La méthode Deuxième Souffle, qui propose des séances de boxe adaptée dans les Ehpad, a déjà séduit plus de 90 établissements en Ile-de-France. Rencontre avec Loïc Pinto, l’un des fondateurs de ce concept...
- 1 - Bernard et Jean-Marie, comme des frères ?
- 2 - Bernard Laroche, la fabrique d'un suspect
- 3 - Meurtre de Bernard Laroche : la vengeance d'un père
- 4 - Le meurtre de Bernard Laroche, un crime pensé à deux ?
- 5 - Le geste qui aurait pu être empêché
- 6 - La version de la veuve et l'alibi de Bernard
- 7 - La malédiction Marie-Ange Bolle
- 8 - Coupable ou innocent ?
Avant que le petit Grégory Villemin ne soit retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne, personne ne s'intéresse vraiment à Bernard Laroche. Il est le cousin de Jean-Marie Villemin, et a été élevé par les grands-parents Jacob après la mort de sa mère.
"Avant le meurtre, Bernard était considéré comme un fils par Monique Villemin. Laroche donnait des coups de main à Albert et elle dans le champ derrière chez eux, il leur rapportait du bois", précise Patricia Tourancheau, autrice de l'ouvrage Grégory - La machination familiale (ed. Seuil).
Bernard et Jean-Marie, comme des frères ?
Le jeune Bernard grandit donc aux côtés de la fratrie Villemin ; avec Jacky, Michel et Jean-Marie, ils font les 400 coups dans la vallée. L'une de leurs activités de choix, à l'aube de leur adolescence, c'est de tirer sur des panneaux routiers.
La garde à vue partagée de Bernard et Jean-Marie
"Ils ont fait quelques conneries ensemble, ajoute l'autrice. Un jour ils se sont même retrouvés en garde à vue, avec un autre frère Villemin. Les trois garçons avaient été pris la main dans le sac en train de tirer sur des panneaux routiers. Ils ont tous avoué avoir fait la bêtise, sauf Bernard Laroche qui n'a jamais, jamais admis l'avoir fait".
Hormis cette anecdote, Bernard passerait presque inaperçu dans la famille recomposée. "Il était à l'arrière plan, perçu comme très serviable, plutôt amorphe. Lui aussi travaille à l'usine, de nuit. Dans la famille, on surnomme Laroche "Popov" à cause de sa moustache et, peut-être aussi, de son engagement auprès de la CGT.
Le jour où Bernard Laroche a demandé du travail à son cousin
Au début des années 1980, Bernard Laroche perd son emploi à l'usine. Au chômage, il croise un jour son cousin, Jean-Marie, qui vient de devenir contremaître chez Autocoussin.
Il s'enquiert des postes vacants dans son entreprise, l'enjoint à jouer un peu des coudes pour lui trouver une place… Jean-Marie répond, du tac au tac : ça n'est pas possible, mon vieux.
"À partir de là, leur relation n'est plus comme avant, il y a quelque chose de cassé", remarque Patricia Tourancheau. La promotion de Jean-Marie Villemin, devenu contremaître à 21 ans, ne passe pas. Bernard Laroche, syndiqué, n'aura de cesse de demander un poste semblable, qu'il n'obtiendra qu'en septembre 1984. "Et pendant ces trois années-là, il y a une rancœur et de jalousie vis-à-vis de Jean-Marie", ajoute la journaliste.
Grégory Villemin et Sébastien Laroche, deux petits garçons bien différents
La naissance du fils de Bernard et Marie-Ange, en septembre 1980, n'arrangera rien. Sébastien a le même âge que Grégory : ils sont nés à seulement 10 jours d'écart et leurs parents les affublent du même surnom affectueux, "Titi". Mais les deux bambins sont bien différents. Le petit Laroche souffre d'un kyste à l'oreille droite, une anomalie provoquée par l'accouchement aux forceps de sa maman, et sa santé est fragile. Grégory, lui, respire la vigueur, il est dynamique, charmeur et adorable.
Un fils moins vigoureux, une carrière moins stupéfiante… Est-ce là le cœur d'une haine lancinante, capable d'engendrer les pires atrocités ?
Quoi qu'il en soit, Bernard reste discret. Lui et Marie-Ange sont très proches de Michel et Ginette Villemin, mais aussi de l'oncle de Bernard, Marcel Jacob, qui vit avec sa femme Jacqueline à seulement quelques mètres de leur pavillon.
Bernard Laroche, le benêt insoupçonnable ?
Alors, lorsque le corbeau commence à pourrir les Villemin, personne ne vient soupçonner Bernard. D'ailleurs, lui aussi se plaint de recevoir des appels malveillants.
En 1984, il est âgé de 29 ans, et vit à Aumontzey avec sa femme, Marie-Ange Bolle, et son fils, Sébastien.
