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"Je voudrais rendre hommage à l'élégance du geste", affirmait Eric Zemmour, récemment agressé dans les rues de Paris, après avoir été contacté par le président de la République lui-même. Ce dernier avait souhaité lui faire part de son soutien avant, a raconté le polémiste, de s'engager dans un "long" débat téléphonique. "On s'est rendu compte que nos désaccords étaient profonds et qu'il fallait un peu de temps pour les élucider donc nous avons parlé longtemps", a-t-il expliqué sur le plateau de Face à l'info, dont Paris Match reprend les informations.
Eric Zemmour n'est pas la seule figure politique de la droite hors les murs à avoir droit aux petites affections d'Emmanuel Macron. Plus récemment encore, en plein contexte de crise sanitaire, le chef de l'Etat a, semble-t-il, décidé d'accorder un passe-droit à un autre de ses amis. Il s'agit cette fois, indique Libération, de Philippe de Villiers. Samedi 15 août 2020, alors que les rassemblements de plus de 5 000 personnes sont formellement interdits partout dans l'Hexagone, le Puy-du-Fou a néanmoins accueilli 9 000 individus.
"Une décision polémique", commente le quotidien, "qui fait suite à un traitement de faveur accordé au parc d'attraction par le président".
S'il est difficile d'affirmer qu'Emmanuel Macron et Eric Zemmour entretiennent une relation amicale de longue date, le fait est que celle qui lie le chef de l'Etat à l'ancien député n'est un secret pour personne. Depuis des années déjà, le locataire de l'Elysée s'affiche à ses côtés, tant et si bien qu'ils sont aujourd'hui considérés "proches", rappelle encore le titre de presse.
Les amitiés d'Emmanuel Macron sont elles sincères ?
"Dans les deux cas, il est difficile de ne pas y voir une proximité politique, qui prend probablement le pas sur la proximité personnelle", nuance d'entrée de jeu Christophe Bouillaud, enseignant-chercheur en sciences-politiques à l'Institut d'Etudes Politique (IEP, Sciences-Po) de Grenoble, politologue. "Cela ne veut pas dire qu'Emmanuel Macron n'apprécie pas réellement ces deux individus - ce qui serait déjà lourd de sens - mais le fait de rendre public une conversation téléphonique initialement privée n'est pas anodin. En caressant ainsi Eric Zemmour du poil, c'est son électorat que le président cherche à atteindre", poursuit le chercheur.
Le polémiste lui-même n'est d'ailleurs pas dupe : "Je suis et je fus journaliste politique, donc je vois les arrières pensées politique, mais il y a une élégance qu'il faut reconnaître", a-t-il lancé à Christine Kelly à ce sujet.
Emmanuel Macron : un opportuniste… qui partage tout de même certaines idées d'Eric Zemmour ?
"L'objectif d'Emmanuel Macron est évident : en s'adressant ainsi à la droite hors les murs, il cherche à doubler Les Républicains par le flanc droit. Le tout sans avoir, officiellement, à se rapprocher du Rassemblement national, à qui il prétendait faire barrage en 2017", poursuit le chercheur, pour qui il s'agit clairement d'un calcul politique avant tout… Mais qui pourrait s'avérer moins étonnant qu'il n'y paraît de prime abord.
"Évidemment, partager les idées d'Eric Zemmour ou de Philippes de Villiers, quand on s'appelle Emmanuel Macron, constitue un véritable paradoxe. Pour autant, dans ce type de courant politique, il est difficile d'éprouver de l'affection sincère sans se retrouver au moins un peu sur le plan idéologique", explique en effet Christophe Bouillaud, qui estime que les incompatibilités ne sont pas toujours inévitables.
"Il est très largement probable qu'Emmanuel Macron, Eric Zemmour et Philippe de Villiers soient capables de s'entendre sur certains points. Ils partagent une vision du monde très hiérarchisée, assez "old-style" et qui, somme toute, a précédé la révolution française", s'amuse le politologue pour qui les trois hommes cultivent aussi "l'exceptionnalisme, tant de la France que de leur personne". "Rappelez-vous, Brigitte Macron expliquait il y a quelques mois combien il était dur d'être mariée à Jeanne d'Arc !", note encore l'enseignant.
Est-ce à dire que le président de la République partage l'idéologie racialiste de ces deux figures d'extrême droite ? Oui… et non. "Je crois que ce que l'on voit aujourd'hui, c'est la véritable nature d'Emmanuel Macron qui ressort. Pour autant, je ne pense pas qu'il soit de ceux qui ont théorisé la supériorité racialiste, mais c'est peut-être un élément qui fait partie de son habitus, à l'insu de son plein gré", analyse le chercheur à l'IEP Grenoble. "Après tout, il n'a jamais été égalitaire, quand bien même il l'a toujours prétendu…"
Se rapprocher de Zemmour, une stratégie efficace ?
"S'il entend capitaliser sur l'électorat de droite, Emmanuel Macron fait les choses comme il faut", estime Christophe Bouillaud, assurant que son approche "constitue plutôt une bonne stratégie". "Bien sûr, cela veut dire se départir davantage encore de l'électorat de gauche qui a contribué à le faire élire en 2017. En contrepartie, il peut espérer récupérer une partie des électeurs des Républicains, mais aussi des souverainistes, voire de certains de ceux qui votent pour le Rassemblement national", note encore le chercheur.
"Il profite du vide et de l'absence de leader qui pose problème à la droite - pas seulement républicaine - pour s'imposer comme quelqu'un de sérieux à leurs yeux et c'est à cet effet qu'il radicalise son discours, comme celui de ses ministres. Or, parce que le Rassemblement national n'a pas réussi sa dédiabolisation et manque d'une réelle classe politique ou d'un modèle crédible à proposer, il cherche à séduire cet électorat", résume l'enseignant.
Pas de doute, juge Christophe Bouillaud : Emmanuel Macron est certe détesté d'une partie de la droite, fut-elle hors les murs ou issue de partis de gouvernement, mais il fait le pari qu'il le sera moins que les éventuels candidats de gauche qu'il lui faudra affronter. Dès lors, il s'agit d'apparaître comme une alternative crédible...