé par l’envie de façon maladive développe des pulsions de haine très fortes - Étienne Sesmat
Dès lors, l’assassinat de l’innocent Grégory Villemin devient un geste libératoire et définitif, un sacrifice qui permet de délivrer la jalousie et le ressentiment.
Pour enfin démasquer le corbeau, ou au moins comprendre ses motivations, Christine Navarro estime nécessaire de remettre l’histoire dans son contexte. “Ce sont des harcèlements téléphoniques sur les grands-parents, quand on lit bien, il y a toute une histoire avant ces fameuses lettres et avant le décès du petit garçon. Il faut bien regarder qui était visé au début”, lâche-t-elle.
Les “torts” de Jean-Marie Villemin
Pour Thibaut Solano, il n’y a aucun doute : Jean-Marie Villemin suscite la haine pour des raisons bien éloignées de celles qui ont poussé le corbeau a harcelé son père. “Ce n’est pas pour des secrets enfouis, mais pour le présent. Jean-Marie représente la réussite, l’extraction du chemin familial. Certains disent qu’il avait un petit côté coq, frimeur, bling-bling”, ajoute l’auteur. Une théorie appuyée par Patricia Tourancheau, qui confirme : “Le corbeau ne supporte pas l’ascension sociale de Christine et Jean-Marie Villemin”.
Peut-être que le premier tort de Jean-Marie était de réussir, et le deuxième tort, d’être le fils de son père. - Thibaut Solano
Un vent de suspicion dans la famille Villemin
Peu importe la raison qui pousse le corbeau à harceler le clan Villemin : la famille ne compte pas se laisser faire et scrute les moindres faits et gestes de son entourage pour démasquer l’auteur des missives anonymes. “Il y avait une telle paranoïa que les suspects étaient multiples… Mais suspectés sur des détails”, se rappelle Thibaut Solano.
Si l’identité du corbeau, le nombre de mains derrière ces lettres ou encore les motivations du volatile demeurent flous, un élément capital met tout le monde d’accord : le traître est parmi nous. “On sait que l’assassin est parmi l’entourage immédiat de Grégory, on va dire au sens large entre 10 et 20 personnes possibles qui ont pu écrire la lettre de revendication du crime”, affirme Me Jean-Paul Teissonnière, avocat de Murielle Bolle.
De nombreuses branches de la famille ont été pressenties corbeau. “Les Hollard (NDLR : le côté maternel de la famille d’Albert Villemin) ont été placés en garde à vue au début de l’affaire, le cafetier a dû être interrogé aussi”, explique le journaliste, notant que ces personnes ont totalement été mises hors de cause par les autorités.
On peut penser que le corbeau fait partie de cette famille, qu’il en est proche car il en connaît le passé et le quotidien. Il y a des traces de haine. - Thibaut Solano
Michel et Ginette, la bande à part
Les courriers du maudit volatile ont semé la discorde au sein de la fratrie Villemin, pas seulement avec Jacky mais aussi Michel… Qui était tout le contraire de Jean-Marie : nerveux, colérique, il a eu des difficultés à l’école et habitait tout près de chez ses parents. Par exemple, le corbeau reprochait à Monique Villemin d’inviter Jean-Marie et Christine à déjeuner le dimanche, mais pas Michel et sa femme.
“Le problème, c’est que Michel habitait à côté de ses parents. Donc c’est vrai que le dimanche, c’étaient plutôt les enfants qui venaient de loin qui étaient invités au déjeuner dominical et du coup avec Ginette ils venaient seulement pour le café car ils habitaient à côté. Le corbeau jouait là-dessus et défendait également le bâtard, Jacky, qui serait moins bien traité que les autres membres de la famille”, articule Patricia Tourancheau.
Toutefois, Michel n’était pas le principal suspect de Jean-Marie Villemin. En témoigne un mystérieux coup de fil entre le père de Grégory et le corbeau…
Les 4 suspects de Jean-Marie Villemin
Alors que le corbeau n’en est qu’à ses premiers essais, il appelle Jean-Marie Villemin au travail en avril 1982. “Ce n’est pas une conversation enregistrée, mais Jean-Marie va la retranscrire et la répéter presque mot pour mot”, relate Patricia Tourancheau, qui décrit l’entretien comme suit :
Jean-Marie Villemin - Mais pourquoi ? Pourquoi tu ne m’aimes pas ? Pourquoi tu m’en veux ? Qu’est-ce que j’ai fait, moi ?
Le Corbeau - C’est juste que je n’aime pas les chefs.
Lors de cet appel téléphonique d’une trentaine de minutes, Jean-Marie Villemin décide de soumettre quatre noms.
Jean-Marie Villemin - Donne-moi la parole que tu me diras si tu es un des quatre.
Le Corbeau - Vas-y, je te la donne.
Jean-Marie Villemin - Les Noël d’Aumontzey, Pascal Verdu, de Granges, Marcel Jacob et Rogel Jacquel.