"À l'époque, on ne le soupçonnait pas du tout, énonce Thibaut Solano, auteur de La Voix Rauque (ed. Les Arènes). Il était à l'arrière-plan, ils ne voyaient pas quel mobile Bernard aurait eu à faire ça, il était perçu comme très serviable, plutôt amorphe".
Mais peu de temps après le drame, une curieuse visite de sa femme, Marie-Ange, va mettre la puce à l'oreille des gendarmes.
Bernard Laroche, la fabrique d'un suspect
"Elle s'était spontanément manifestée pour nous faire des déclarations, c'était intéressant, se souvient Étienne Sesmat, alors capitaine de la gendarmerie d'Épinal. Et du coup elle était mariée avec un certain Bernard Laroche, donc, un jour, on a entendu Bernard, on l'a convoqué".
Évidemment, Laroche a un alibi, et même, plusieurs. Au moment du crime, il aurait été, d'abord chez sa tante Louisette, puis au supermarché pour acheter 150 bouteilles de vin avec un ami : il y avait une promotion.
"Quelqu'un qui a bien caché son jeu"
À la gendarmerie, Bernard est tout de même soumis à la rituelle "dictée", imposée lors de chaque audition dans l'affaire afin de démasquer qui se cache derrière l'écriture du corbeau. Car les enquêteurs ont bien une certitude : "Le corbeau, on sait que c'est quelqu'un qui a bien caché son jeu, et qu'on va avoir une surprise".
Les écrits de Laroche partent chez l'experte en écriture, Mme Jacquin-Keller, le soir même.
"Elle nous rappelle le lendemain, et nous dit : pour moi, il est fort probable que ça soit lui le corbeau", poursuit Étienne Sesmat.
L'ancien gendarme renchérit : "On se rend compte qu'il a le profil ; il est socialement proche des Villemin, il habite près d'Aumontzey, il a une allure débonnaire, c'est un homme serviable, qui pourrait correspondre". Sans oublier que Christine Villemin a révélé aux enquêteurs les avances gênantes de Bernard Laroche à son égard.
"Et là, Murielle nous dit le contraire"
Bernard Laroche et sa femme Marie-Ange sont placés en garde à vue le 31 novembre 1984.
"Là, il nous déroule son emploi du temps du 16 octobre, rapporte l'ancien responsable de l'enquête. Il nous dit : je suis allé chez ma tante Louisette, où j'ai retrouvé Murielle Bolle, ma belle-sœur, qui était là. Conformément à la procédure, pour vérifier cet alibi, on entend, à l'issue de la garde à vue de Bernard, la personne qui est citée. Et là, Murielle nous dit le contraire".
C'est la fameuse audition du 2 au 3 novembre, durant laquelle Murielle aurait confié aux gendarmes avoir été récupérée, cette après-midi là, par son beau-frère à la sortie de l'école. Dans la voiture, se trouvait également Sébastien, son fils. Tous trois auraient alors pris la route de Lépanges, où Bernard aurait fait monter un petit garçon dans le véhicule, avant de le déposer un peu plus loin.
L'inculpation "express" de Bernard Laroche
Le doute, à ce stade, n'est plus permis pour les enquêteurs, qui transmettent leurs informations au magistrat.
Le 7 novembre, le juge Lambert décide d'interpeller Bernard Laroche : il est mis en examen pour "assassinat" et placé en détention provisoire.
Le lendemain, Murielle Bolle se rétracte et clame : "Bernard, il est innocent".
Dès lors, c'est un cafouillage presque total dans le dossier : on ne sait plus qui a raison, qui a tort, et surtout, si c'est bien le bon suspect qui dort en prison.
Le 4 février, finalement, le "petit juge" tranche : Bernard Laroche est remis en liberté. Au même moment, la gendarmerie de Lépanges est dessaisie de l'enquête, qui sera désormais confiée au SRPJ de Dijon.
"Bernard Laroche n'a jamais été vu par un psychiatre"
Le coup est difficile à encaisser pour Étienne Sesmat. "Le juge, selon moi, était sous l'influence de plusieurs personnes, notamment l'avocat de la famille Bolle, le journaliste Jean-Marc Bezzina, et le commissaire de police Jacques Corazzi, qui a trouvé là l'occasion de placer ses pions face aux gendarmes sollicités dans une affaire très médiatisée. Donc, Jean-Michel Lambert, sous pression face à ces gens-là, abandonne la piste Bernard Laroche, pour se concentrer sur Christine Villemin", argumente l'ancien gendarme.
Pour lui, la piste Laroche n'a certainement pas été assez creusée. "Il est resté trois mois en prison, et il n'a jamais été vu par un seul psychiatre, on l'a laissé à son sort, et on n'a rien creusé sur cette piste, tandis que Christine Villemin, elle, a eu droit plus tard à 8 collèges d'experts psychiatres pendant sa courte détention, pour essayer de trouver une faille dans son comportement, sa personnalité".
