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Les images inondent les réseaux sociaux : on y voit des familles faire leurs courses à ras le bord de leur chariot, par peur de pénuries. Une image de fin du monde. Les produits de première nécessité sont particulièrement touchés, ainsi que les pâtes, le riz, l’huile ou le papier hygiénique. De nos jours, chaque soupçon de pénurie ou chaque évènement mondial négatif entraîne une ruée dans les rayons.
"Ce phénomène de consommation est apparu en même temps que la crise sanitaire et s’est reproduit au déclenchement de la guerre en Ukraine. La seule fois où nous l’avions observé avant, c’était dans les années 1990 pendant la guerre du Golfe", analyse auprès du Parisien Pascale Hébel, directrice chez C-Ways, une société de tendances sur la consommation.
Les ménages se sont rués dans les rayons au cours de l’année 2022, si bien que l’on a noté un taux de rupture de 5,5 % en octobre, en augmentation de 1,5 point par rapport à l’année dernière. En tête des produits les plus touchés : les œufs, les eaux gazeuses nature et aromatisées, les pellets pour poêle à bois et les sauces froides. Des comportements irrationnels d’achat qui entretiennent la pénurie et la moindre rumeur est le prétexte à des achats de masse.
Supermarché : des pénuries en cascade
Cela a été le cas pour les pâtes, le papier-toilette ou encore l’huile de tournesol. "Il y a une peur de manquer évidente dans ces panics buy (achats de panique, NDLR). Mais ce surstockage engendre lui-même des pénuries", appuie Myriam Qadi, chargée d’études à l’institut NielsenIQ, auprès du Parisien. "En France, nous n’avons aucune véritable pénurie, à part celle de moutarde due à la très mauvaise récolte de graines au Canada", souligne Pascale Hébel auprès du quotidien.
"Pour tous les autres produits, il en restait dans les réserves des distributeurs. S’il n’y en avait plus en début de semaine, les rayons se remplissaient quelques jours plus tard". Pas de raison donc de faire du stock.
Pénurie : la moutarde et le riz absents des rayons
Mais de nos jours, un simple communiqué suffit à créer une ruée sur un produit. Cela a été le cas pour le riz. Il a suffi que le syndicat de la rizerie française (SRF) alerte sur une baisse d’approvisionnement à venir en France à cause de mauvaises récoltes en Asie dues aux inondations, et les consommateurs se sont rués sur les paquets de riz : "Dès le lendemain, les clients se sont jetés dessus ! Il n’y avait plus rien ou presque dans les rayons", s’étonne encore Pascale Hébel auprès du Parisien.
"Le mot pénurie est fort car, aujourd'hui, à part la moutarde et le riz, sur le marché il n'y en a pas. Il y a ce qu'on appelle des tensions d'approvisionnement qui engendrent une moindre disponibilité et vide les rayons", explique auprès de La Dépêche Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution avec son blog Web grande conso. En effet, il précisait à la mi-novembre que "la moutarde est toujours en situation de pénurie". "Les industriels français n'ont pas de matière première et ce qu'on trouve aujourd'hui dans les rayons c'est souvent de la moutarde d'importation. La vraie moutarde française ne reviendra pas avant le printemps et ça, pour le coup, c'est vraiment ce qu'on appelle un marché 'pénurique'", reconnaît en effet le spécialiste. Pour les autres produits, comme les oeufs, le volume de production sera simplement plus bas, notamment en raison de l'abattage massif survenu en raison de la grippe aviaire.
Stocker pour des raisons économiques
Plus prosaïquement, certains font des stocks pour profiter des promos ou de baisses de prix temporelles. Ce peut être des parents qui profitent de la baisse du prix des couches, ou des ménages modestes qui luttent contre l’inflation. "Certains achètent en quantité en se disant : autant tout prendre maintenant, ce sera plus cher dans trois mois ! Dans le fond, ils n’ont pas forcément tort", explique Myriam Qadi au Parisien.
Consommation : la naissance d'un nouveau modèle ou le manque est la norme
Face à des comportements qui peuvent devenir irrationnels avec une seule photo postée sur les réseaux sociaux, il faudra accepter d’avoir moins de choix à l’avenir et faire preuve de sobriété dans notre manière de consommer. Patrice Duchemin, sociologue de la consommation, souhaite relativiser l'angoisse des ménages actuelle. "Nous ne sommes pas en 1948, avec la distribution de tickets de rationnement. S’il n’y a pas de pâtes le mercredi, il y en aura le vendredi. Et puis, peut-on vivre sans moutarde, remplacer l’huile de tournesol par de l’huile d’olive ou autre chose ? Je crois que oui. Nous changeons de modèle", confie-t-il auprès du Parisien. Selon lui, "nous rejoignons presque celui de l’Allemagne de l’Est communiste". "À l’époque, les familles allaient à l’épicerie sans savoir ce qu’ils allaient y trouver et s’adaptaient au jour le jour. Nous revenons à ce type de quotidien". Le sociologue de la consommation estime que "le manque de certains produits devient la nouvelle normalité".