Le Corbeau - Oui, il y en a un des quatre mais tu ne sauras jamais qui c’est.
Bernard Laroche, le suspect des premières heures
Interrogé sur les suspicions de Jean-Marie Villemin à l’encontre du couple Jacob, Me Frédéric Berna, avocat de Marcel Jacob, rétorque : “Il pouvait soupçonner qui il veut. Il a tellement bien soupçonné Bernard Laroche qu’il l’a tué d’un coup de fusil. Les soupçons de Jean-Marie Villemin, je n’en ai pas grand chose à faire”.
Pour les gendarmes qui enquêtent sur le meurtre du petit Grégory, cela ne fait aucun doute : le corbeau et l’auteur de l’assassinat forment une seule et même personne. “On travaillait avec une experte en écriture, Mme Jacquin-Keller, pour retrouver cette personne, et on passait systématiquement à la dictée toutes les personnes qu’on entendait pour lui envoyer les documents”, nous a assuré Étienne Sesmat.
Lors de la garde à vue de Bernard Laroche pour le meurtre de Grégory Villemin, l’ex gendarme se rappelle : “On lui fait faire la dictée, elle part chez l’experte le soir même. Elle nous rappelle le lendemain, et nous dit : ‘pour moi, il est fort probable que ça soit l’auteur, le corbeau’”.
Si Bernard Laroche a finalement été relâché, les doutes de Jean-Marie ne se sont pas essoufflés. C’est bien simple : pour lui, son cousin est le meurtrier de son fils, et le corbeau qui terrorise sa famille depuis des années. Un affront que le père de Grégory décide de punir lui-même, d’une balle dans la poitrine.
Christine Villemin, innocentée à tort ? Le pourvoi en cassation qui interroge
Pourtant, plusieurs experts ont innocenté Bernard Laroche… Pour incriminer Christine Villemin, la mère de la victime. Me Teissonnière explique : “Les six experts nommés par Lambert vont tous conclure de la même manière en disant : un, ça ne peut pas être Bernard Laroche, et deux, c'est indiscutablement l'écriture de Christine Villemin”.
Suite à ces conclusions , les avocats du couple Villemin auraient demandé une contre-expertise. Trois experts sont alors mandatés, “les meilleurs experts de la Cour de cassation à ce moment-là en France”, assure l’homme de loi. “Les trois nouveaux experts vont aboutir à la même conclusion en disant que ça ne peut pas être Bernard Laroche et qu'il est indiscutable ou qu'il est hautement probable, que Christine Villemin est le scripteur de la lettre de revendication du crime”.
Contactés à ce sujet, les avocats de Christine Villemin n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Me Teissonnière poursuit : “On a alors parallèlement des témoins qui la croisent devant la Poste au moment où la lettre de revendication du crime a été postée, ce qu'elle contestera contre toute évidence”, explique le conseil de Murielle Bolle, estimant qu’il y a “un dossier extrêmement lourd” à l’encontre de la mère de Grégory.
D’après Me Teissonnière, un arrêt de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Nancy a bien renvoyé Christine Villemin devant les assises pour l’assassinat de Grégory. Alors que le procès approchait, les avocats de la jeune mère de famille auraient effectué un pourvoi en cassation.
“Ils vont faire casser cet arrêt de renvoi parce que dans l’une des expertises, pas l’expertise en écriture mais une expertise mineure, l’expert a oublié de signer son rapport. Il y a, factuellement, une irrégularité et donc la Cour de cassation casse l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises”, nous rapporte l’avocat.
Incriminer Bernard Laroche, “seul moyen” d’innocenter Christine Villemin ?
Selon ce dernier, la régularisation du rapport d’expertise aurait pu suffire à envoyer Christine Villemin aux assises.
Mais on tombe sur le président Simon qui est un type extrêmement inquiétant qui va décider de reprendre tout à zéro dans le but d’innocenter Christine Villemin. Et pour innocenter Christine Villemin, il n'y a qu'un seul moyen dans ce dossier, c'est d’accabler Bernard Laroche - Me Jean-Paul Teissonnière
Là, l’instruction reprend à partir des premières déclarations des gendarmes, alors même que l’enquête se trouvait dans une phase “qui permettait de démontrer que tout ce qui avait été fait au départ ne tenait pas la route”, assure le conseil de Murielle Bolle.
Pour Christine Navarro, les premières expertises sur les courriers du corbeau sont difficilement exploitables. “Disons qu'à l'époque la police scientifique n’était pas ce qu’elle est. Certains experts n’avaient pas ou peu d’expérience des lettres anonymes, et pour d’autres une formation insuffisante concernant la problématique particulière des lettres anonymes dont l’écriture est très déguisée”, assure-t-elle auprès de Planet.