Meurtre de Bernard Laroche : la vengeance d'un père
Pour les parents de Grégory, la nouvelle est encore plus difficile à supporter. Pourtant, au départ, ils étaient à des lieues d'envisager sérieusement que Bernard ait pu s'en prendre à leur enfant.
"Au tout début, Jean-Marie Villemin n'y croyait pas du tout, nous explique Patricia Tourancheau. C'était son cousin, la dernière personne à qui il aurait pu penser. Mais au fil de l'instruction, Jean Ker, le journaliste de Paris Match, a apporté à l'attention des Villemin plusieurs renseignements. Un jour, il leur a fait écouter plusieurs procès verbaux auxquels il avait eu accès et qu'il avait réussi à enregistrer, notamment ceux de Bernard Laroche avec les gendarmes et celui de Murielle Bolle".
Le jour où Jean-Marie et Christine sont devenus persuadés de la culpabilité de Bernard Laroche
Lorsqu'ils entendent la jeune-fille raconter sa version des faits, devant les gendarmes, Jean-Marie et Christine changent radicalement d'avis. "Pour eux, c'est la preuve absolue, poursuit Patricia Tourancheau. Ils sont alors persuadés et croient dur comme fer que Bernard est l'auteur du meurtre".
La libération du suspect, après seulement quelques semaines de détention, semble donc, pour eux, incompréhensible. Et cette incompréhension va bientôt laisser place à une colère implacable. "Dès le début de l'enquête, Jean-Marie était anéanti, et il avait fallu le calmer à plusieurs reprises, et lui dire : faites confiance à la justice", note Étienne Sesmat.
Mais à ce moment-là, la situation part en imbroglio complet, et l'on se retrouve en porte à faux, avec une plainte contre nous des familles Bolle et Laroche pour faux, subordination de témoin et violation du secret de l'instruction : nous n'avions plus le droit d'intervenir dans l'enquête. Là, Jean-Marie Villemin m'appelle et me dit : que se passe-t-il, et qu'est-ce qu'on peut faire ? Mais nous, on ne pouvait rien faire. Alors, il en est arrivé à se faire justice lui-même. - Étienne Sesmat
"Et ensuite, il s'en va tuer Bernard Laroche"
Le déclic a réellement lieu quelques semaines après la libération du suspect, précise la journaliste Patricia Tourancheau : "Un dimanche soir, Jean-Marie et Christine Villemin reviennent de chez Albert et Monique. Sur la route, ils entendent, sur RTL qu'une expertise en écriture accuserait Christine d'être l'auteure d'une lettre du corbeau".
Sous le choc de la nouvelle, la jeune femme perd l'un des jumeaux qu'elle attendait. Elle est alors hospitalisée pendant plusieurs jours. "A un moment donné, à la clinique où était prise en charge Christine, arrive la baby-sitter de Grégory qui adore le couple Villemin, et qui adorait l'enfant. Elle explique à Jean-Marie qu'elle a reçu la veille la visite du commissaire et de la PJ de Nancy, saisie de l'enquête depuis peu, et qu'ils lui ont posé de drôles de questions", nous raconte encore Patricia Tourancheau.
Pour la jeune baby-sitter, les policiers sont déjà persuadés que c'est Christine qui a tué Grégory. Jean-Marie fulmine. D'abord, la libération de Laroche ; maintenant, c'est sa femme qui risque de finir en prison. C'en est trop pour le père endeuillé.
Il le dit : là c'est plus du sang qui coule dans ses veines, c'est du chagrin. Il se barre à midi et il avait juré sur la tombe de Grégory de venger sa mort. Alors il retourne sur la tombe de son fils et ensuite, il s'en va tuer Bernard Laroche. - Patricia Tourancheau
"J'ai fait ça pour toi", dira Jean-Marie à Christine
Nous sommes le 29 mars 1984, et Jean-Marie Villemin s'apprête à commettre l'irréparable. Il s'empare d'une carabine et se rend au domicile de son cousin. Devant sa femme Marie-Ange, et son petit garçon Sébastien, il abat Bernard Laroche d'une balle de chevrotine en pleine poitrine. Son forfait effectué, il se rue à la clinique, et lâche à sa femme : "J'ai fait ça pour toi", avant de se constituer prisonnier.
Aux enquêteurs, il explique qu'il n'avait pourtant pas l'intention de tuer son cousin en se rendant sur le perron de sa maison cette après-midi, simplement de lui faire "peur" pour le pousser à dire la vérité. Mais devant Bernard qui se "foutait de sa gueule", il aurait perdu son sang-froid. Et il l'assure : Christine n'était absolument pas au courant du geste qu'il s'apprêtait à exécuter. "Je l'ai tué dans un moment d'aberration et de total désespoir", confiera Jean-Marie Villemin bien plus tard, dans la postface des mémoires de son avocat, Me Thierry Moser.
