Trahison au sommet de l'Etat : Emmanuel Macron aura-t-il bientôt droit à une Emmanuel Macron ?AFP
Certains l'appellent "Iznogoud", en référence au Vizir qui souhaite devenir Calife à la place du Calife. Emmanuel Macron sera-t-il bientôt trahi par l'un de ses plus importants ministres ?
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"Je sais ce que je dois à Emmanuel Macron", lançait le ministre, en août, sur le plateau de Darius Rochebin (LCI), dont Voici se faisait à l'époque l'écho. "Quand on s'engage en politique derrière un homme, on lui doit sa loyauté. Cela n'exclut pas la liberté, son expression dans ses décisions, mais la loyauté est, je pense, un principe important en politique", assurait-il ensuite. Il ne parlait pas de lui, certes, mais bien d'Edouard Philippe, dont le silence d'alors intriguait les journalistes. L'ancien Premier ministre envisageait-il de se présenter contre le président de la République ? Non, promet cet éminemment membre du gouvernement, aujourd'hui considérablement renforcé par la crise sanitaire. Mais le message aurait tout aussi bien pu le concerner.

Dorénavant, l'eau semble avoir coulé sous les ponts. Cet autre transfuge de la droite, dit-on, aurait désormais d'autres ambitions. D'aucuns n'hésitent d'ailleurs pas à l'appeler "Iznogoud", en référence à ce fameux personnage de bande-dessinée créé par René Goscinny (scénario) et Jean Tabary (dessin), rapporte Valeurs Actuelles. Au fur et à mesure des albums, le Vizir multiplie les tentatives pour détrôner le Calife et le devenir à son tour. Cela n'a rien d'anodin : pour bien des ténors de La République en Marche (LREM), ce mystérieux poids lourd du gouvernement envisage déjà son ascension jusqu'à l'Elysée. Et cela ne serait pas la première fois.

Il s'agit en effet de Bruno Le Maire.

Bruno Le Maire va-t-il faire une Emmanuel Macron à Emmanuel Macron ?

Si le ministre de l'Economie a écopé de ce surnom peu flatteur, c'est parce qu'il n'hésite plus à faire part de ses doutes quant à la politique choisie par le président de la République. Il n'a pas non plus peur de marquer ses désaccords avec le Premier ministre, poursuit le titre de presse traditionnellement rangé à droite, voire à l'extrême droite, sur la base des informations du Canard enchaîné.

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"A deux reprises", déjà et "devant témoins", le locataire de Bercy s'en serait pris à la ligne présidentielle. "Si on reconfine, Macron est fini !", affirmait-il par exemple le 26 octobre 2020. S'il parvient à faire illusion en public, "il peine cependant à masquer un certain agacement face à la méthode Jean Castex", écrit d'ailleurs l'hebdomadaire.

Bruno Le Maire ferait-il mieux d'abandonner Emmanuel Macron ?

Si la popularité du chef de l'Etat reste plus importante que celle de son Premier ministre, force est de constater que les Françaises et les Français n'ont pas beaucoup confiance en lui. Pourtant, comme le rappelait le politologue Christophe Bouillaud dans nos colonnes, aucun de ses adversaires ne semble véritablement profiter de sa faiblesse apparente…

"S'il souhaite ne pas être complètement marqué par l'incompétence de la Macronie, Bruno Le Maire doit sincèrement se demander quel est le meilleur moment pour quitter le navire", assène d'ailleurs l'enseignant-chercheur à l'Institut d'Etudes Politique (IEP) de Grenoble, pour qui il ne serait effectivement pas aberrant que le ministre de l'Economie cherche dorénavant à recouvrer sa liberté.

"Il peut encore faire valoir ses propres qualités, expliquer qu'il a protégé les entreprises et permis la sauvegarde de notre économie ; là où d'autres comme Olivier Véran auront beaucoup plus de mal à présenter leur bilan de façon positive. En outre, sa position vis-à-vis des petits commerces lui permet de jouer la carte du ministre plein de bon sens et de considération à l'égard de la France qui travaille", analyse l'expert pour qui Bruno Le Maire va devoir partir bientôt s'il espère une carrière longue en politique. "En somme, il pourrait bien faire une Emmanuel Macron à Emmanuel Macron", conclut-il.

Combien de fois Bruno Le Maire a-t-il renouvelé sa loyauté à l'égard d'Emmanuel Macron ?

Ce n'est pas la première fois que Bruno Le Maire est soupçonné de "trahison" à l'encontre du "Calife". Déjà en 2017, quelques mois après l'élection présidentielle et la composition du premier gouvernement Philippe, le ministre de l'Economie - qui partageait alors Bercy avec Gérald Darmanin - devait se justifier. "Non seulement je me suis engagé derrière Emmanuel Macron en 2017 mais je souhaite sa réélection en 2022 et je m'engagerai derrière lui si jamais il prend cette décision de se représenter", déclarait-il alors, rapportait à l'époque Le Figaro

"Je me battrai pour la réélection d'Emmanuel Macron en 2022 parce que je crois que c'est important qu'il y ait de la continuité dans l'action publique", poursuivait-il encore, expliquant plus en profondeur ses motivations : "Le choix que j'ai fait de me mettre derrière Emmanuel Macron en 2017, de soutenir son projet de transformation en profondeur de notre pays, c'est un projet qui demande du temps et je pense qu'il faudra au président de la République dix ans pour que cette transformation soit solide et que les tous les Français puissent en bénéficier."

Toutefois, pour Christophe Bouillaud, cette décision pourrait ne pas être uniquement motivée par les convictions du ministre. Certains attraits du poste pourraient aussi entrer en ligne de compte… "N'oublions pas que Bruno Le Maire n'a plus de parti derrière lui et, contrairement à bien d'autres politiciens, il a démissionné de la fonction publique. Concrètement, cela veut dire qu'il a brûlé ses vaisseaux : s'il part, personne ne le paie", souligne le chercheur.