Les moyens techniques ont changé : quand on voit l’évolution de l'informatique depuis les années 80, c’est une hérésie de dire que les moyens n’ont pas évolué depuis les années 80. Aujourd’hui on peut observer l’écriture sous grossissement, juxtaposer le texte, le prendre en photo, visuellement c’est quelque chose de très fort ! On peut voir ce qui est récurrent, et cela aide beaucoup au niveau du travail de l’expertise. Alors qu’avant, on récupérait des documents altérés, qu’on examinait avec une loupe, quand il y en avait une… - Christine Navarro
Si le premier juge Lambert n’accordait aucune importance à Marcel et Jacqueline Jacob, le juge Simon, lui, avait resserré l’étau autour du couple à la fin des années 1980, avant de tomber malade. “Donc, en 2017, c’est la poursuite de la piste de Simon”, observe Étienne Sesmat.
Les derniers suspects
Plus de 30 ans après le meurtre de Grégory Villemin, de nouvelles mises en examen bousculent l’affaire en 2017. Au centre de ce rebondissement, trois personnes : Murielle Bolle, Marcel Jacob, et sa femme, Jacqueline. Si Murielle Bolle est déjà un personnage bien connu de cette sordide enquête, le couple Jacob, lui, jouissait jusque-là d’une certaine tranquillité.
Quelles étaient les relations entre les Jacob et les Villemin ?
Me Frédéric Berna, avocat de Jacqueline Jacob, estime que sa cliente et son mari n’étaient “pas plus proches que ça du reste de la famille Villemin, leurs relations étant ni particulièrement affectueuses ni particulièrement haineuses”.
Pourtant, dans la Vologne, les murmures laissent entendre une toute autre vérité. D’après Patricia Tourancheau, le couple n’appréciait pas beaucoup ni Jean-Marie, ni Christine Villemin.
“Il y a plusieurs témoignages qui montrent que Marcel Jacob a des coups de sang d’abord à l’encontre d’Albert Villemin, donc le grand-père de Grégory. Il y a eu une dispute lors d’un déjeuner chez les grands-parents Jacob et il l’avait empoigné, il avait mis ses lunettes dans sa poche et l’avait fichu à la porte avec de grosses engueulades et de grosses empoignades”, nous rapporte la journaliste.
Pour Me Frédéric Berna, conseil de Jacqueline Jacob, les relations étaient certes loin d’être au beau fixe entre Albert et Marcel, mais ce dernier n'était pas non plus particulièrement enfiellé à l’égard de son beau-frère.
“Est-ce que Marcel aimait bien Albert, je n’ai pas le sentiment que oui, mais je vais vous dire, Marcel il ne dit rien de particulier là-dessus. Ils n’étaient pas très proches, ne se fréquentaient pas ou peu, et puis, Albert Villemin ça n'était pas le gendre idéal.. Donc tout cela alimente la machine” - Frédéric Berna, avocat de Jacqueline Jacob.
Au sein du clan Villemin, Marcel serait pourtant réputé impulsif, voire violent. En témoigne un autre événement survenu quelques jours avant Noël…
“Je ne sers pas la main à un chef”
Le jour du réveillon de Noël 1982, alors que Jean-Marie Villemin se trouvait en voiture avec son frère Gilbert, ce dernier fait une queue de poisson à la voiture de Marcel Jacob, qui est lui accompagné de Jacqueline.
“Ils sortent de la voiture et tout de suite, ils en viennent aux mains. Jean-Marie sort de la voiture pour essayer de calmer la situation et veut serrer la main de Marcel en lui disant de se calmer, que ce n’était pas très grave, que son frère avait fait une erreur sur la route et ça ne valait pas la peine de se fâcher comme ça”, poursuit l’autrice.
Là, Marcel Jacob, rouge de colère, aurait répondu comme suit :
“Je ne sers pas la main à un chef, tu n'es qu’un rampant qui n’a pas de poil sur la poitrine”.
“A ce moment-là, Jacqueline s’en mêle, elle traite Jean-Marie de raclure, elle l’insulte. Marcel agrippe Jean-Marie par les vêtements et en fait ils retournent à la voiture pour récupérer une espèce de matraque pour le frapper”, affirme la journaliste.
Dès lors, peut-on vraiment penser que le couple Jacob était vraiment indifférent à la vie des Villemin ? D’après son avocat, Jacqueline aurait appris le meurtre de Grégory par la presse.
A l’heure du crime, son mari et elle se seraient trouvés à l’usine jusqu’à une heure du matin, alibi confirmé par les gendarmes selon l’homme de loi. Pourquoi ont-ils malgré tout été mis en examen pour enlèvement et séquestration suivis de mort ?
L’escalier à 13 marches et les jumelles
D’après Me Berna, la mise en examen du couple repose sur deux éléments essentiels, mais selon lui, caducs.
“On dit que dans l’un des appels du corbeau, on entend monter 13 marches, et il se trouve que dans la maison des Jacob il y avait 13 marches. Premièrement, les 13 marches c’est la norme de dizaines, de centaines de pavillons construits à cette époque-là. Et puis, qui vous dit qu’il n’y avait pas d’autres marches avant l’appel, qui n’ont pas été entendues ?”, s’exaspère l’avocat de Jacqueline Jacob.