Mais la version en laisse certains pour le moins dubitatifs.
Le meurtre de Bernard Laroche, un crime pensé à deux ?
Pour Me Jean-Paul Teissonnière, l'avocat de Murielle Bolle, Christine ne serait pas vraiment étrangère au sort de Bernard, bien que ce fut Jean-Marie qui ait finalement appuyé sur la gâchette. Il s'agirait presque d'un acte mené de concert.
Christine Villemin a persuadé Jean-Marie d'aller acheter un fusil à pompe ou un fusil pour tuer des animaux de gros calibre, et d'ailleurs c'est Christine Villemin qui fait le chèque d'achat du fusil, mais c'est Jean-Marie qui va abattre Bernard Laroche. - Me Teissonnière
"Quel rôle a-t-elle joué dans ce drame ?"
Dans son livre Les larmes oubliées de la Vologne (ed. L'Archipel), Marie-Ange Laroche, la veuve de Bernard, fait elle aussi mention du fusil à pompe que le couple aurait acheté le 3 novembre 1984 à Saint-Dié-des-Vosges, réglant avec un chèque au nom de Christine…
"Ce jour-là, tout le monde se pose la question de savoir quel rôle elle a éventuellement joué dans ce drame. Est-ce qu'elle savait, est-ce qu'elle l'a encouragé, est-ce qu'elle lui a fait des révélations ? Et ça, c'était la question qui hantait tout le monde..", écrit encore la veuve à propos de la mère de Grégory.
Elle critique également la version de Jean-Marie Villemin, qui parle d'un acte non prémédité et prétend qu'il souhaitait simplement "discuter avec son mari".
"Jean-Marie tuera Marie-Ange" : les Villemin avaient-ils un autre projet ?
"S'il y a une chose dont je suis encore absolument certaine, aujourd'hui, vingt cinq ans après, c'est que Jean-Marie Villemin a menti à sa femme en lui racontant à sa manière le récit de son crime. Je rectifie : son assassinat", expose Marie-Ange Laroche dans son ouvrage.
Pour autant, les Villemin avaient-ils un plan ? La veuve en est aussi persuadée. Elle mentionne notamment un appel, enregistré pour les besoins de l'enquête, entre Gilberte Blaise, la mère de Christine, et un correspondant inconnu, et qui se déroule tout juste 15 minutes après l'assassinat de Bernard.
Au bout du fil, Gilberte explique qu'à l'heure qu'il est, son gendre est probablement en train de tenir Marie-Ange et Sébastien en otage, afin que Murielle réitère son témoignage devant lui et qu'il l'enregistre.
"Et si Murielle refuse?" interroge son interlocuteur
"Jean-Marie tuera Marie-Ange", répond la grand-mère maternelle du petit Grégory.
Le geste qui aurait pu être empêché
Plus troublant encore : ça ne serait pas la première fois que le couple Villemin aurait tenté de s'en prendre à Bernard Laroche. Une nuit, Jean-Marie et Christine se seraient postés devant le monument aux morts d'Aumontzey, attendant patiemment le passage du suspect. "Ils savaient que Bernard Laroche embauchait à cette heure-là, et ils vont se poster tous les deux avec un fusil pour essayer de tuer une première fois Bernard Laroche", expose Patricia Tourancheau.
La nuit où Jean Ker a empêché Jean-Marie de tuer Bernard
Cette nuit-là, Jean Ker, le journaliste de Paris Match, est pris d'un effroyable pressentiment. Il sait que les Villemin sont prêts à se venger. Il se met à les chercher dans toute la vallée, et les intercepte.
"C'était le 24 février. Il était 4h25 du matin. Le père de Grégory avait un fusil de chasse américain", rapporte le journaliste Jean Ker dans Paris Match.
C'est là qu'il aurait dissuadé le couple d'achever son projet de vengeance.
Le corbeau qui harcelait les Laroche
Depuis la libération de Bernard, le couple Laroche recevait lui aussi des missives anonymes particulièrement virulentes. Voici un extrait du contenu de l'une de ces lettres, signée : "un corbeau justicier" :
"Laroche, assassin et vos complices, vous pouvez vous réjouir, vous avez bien graissé la patte à vos avocats du diable… Un jour, vous aussi vous crèverez de chagrin"
L'auteur n'a jamais pu être identifié.
Aujourd'hui Étienne Sesmat regrette une chose. Que rien n'ait été fait pour protéger les Laroche, bien que l'ire vengeresse de Jean-Marie Villemin fusse, à l'époque, évidente pour un grand nombre de personnes.
"J'aurai peut-être pu l'empêcher de commettre ce geste qui a tout changé"
L'ancien gendarme a lui-même tenté de raisonner le père de famille, en vain.
"Jean-Marie Villemin en est devenu ecœuré du travail de la justice, lui qui n'a jamais eu aucun soupçon à l'égard de sa femme… Il était absolument désespéré, et il a décidé de se faire justice lui-même. Je regrette justement de ne pas l'avoir assez empêché de faire ça, mais on m'interdisait d'être davantage à son écoute… Si j'avais pu, j'aurais pu peut-être l'empêcher de commettre ce geste qui a tout changé. Car si on parle toujours, 38 ans après, de l'affaire Grégory, c'est parce que Bernard Laroche est mort".
Il poursuit : "Quand j'ai appris la mort de Bernard Laroche, le ciel m'est tombé sur la tête, et je savais que ça allait me retomber dessus, ce qui a été personnellement difficile… Mais cela n'est rien par rapport à ce que la famille Villemin a vécu dans cette affaire".
La guerre politique des avocats
Gendarmes et flics ne sont pas les seuls à se livrer une guéguerre médiatique dans cette affaire, aux ramifications décidément multiples.
Et l'acte de Jean-Marie Villemin aurait pu être influencé, malgré lui, par son avocat de l'époque, Me Henri-René Garaud. "Les Villemin ont été foutus entre les pattes d'un avocat d'extrême droite qui défendait Jean-Marie en plaidant la légitime défense, il légitimait qu'on flingue à tout-va, c'était un peu le Gilbert Collard du coin…", développe auprès de Planet Me Frédéric Berna, le conseil de Jacqueline Jacob.
De l'autre côté, les Laroche, eux, sont défendus par les avocats de la CGT, Mes Paul Prompt et Gérald Welzer. "Donc, le truc a créé un clivage entre les Villemin à droite et les Laroche/Bolle mais aussi les Jacob qui étaient encartés, du côté de l'extrême gauche, poursuit l'homme de loi. Ce clivage a été entretenu par le dingo, le juge Simon, qui était antisémite, anticommuniste et on voit dans ses carnets qu'il insultait, d'ailleurs les avocats des Laroche/Bolle", enrage Me Berna, avant d'ajouter :
Le fond politique a beaucoup joué, les gens ne le savent pas forcément, ne s'en rendent pas compte, mais il y a une extrême influence. - Me Frédéric Berna
La version de la veuve et l'alibi de Bernard
Une seule certitude, aujourd'hui, domine le dossier : l'assassinat de Bernard restera, à jamais, le tournant déciscif de l'affaire Grégory.. Mais aussi de la vie de sa femme, Marie-Ange.
Dans son ouvrage, elle livre dans un style dramatique sa détresse, et sa conviction profonde : son mari est innocent.
Bernard et Marie-Ange, l'amour à mort ?
Après la mort de son mari, Marie-Ange jure qu'aucun autre homme que Bernard ne verra plus jamais "sa belle chevelure blonde". Quelques jours après le drame, elle se rend chez le coiffeur, et fait couper sa tignasse. Partout où elle se rend, elle donne l'image d'une veuve éplorée, éperdument amoureuse de son mari… dont elle était d'ailleurs, enceinte au moment du drame.
Justement, le 29 mars, en début d'après-midi, elle décide d'aller chercher exceptionnellement Bernard à l'usine : d'ordinaire, c'est l'oncle Marcel Jacob qui passe le chercher pour le ramener à Aumontzey. Mais Marie-Ange a une idée en tête : elle vient d'apprendre sa grossesse, et elle veut le lui annoncer.
Informé sur le trajet du retour, Bernard exulte. Le couple est heureux, enfin, après des semaines, des mois d'angoisse rythmés par les gardes à vue, les suspicions, et la détention provisoire du père de famille.
Les quelques secondes qui ont tout fait basculer
Arrivé devant son pavillon, le couple a à peine eu le temps de s'extraire de la voiture que Jean-Marie Villemin aurait débarqué, carabine au bras.
Sébastien, 3 ans, assiste à la scène depuis la fenêtre du salon, avant de sortir sur le perron, accompagné par Lucien, le frère de Marie-Ange.
"C'est de ta faute s'ils en ont après Christine", lance Jean-Marie à son cousin. Selon Marie-Ange, Bernard tente alors de le raisonner. "Calme-toi, rentre donc, on va discuter", articule Laroche.
Le coup part. Bernard s'écroule sur le sol du garage, et succombe quelques minutes plus tard.
Le cadeau de Jean-Marie Villemin qui a fini à la poubelle
Pour la mère de famille, la scène est insoutenable.
L'une des premières choses que fera Marie-Ange Laroche, selon son propre récit, sera de jeter à la poubelle le robot de cuisine que Jean-Marie avait offert au couple en guise de cadeau de mariage.
Et sur la tombe de Bernard, elle fait graver cette phrase :
"Bernard, victime innocente d'une haine aveugle"
Car Marie-Ange est convaincue de l'innocence de son mari, c'est peu de le dire.