Autre point : il a été révélé que Marcel Jacob r egardait régulièrement par sa fenêtre avec ses jumelles, en direction de chez Monique et Albert Villemin. Quand le couple est interpellé en 2017, on trouve effectivement une paire de jumelles pendant la perquisition. Dans l’enquête, on sait déjà que les corbeaux voyaient obligatoirement ce qu’il se passait chez les grands-parents de Grégory en raison des nombreux canulars qui leur ont été infligés.”Or la maison d’Albert et Monique est située tout en bas tandis que celle des Jacob est située tout en haut, à 800 mètres à vol d’oiseau”, nous apprend Patricia Tourancheau.
Leur fille Valérie dit que quand elle était adolescente, elle se souvient de son père toujours à la maison quand il ne travaillait pas, avec ses jumelles, en direction de la plaine notamment en bas chez Monique et Albert Villemin. - Patricia Tourancheau
Pour Me Berna, toutefois, il ne s’agit pas vraiment d’un détail accablant. “Marcel Jacob a toujours dit que, oui, il avait des jumelles, mais pour observer les animaux. Dans tous les cas, les arbres cachaient la vue.”, s’indigne le conseil.
Son confrère, Me Giuranna, le rejoint sur ce point : “J’ai moi même fait l’expérience avec la paire de jumelles qui est toujours présente au domicile, afin de voir si on pouvait ne serait-ce que deviner le logement des grands-parents Villemin : c’est impossible. Mon client confirme qu’il a cette paire de jumelles qu’il utilisait régulièrement pour observer la faune sauvage qui tourne autour de la maison”.
Mais un autre élément, recueilli par les enquêteurs, aurait permis de mettre en cause Marcel Jacob, ou, tout au moins, de semer le doute quant à son comportement…
“Dans son garage il a gardé un dossier en carton où il y avait 37 articles de presse sur le procès du père de Grégory pour le meurtre de Bernard Laroche auquel d’ailleurs les Jacob n’ont pas assisté”, explique Patricia Tourancheau.
Surtout, dans ce même garage, au fond du tiroir d’un meuble en bois, les enquêteurs auraient aussi mis en évidence une curieuse lettre.
“Les gendarmes ont trouvé une pochette, une chemise, avec, en fait, les alibis de Marcel Jacob pour le jour du meurtre. Il y avait comme une sorte de testament, où il jure qu’il n’a rien à voir dans l’affaire Villemin, et juste à côté il y a un compte rendu de la réunion des délégués du personnel CGT datée du 16 octobre 1984, le jour de la disparition de Grégory”, poursuit l’autrice.
Sauf que cet “alibi” syndical n’aurait jamais été mentionné par Marcel Jacob auparavant, notamment lors de ces premières auditions devant les gendarmes.
“Pourquoi ? Est-ce un alibi qu’il s’est fabriqué après coup ?”, s’interroge encore Patricia Tourancheau.
Mais tout ceci ne saurait s’expliquer par un sentiment de culpabilité, selon l’avocat de Marcel Jacob, Me Stéphane Giuranna.
“Que l’on s’y intéresse et qu’on conserve des articles, c’est normal, ce n’est pas le seul de la famille ni le seul Vosgien, c’est une affaire qui passionne et qui fait vendre, des articles de presse ont été publiés par dizaines de milliers”, explique l’homme de loi auprès de Planet, avant d’ajouter : “quant à son compte-rendu, on lui a posé la question, ce n'est pas la première fois qu’il le déclare”.
Ce qui est fou c’est que l’on en fasse un élément d’accusation, quelqu’un qui dit qu’il est innocent. Au contraire, dans une lettre de testament, on a tout intérêt à dire la vérité et à se lâcher. - Me Stéphane Giuranna, avocat de Marcel Jacob
Reste que, pour les conseils du couple Jacob, leur alibi, resté invariable pendant 38 ans, est bien solide.
“Ils ont un alibi pour le moment du meurtre, vérifié à l’époque par les gendarmes et qui est dans le dossier depuis plus de 30 ans, là dessus on est très tranquilles. Ils étaient à l’usine, ils bossaient jusqu’à 1 heure du matin. Ma cliente n’a appris le drame que le lendemain par la presse”, avance Me Frédéric Berna.
Dans la foulée des mises en examen de 2017, le "petit juge", Jean-Michel Lambert, se donne la mort. "Je n’aurai plus la force désormais de me battre dans la dernière épreuve qui m’attendrait. Ce énième rebondissement est infâme. Il repose sur une construction intellectuelle fondée en partie sur un logiciel. La machine à broyer s’est mise en marche pour détruire ou abîmer la vie de plusieurs innocents, pour répondre au désir de revanche de quelques esprits blessés dans leur orgueil", écrit-il dans une lettre adressée à un journaliste de l'Est Républicain.
Les expertises en écriture qui sèment le trouble
Un autre pan du dossier semble en effet pointer du doigt le couple Jacob, et plus particulièrement, Jacqueline : l’expertise des lettres du corbeau.
Selon les révélations de la presse, les expertises en graphologie, ordonnées par la justice à de Christine Navarro en 2016, puis celles en stylométrie réalisées par la startup suisse OrphAnalytics, et versées à leur tour au dossier en 2021, ont désigné Jacqueline JAcob comme l’auteur probable de plusieurs courriers attribués au corbeau.
Interrogés par Planet, Christine Navarro et Claude-Alain Roten, le dirigeant d’Orphanalytics, n’ont pas souhaité nous confirmer ces résultats, l'instruction étant toujours en cours.
“Une expertise dit que ma cliente pourrait avoir écrit un courrier anonyme à Monique et Albert Villemin, c’est tout. Jacqueline, on ne lui avait jamais attribué le courrier de revendication.. “, stipule Me Berna.
Pour lui, c’est très simple : “l’expertise ne vaut rien, il faut la jeter à la poubelle. Il y a 30 ans on disait aussi qu’on avait identifié le corbeau, c’était Christine Villemin !”
“Si il y a bien une matière à laquelle je crois pas, c’est la graphologie. complète son confrère, Me Giuranna, l’avocat de Marcel Jacob. Pour mettre hors de cause Christine Villemin, on a dit que les études graphologiques n'avaient aucune véracité judiciaire, Mais quand c’est Jacqueline Jacob, c’est retenu…Quelle crédibilité on peut donner à cela ? On ne choisit pas les preuves en fonction du moment où cela nous arrange.”
En 2018, les mises en examen de Marcel et Jacqueline Jacob sont finalement annulées, pour “vice de forme”. La procédure n’a, une fois de plus, pas été respectée. Le non-lieu se répète inlassablement dans cette affaire qui encombre les tiroirs du tribunal de Dijon depuis trois décennies.
33 ans après, on a cru pouvoir mettre en examen ces gens qui avaient un alibi. C’est du délire ! Non seulement sur le fond, c’était une ineptie, mais sur la forme, ils ont fait n’importe quoi. Je le dis comme je pense : ils se foutent de notre gueule. Ça c'est des éléments sérieux ? Bienvenue chez les dingues ! Les charges sont hallucinantes. - Me Fréderic Berna, avocat de Jacqueline Jacob.
Aujourd’hui, les Jacob n’aspireraient qu'à une seule chose : se faire oublier. “Il faut foutre la paix aux Jacob au lieu de les utiliser comme bouc émissaire, déclare Me Berna. On leur fait la vie infernale alors que c’est un couple de retraités tranquilles, avec des problèmes de santé”.
Selon leurs conseils, Marcel et Jacqueline seraient régulièrement la cible d’appels malveillants.
“Ils ont fait condamner un type qui les appelait sans cesse pour leur dire “on sait ce que vous avez fait”. Il a été identifié, il habitait à St Malo !, s’exclame Me Berna. Ce sont des fous. C’est la boîte de Pandore de tous les tarés du coin cette affaire.”
"L'obsession" du juge Simon pour les Jacob
Si, aujourd’hui, le couple Jacob n’est pas mis en examen, et que, selon leurs conseils, les éléments à leur charge sont trop maigres, la piste est pourtant étudiée depuis de nombreuses années.
“Les époux Jacob, nous n’avons pas eu le temps de les entendre à l’époque, ils n’étaient pas dans le viseur. Il a fallu attendre la reprise du dossier par le juge Simon”, nous explique Étienne Sesmat, en charge de l’enquête jusqu’en février 1985.
C’est donc le juge Simon, qui reprend l’enquête en 1987, qui aurait décidé de chercher du couple d’Aumontzey. Le magistrat était convaincu de deux choses : que Bernard Laroche était impliqué dans l’assassinat du petit Grégory, mais aussi qu’il n’avait pas agi seul.
Dans ses fameux “carnets”, où le juge s’épanchait avec force émotions sur cette affaire qu’il prenait, à l’évidence, particulièrement à coeur, Maurice Simon indique, en juillet 1988 :
“Il paraît certain que Bernard Laroche a bien enlevé le petit Grégory Villemin. Il me reste à trouver […] qui a tué ce superbe enfant.”
En 1989, il précise : "Ce Marcel Jacob […] voisin de Laroche, marié avec une femme haineuse que détestent les parents Villemin. Piste Jacob? Pistes à suivre…
Et la piste, en effet, est creusée, du moins, dans l’esprit du magistrat. En avril de la même année, il poursuit, toujours dans ses carnets mystiques :
"Il y a peut-être derrière tout cela Marcel Jacob et sa femme […] Que faire pour arriver à casser le mur du silence?"