Elle mentionne même plusieurs évènements qui, selon elle, le discréditent entièrement en tant que suspect. À commencer par sa personnalité : Bernard était, selon les dires de sa femme, un homme admirable, un père exceptionnel, un époux attentionné. À des lieues du portrait de "chaud lapin" aigri que lui dressent les ragots.
Un verre chez Michel et une promotion au supermarché : décryptage de l'alibi de Bernard Laroche
Et puis, elle sait que son alibi est solide. Le jour du meurtre du petit Grégory, à l'heure où l'enfant disparait, Bernard assure qu'il était à Aumontzey, chez sa tante Louisette, où Murielle Bolle a fini par le rejoindre après avoir été déposée par le car de ramassage scolaire.
Après un verre chez Michel Villemin, il avait pris rendez-vous aux alentours de 16h30 avec un ami, un certain Jean-Pierre Zonca, devant chez Louisette. Le projet était d'aller ensemble acheter du vin en promotion au supermarché Champion, 150 bouteilles exactement.
Mais à 17h35, toujours pas de Jean-Pierre à l'horizon. Bernard aurait donc décidé d'aller au supermarché de Laval-sur-Vologne, à 8 kilomètres, seul avec son jeune fils Sébastien.
Le ticket de caisse et la blouse orange
On a retrouvé le ticket de caisse du moment où il paye, c'est à peu près l'heure présumée de l'enlèvement de Grégory. C'est-à-dire qu'il aurait fallu qu'il enlève l'enfant, qu'il le mette dans la voiture, qu'il file au supermarché pour acheter quatre ou cinq cartons de vin qui vont bloquer l'arrière de sa voiture... Comme si cela ne pouvait pas attendre, c'est une promotion qui durait encore quinze jours ! - Me Jean-Paul Teissonnière.
Dans le procès verbal de son audition du 31 octobre, Laroche assure devant les gendarmes :
Bernard Laroche - Je me suis rendu au magasin Champion à Laval aux environs de 18h. Il y avait plus guère de clients. J'ai demandé où se trouvaient les lots de vin. La caissière m'a conseillé de prendre deux caddies ce que j'ai fait. Je me suis servi et je suis allé à la caisse en poussant un caddie et en tirant l'autre. Là je me suis rendu compte que j'avais oublié mon carnet de chèques dans la voiture. J'ai laissé S auprès des chariots et je suis allé chercher ma sacoche dans la voiture.
Gendarme - Et ensuite ?
Bernard Laroche - Bah je suis revenu à la caisse et j'ai payé.
Gendarme - Vous vous souvenez de la caissière ? Elle était blonde? Brune? Elle portait des lunettes ?
Bernard Laroche - Elle portait une blouse orange, pour le reste...
Gendarme - Ensuite ?
Bernard Laroche - Je quitte le supermarché. Vers 18h10. Et je passe au café hôtel la Renaissance à Bruyères. J'avais gagné le tiercé. J'allais le toucher.
"Le rendez-vous était bien pris avec Bernard pour le mardi 16 octobre à 16h30"
"Jean-Pierre Zonca a tout simplement oublié le rendez-vous, comme il le confirmera aux enquêteurs lors de son témoignage. En revanche, il confirmera que ce rendez-vous était bien pris avec Bernard pour le mardi 16 octobre à 16h30", explique quant à elle la veuve de Bernard Laroche dans son livre.
Pour Marie-Ange Bolle, cet emploi du temps est "bien la preuve qu'entre 16h20/25, heure de son départ chez Michel Villemin et 17h35, heure de son départ chez Louisette, Bernard Laroche n'a pas quitté Aumontzey et n'aurait jamais pu se trouver à Lépanges".
Les étrangetés de Marie-Ange Laroche
Pourtant, quelques éléments sèment le doute quant au personnage de Marie-Ange Bolle.
Déjà, son comportement, aux premières heures de l'enquête. Elle se présente spontanément à la gendarmerie, pour accuser… Jacky Villemin, ou plutôt, faire état de ses "suspicions" aux gendarmes.
Auditionnée à nouveau le 22 octobre 1984, elle revient sur ces déclarations pour le moins… étonnantes :
Gendarme - Pourquoi vous êtes-vous présentée spontanément à la gendarmerie ?
Marie-Ange Laroche - Je vous l'ai dit, je pensais avoir une révélation importante à faire.
Gendarme - En quoi le fait de nous apprendre que Jacky Villemin était sorti de chez lui à 5h10 du matin le 16 octobre pouvait être une révélation importante ? Cela n'a aucun rapport avec le crime.
Marie-Ange Laroche - Je pensais que peut-être ça pouvait faire avancer votre enquête.
Gendarme -: Ca n'a aucun rapport avec le crime, vous en convenez ?