En juillet 1989, il formule sa dernière hypothèse, noir sur blanc. "L'assassin était à Aumontzey dans le triangle A (Bernard Laroche et son entourage) B (Michel Villemin et sa femme) C (Marcel Jacob et sa femme)"
Le juge Simon est dessaisi en 1990 : un enregistrement où on l’entend faire état de la culpabilité de Bernard Laroche a provoqué un tollé. Depuis 2011, le dossier monstrueux est entre les mains de la discrète magistrate Claire Barbier.
Les mises en examen de 2017 seraient d’ailleurs, selon certains observateurs, la poursuite de la piste étudiée à l’époque par Maurice Simon.
Aujourd’hui, la justice se dit que c'est très certainement Bernard Laroche qui a enlevé le petit Grégory, mais que, peut-être que d’autres personnes l’ont tué derrière…Et puis, si on dit que c’est Bernard Laroche qui a enlevé et tué la victime, ça s’arrête là, car on a pas le droit de poursuivre un mort. Donc, la seule seule façon pour la justice d’en savoir plus, c’est d’imaginer des complicités. - Étienne Sesmat.
Pour l’ancien gendarme, si les mises en examen des Jacob ont été annulées pour vice de forme, et non sur le fond, c’est que la justice disposait bien de certains éléments à charge.
Une ou plusieurs têtes ?
Quoi qu’il en soit, l’enquête semble aujourd’hui privilégier la thèse d’un crime à plusieurs… et d’un corbeau à plusieurs têtes.
Une conversation entre Jean-Marie Villemin et l’oiseau datant de septembre 1982 aurait pu déjà orienter les soupçons des enquêteurs, à l’époque.
Selon Paris Match , alors que le corbeau menace encore le père de famille de s’en prendre à sa femme Christine, Jean-Marie lui rétorque qu’à l’écoute de sa voix chancelante, il le sent trop faible pour éxecuter un tel méfait.
La réponse du corbeau ne se fait pas attendre.
« Je me contenterai de la tenir, le jeune fera le boulot. Je m’en prendrai plutôt à ton gamin. Je le surveille avec des jumelles. Tu le retrouveras en bas. »
Les nombreuses victimes du corbeau de la Vologne décrivent par ailleurs divers profils, et plusieurs voix différentes. C’est peut-être que, dans cette affaire, les corbeaux se sont multipliés au fil des mois, comme par “effet de mode”.
“Il faut savoir que dans cette affaire y’a eu beaucoup de lettres anonymes, tout le monde y est allé de sa lettre anonyme, vous avez des tas de lettres anonymes, où l’on a tout et n’importe quoi, des gens qui n’ont rien à voir avec l'affaire et qui vont écrire des courriers”, mentionne Christine Navarro.
Homme ou femme, les deux “voix” du corbeau
Mais du côté du combiné, les Villemin auraient bien été harcelés par deux voix distinctes.
“Si on prend les appels qui se ressembent plus dans le mode opératoire, il y avait une voix rauque et une voix de femme. Cette dernière appelait notamment les commerçants de la région pour faire des blagues macabres”, raconte Thibaut Solano.
Les cibles du corbeau, au sein de la famille, ont souvent entendu, derrière la “voix rauque” leur proférant des menaces, le rire d’une femme…
Même le gendarme Étienne Sesmat, aux prémices de l'enquête, avait eu vent de cette double identité vocale. “On savait que plusieurs personnes avaient participé au “jeu” du corbeau, puisque des voix de femme et d’homme avaient été entendues… Mais les choses se sont précipitées dès qu’on a entendu Murielle, et que Bernard Laroche a été écroué, nous n’avons pas eu le temps de creuser cette piste”, informe l’ancien enquêteur.
“Cela me parait plausible qu’un couple, pas forcément un couple légitime d’ailleurs, ait pu agir ensemble”, conclut Thibaut Solano.
Mais du côté des courriers, l’experte graphologue Christine Navarro aurait tendance à nuancer la thèse d’une écriture à plusieurs mains.
“Il y a des modes de déguisement variables. Dans les courriers anonymes qui ont été divulgués régulièrement dans la presse, on voit qu’il y a des courriers faits en majuscules bâtonnées déguisées, puis en écriture cursive, et on peut passer à l’écriture cursive de la main non entraînée…, explique t-elle à Planet. Dans ces cas-là c’est compliqué d’être père en poire dans ses conclusions et dire que c’est une seule personne. Mais dans un certain degré de certitude, il existe des similitudes parfois même dans la sémantique employée, quand les supports sont semblables, et il y a un faisceau d’indices qui nous indiquent que ça peut émaner d’une même personne”.
Les corbeaux sont-ils les tueurs ?
C’est l’autre question, cruciale, qui hante le dossier Grégory depuis 38 ans. Les individus qui se cachaient derrière le corbeau, sont-ils aussi ceux qui ont éxécuté l’assassinat du petit garçon ?
“Quand on regarde la chronologie du meurtre, on se dit qu’être tout seul c’est pas possible, il faut plusieurs personnes qui se coordonnent… Mais comment elles ont gardé le silence tout ce temps ?”, s’interroge l’auteur de La Voix Rauque.
Dans cette affaire, où le bal des non-lieux semble incessant et où toutes les hypothèses finissent par se heurter à un mur, le journaliste a bien une certitude :
Si le corbeau et le tueur ne sont pas la même personne, c’est forcément le même clan. Mon idée c’est que les corbeaux sont les tueurs, c ’est la continuité, l’acte final des corbeaux prémédité, annoncé, dès 1983. Ce ton, on le retrouve dans la lettre de revendication. - Thibaut Solano
L’ancien gendarme Étienne Sesmat est un peu moins catégorique. Pour lui, le timing était trop hasardeux pour être exécuté par un groupe organisé au préalable. “Je me pose des questions sur la faisabilité d’une opération à plusieurs dans un créneau de temps très court, sans téléphone portable, à l’époque, pour se coordonner… C’est assez compliqué, personne ne peut décider que le meurtre va avoir lieu mardi 16 octobre entre 17h et 21h. Personne n’aurait pu savoir qu’à ce moment-là, Christine Villemin allait décider de laisser son fils jouer dehors plutôt que de le garder devant la TV…”, nous explique t-il.
“Corinne”, un corbeau pas comme les autres
Parmi les croassements du corbeau, un autre oiseau se distingue : Corinne. Cette femme dont personne ne sait rien est le scripteur d’une lettre envoyée au juge Lambert. Une missive qui aurait causé, en partie au moins, la mise en examen de Murielle Bolle en 2017… Mais aussi le non-lieu dont a bénéficié Christine Villemin des années plus tôt.
Murielle Bolle et Bernard Laroche amants, la rumeur lancée par Corinne
“Adressée fin 1984 au juge d’instruction, cette lettre consiste à dire qu’il y avait une liaison entre Murielle et son beau-frère Bernard Laroche. Par ailleurs, Bernard Laroche détestait Christine Villemin car elle avait refusé ses avances, ce qui expliquerait que Bernard ait tué le petit Grégory. Tout cela aurait donc été fait avec la complicité de Murielle. La lettre est signée ‘Une camarade de collège de Murielle, Corinne’”, nous détaille Me Teissonnière.
Pendant vingt ans, l’enquête se resserre autour de Corinne, la femme-mystère qui n’est dans aucune liste du collège Jean Lurçat de Bruyères. Selon Me Jean-Paul Teissonnière, les questions du juge d’instruction à Murielle Bolle en 2017 commencent par la mise en évidence de ce document ancien.
Qui se cache derrière les courriers de Corinne ?
Christine Navarro fait partie des experts qui ont travaillé sur la lettre de la fameuse Corinne. Au total, quatre lettres ont été envoyées au juge Lambert. “Elles émanent d’un soi-disant témoin ayant vu certaines choses, qui va essayer d’orienter le juge qui reprenait l’affaire, et là j’ai pu dire que l’ensemble de ces quatre courriers venaient vraisemblablement du même scripteur malgré des tentatives de déguisement”, nous indique la spécialiste, refusant de donner le nom de la personne identifiée.
Me Teissonnière, lui, ne fait pas de secret. “On s'apercevra quelques mois plus tard que Corinne n’existe pas, et que sa lettre est un faux qui a été écrit par Monique Villemin, la mère de Jean-Marie. C’est elle qui a inventé cette histoire abracadabrante, ignoble, permettant de coincer Bernard Laroche”, nous révèle l’avocat.
Chose étonnante, quand on sait combien l es relations entre Bernard Laroche et Monique Villemin étaient bonnes. Pour l’homme de loi, la grand-mère de Grégory aurait, peut-être, “une dette à payer à l’égard de Jean-Marie”.
C’est grâce à ce faux qu’un arrêt de non-lieu sera rendu en 2005 en faveur de Christine Villemin, s’appuyant sur la lettre de Corinne pour démontrer que finalement, les thèses qui l'accablent ne pouvaient pas être maintenues - Me Jean-Paul Teissonnière, avocat de Murielle Bolle
L’affaire des appels téléphoniques
L’avocat de Murielle Bolle déplore d’autres ragots ayant lésé sa cliente. “Pendant un temps, Bernard et Murielle sont accablés par des écoutes téléphoniques, Bernard ayant téléphoné à sa belle-soeur pour lui dire surtout de cacher qu’ils étaient ensemble le jour du meurtre et qu’ils sont partis enlevé Grégory. Tout cela paraît dans la presse locale, mais également en Une du Figaro, par exemple”, raconte le conseil.
Seulement voilà : il n’y a jamais eu d’écoutes téléphoniques et “personne n’est revenu sur ces mensonges abjects à un moment où ils ont occupé une place centrale dans le dispositif d’accusation à l’égard de Murielle et Bernard”, assure Me Teissonnière.
Le registre de l’église de Lépanges-sur-Vologne
“C’est bien Bernard L. qui a tué Grégory, j’étais avec lui. Murielle Bolle.”