Marie-Ange Laroche - Oui, oui, ça n'a aucune importance.
Gendarme - Donc vous aviez un autre motif en nous téléphonant ?
Marie-Ange Laroche - …
Gendarme -: Vous aviez eu le temps de réfléchir à ce que vous vouliez dire aux gendarmes, n'est ce pas ?
Marie-Ange Laroche - Non.
Et puis, l'image renvoyée par Marie-Ange après le drame ne serait pas tout à fait celle que renvoyait le couple au quotidien. La jeune femme s'excédait, selon certains, des rumeurs d"infidélité de son mari, un fil sur lequel jouait d'ailleurs le corbeau, lorsqu'il appelait les Laroche.
Au début de leur union, en 1977, Marie-Ange, âgée de 20 ans, aurait même quitté le domicile conjugal pendant quelques mois, s'installant dans la ville voisine, à Granges. Elle s'ennuyait avec Bernard, et rêvait d'aventure, murmure-t-on.
La malédiction Marie-Ange Bolle
La veuve ne demeure pas moins marquée au fer rouge par le drame. Sa vie, et celle de ses enfants, n'ont eu de cesse d'être émaillées, depuis le 29 mars 1984, par le chagrin. "Un cauchemar sans fin", décrira-t-elle dans son livre, publié en 2009.
Quelques mois après l'assassinat de Bernard, elle donne naissance à un fils. Il ne connaîtra jamais son père, mais il portera son nom : Jean-Bernard.
Sébastien Laroche, une vie brisée par le souvenir du père
Si Bernard Laroche lui avait confié qu'il voulait une fille, elle se dit "heureuse" que ce soit un garçon : c'est comme si elle retrouvait son mari à travers lui.
Mais la naissance ne vient pas vraiment panser les plaies de la couvée, hantée par le crime.
Sébastien, "un enfant à l'âme brisée pour toujours" grandit dans l'ombre insupportable d'un crime auquel il a lui-même assisté à l'âge de 3 ans.
Pour ses 7 ans, raconte Marie-Ange dans son livre, sa grand-mère lui offre une panoplie de cowboy. Plus tard, la mère de famille le surprendra en train de jouer avec, en faisant mine de tuer le "méchant Villemin".
En grandissant, Sébastien aurait pris l'habitude de se rendre régulièrement sur la tombe de son père, y restant parfois plusieurs heures.
Aujourd'hui, il a 42 ans : exactement l'âge que le petit Grégory aurait eu s'il n'avait pas été assassiné.
Le frère de Sébastien, Jean-Bernard, 38 ans, porte lui aussi, le fardeau du crime, à sa manière.
"Je crois en toi, je sais que tu es innocent" : 37 ans plus tard, le message de Jean-Bernard Laroche à son père
Le 23 mars 2021, jour de l'anniversaire Bernard, il s'en est épanché dans une publication publique sur les réseaux sociaux :
"Aujourd'hui, tu aurais eu 66 ans, mais on ne t'a pas laissé la chance de te connaître tes petits-enfants. Je ne peux même pas dire que ta présence me manque parce que je n'ai pas eu la chance de te connaître et de t'offrir pour la fête des papas ton cadeau tous les ans, mais une chose est sûre je sais que ta présence m'aurait fait du bien et je fais tout pour que tu sois fier de moi et je pense que tu l'aurais été. Tu as deux petits-enfants magnifiques et je pense que tu aurais été fier d' eux tout comme moi je le suis. En tout cas une grosse pensée à toi PAPA en ce jour si spécial et ne t'inquiète pas on s' occupe bien de maman et moi je crois en toi et je sais que tu es innocent".
En 1988, quelques années après la mort de Bernard, Marie-Ange se remarie avec Denis Jacob, le cousin de son défunt époux. Une fille, Neige, naît de cette union en 1989.
Mais Marie-Ange garde le masque de la veuve, et son mari se sent vite délaissé. Jamais il ne pourra remplacer un défunt, et il se sent presque jaloux de l'attention que sa femme porte au souvenir de son premier mari.
A l'aube du procès de Jean-Marie Villemin, les tensions s'accumulent au sein du couple.
Ils se séparent. Denis Jacob se suicidera trois ans plus tard.
Le procès de Jean-Marie Villemin, l'affront de trop pour le clan Laroche
En 1993, le père du petit Grégory comparait devant les assises de Dijon pour l'assassinat de Bernard Laroche. L'emballement médiatique est sans précédent, l'opinion publique abonde dans le sens du père éploré. Et les audiences se concentrent avant tout sur cette question : Jean-Marie Villemin a-t-il tué un coupable ou un innocent ?
Au grand regret de Marie-Ange, qui voudrait qu'on s'attarde davantage sur la culpabilité de l'accusé plutôt que sur celle, prétendue, de son époux regretté.
Au terme des débats, Jean-Marie Villemin est condamné à 5 ans de prison.
L'affront de trop, pour Marie-Ange, qui juge la peine bien trop clémente et le procès, bien trop consensuel.
Surtout que celui qui a abattu le père de ses deux garçons ressort libre du tribunal : il a déjà effectué sa peine en détention provisoire, à la maison d'arrêt de Nancy puis à Saverne, entre le 29 mars 1985 et le 24 décembre 1987.
Et les malheurs ne sont pas terminés pour autant. Marie-Ange connaît ensuite un autre homme, "de la pire espèce", avec qui elle vit "six ans d'enfer", pendant lesquels elle donne naissance, en 1996, à une petite fille, Laura.
Coupable ou innocent ?
"Cette affaire m'a brisée, j'ai perdu mon mari, personne ne sait ce que j'ai traversé... J'ai essayé de me reconstruire mais ça nous poursuit. Je n'ai jamais fait mon deuil. Et si j'ai tenu le coup, c'est grâce à mes quatre enfants et mon avocat Me Gérard Welzer, qui est à mes côtés depuis 1984", racontait Marie-Ange au Parisien en 2018.
Marie-Ange et Murielle, vraiment fâchées ?
Elle précise qu'elle n'a plus de contact avec sa sœur, Murielle, depuis des années. Leur relation sororale ne s'est jamais vraiment remise des accusations de la rouquine en 1984… Du moins, à l'en croire.
Sur une photo du mariage de Marie-Ange et Denis Jacob en septembre 1988, on peut voir, à l'arrière- plan, la jeune Murielle, hilare…
Quant à la culpabilité de Bernard, elle n'a, à ce jour, jamais été ni prouvée, ni écartée.
Un non-lieu a bien été rendu en avril 1985, mais en raison du décès du mis en examen.
Le juge Lambert, de son côté, avait affirmé qu'il s'apprêtait, au moment où Bernard a été abattu par Jean-Marie, à rendre justement un non-lieu plus substantiel afin de le mettre définitivement hors de cause.
Mais le non-lieu prononcé en 1993 à l'encontre de Christine Villemin laisse à penser qu'il existait encore de nombreux éléments permettant de dire que cette piste était probablement la bonne…
Thibaut Solano tempère : "Les pistes qui mènent vers Bernard paraissent sérieuses, maintenant, est-ce que ça signifie que la personne qui a enlevé et tué Grégory est la même ? J'ai changé d'avis plusieurs fois. Au début je me disais : faut être seul, pour être aussi fou…".
"Une charge très sérieuse d'avoir enlevé Grégory"
Un rapport en forme de consolation, pour Étienne Sesmat. "En 1993, le juge Simon et le président de la Cour ont tenté de sauver le sabotage effectué par Lambert à Épinal avec l'aide d'autres personnes mal intentionnées. La justice a conclu par cet arrêt, la 'bible' de l'affaire Grégory : qu'il existe, à l'encontre Bernard Laroche, une charge très sérieuse d'avoir enlevé Grégory".
En 2017, Murielle Bolle et les époux Jacob sont mis en examen. Pour l'ex-gendarme, cela veut bien dire une chose : "La justice est convaincue que Bernard Laroche a enlevé Grégory. Après, qui l'a tué, c'est une autre question, mais tout le problème de l'affaire tourne autour de ce constat. Bernard Laroche est un personnage central, mais comme il est décédé, on n'a pas les réponses", souffle-t-il.
Le couple Jacob et le lien infaillible
Quant à Marie-Ange Bolle, cela fait des années qu'elle a quitté Aumontzey et la maison qui concentrait alors tous ses souvenirs de vie avec Bernard.
Pendant son deuil, elle a toutefois gardé des liens serrés avec le couple Jacob, les voisins. Ils étaient les seuls de la famille, d'ailleurs, à avoir encore le droit de les visiter…
"Avec les Laroche, il y avait un lien de famille, nous raconte Me Stéphane Giuranna, l'avocat de Marcel Jacob. Quand Bernard a été assassiné, ils sont restés en contact avec sa veuve, mais ensuite, il y a eu des déménagements et les liens se sont distendus".
L'assassinat de Bernard restera, à tout jamais, le point de bascule de l'affaire Grégory. C'est aussi là le sens du nom que l'ancien gendarme Sesmat a donné à son livre, Les deux affaires Grégory (ed. Points) : "Tout d'abord, pour moi, la première affaire, la plus importante, c'est : pourquoi Grégory est mort ? Qui l'a tué, et comment ? Cette question centrale, on avait tendance à l'oublier. Et la deuxième affaire c'est : pourquoi cette dérive ? Pourquoi ces revirements, cette mise en examen de Bernard Laroche, son assassinat, l'inculpation de Christine Villemin ?", énonce celui qui garde la conviction profonde, aujourd'hui encore, que son équipe était bien sur la bonne piste dès 1984.