Ces quelques mots, griffonnés dans le registre situé à l’entrée de l’église de Lépanges-sur-Vologne, ont suscité un tremblement de terre dans la retentissante affaire Grégory.
Au printemps 2017, une paroissienne s’apprête à donner un cours de catéchisme quand elle est pour le moins interpellée par ces “aveux” écrits. Le lendemain, le cahier est apporté par l’ancien maire du village aux gendarmes, qui prennent l’élément très au sérieux.
Presque instantanément, ils alertent leurs collègues de la section de recherches de Dijon qui viennent de relancer les investigations pour retrouver le meurtrier de Grégory Villemin.
Le cahier est saisi, et passé au crible par le professeur Christian Doutremepuich, expert en génétique. Coup de théâtre : parmi les six ADN détectés sur la page où figure le petit mot, le spécialiste découvre… L’ADN de Murielle Bolle, recueilli par la justice en 2009.
Une révélation qui pourrait bien, une bonne fois pour toutes, résoudre le mystère. Pourtant, quand l’ADN de Murielle Bolle est récolté une seconde fois, celui présent sur le registre n’est pas le bon. A ce jour, cette énigme scientifique demeure sans réponse, et nul ne sait qui était l’auteur de cette inscription attribuée, à tort, à Murielle Bolle.
Entre échecs judiciaires, faux documents, rumeurs et progrès, y-a-t-il une chance, même maigre, que la vérité éclate un jour ?
Et maintenant ?
Dans le fracas de cette affaire qui continue à faire parler d’elle 38 ans plus tard, deux camps s’affrontent. D’un côté, ceux qui espèrent toujours entrevoir la vérité un jour. De l’autre, ceux qui se sont fait une raison. Étienne Sesmat appartient à la première catégorie. “Je m’accroche à un espoir même s’il est ténu, faible. L’espoir que la justice amène quelqu’un à témoigner, tout à coup à faire des aveux, à apporter des éléments nouveaux…”, soupire l’ex-capitaine.
“Plus le temps passe, plus les gens se sont préparés à ne rien dire. Ils ont peut-être réussi à occulter. Et plus la chance de retrouver des indices matériels se fait petite… Mais on ne sait jamais” - Étienne Sesmat
Me Frédéric Berna, lui, tient un tout autre discours. “Personne ne veut se résoudre au fait que l’on ne va jamais élucider cette affaire. Personne ne veut l’entendre. C’est impossible : les premiers enquêteurs ont fait trop de conneries pour qu’on puisse aujourd’hui en tirer quelque chose”, lance l’avocat. Me Stéphane Giuranna partage ce constat : “La seule chance que l’on a de résoudre cette affaire, c’est que quelqu’un se confie sur son lit de mort”.
Affaire Grégory : peut-on espérer un procès un jour ?
Seul un élément pourrait sortir les enquêteurs de l’impasse : les expertises ADN, autorisées par la cour d’appel de Dijon en janvier 2021. Ainsi, neuf traces ADN sont en cours d’analyse selon deux méthodes :
- L’empreinte génétique. L’expertise consiste à déterminer la couleur des cheveux ou des yeux d’une personne grâce à son ADN.
- L’ADN de parentèle. L’expertise consiste à rechercher un profil génétique qui partage au moins 50% d’homologie, et plus seulement un seul et unique individu dans le fichier des empreintes.
A ce sujet, Me Frédéric Berna se montre très serein. “Il y a de nouvelles expertises ADN demandées : j’en suis ravi, l’ADN qui est sur les cordelettes et les vêtements, on sait déjà que ce n’est pas celui des Jacob, ils peuvent faire tous les traitements ADN qu’ils veulent, on sait déjà que ce n’est pas eux”, assure-t-il.
Quant à un éventuel procès, l’homme de loi se montre là aussi tranquille.
Je suis très très serein si ils veulent renvoyer Jacqueline Jacob devant la cour d’assises pour le meurtre de Grégory, c’est avec un très grand plaisir que j’irai la faire acquitter sans aucun problème. La justice se ridiculisera à nouveau. Ma cliente ne sera jamais condamnée pour quoi que ce soit, il n’y a pas le début de commencement d’une piste. - Me Frédéric Berna
Quant aux Villemin… Leur ex-avocat et ami, Me Thierry Moser, nous a donné des nouvelles de la petite famille. “Ils font confiance à la justice. Ils savent que le Président de la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de Dijon s’active et mène des investigations. Nous avons bon espoir d’avancer mais nous savons qu’il faut du temps et de la patience”, nous confie l’homme de loi.
Du temps, et de la patience. 38 ans se sont déjà écoulés depuis le funeste 16 octobre 1984. Dans son sillon, l’affaire a laissé s’échapper de nombreux fantômes, comme une malédiction. Deux assassinats, un suicide, que des non-lieux, et trop de loupés… L’affaire Grégory est-elle damnée, tout comme semblent l’être ses nombreux protagonistes ?