Pendant la période des fêtes de fin d’année, une nouvelle méthode de fraude particulièrement sournoise émerge : des faux conseillers bancaires qui utilisent WhatsApp pour tromper les Français.
Depuis la sortie du livre-enquête “Les Fossoyeurs” du journaliste Victor Castanet et son lot de révélations sur les négligences en Ehpad, Stéphanie ne dort plus. “Cela fait tout remonter”, raconte cette femme de 57 ans. En 2018, son mari, Yves, atteint de la maladie d’Alzheimer, décède brutalement sans qu’elle n’ait pu le voir une dernière fois. L’épilogue d’une longue série de maltraitances au sein de son Ehpad que Stéphanie dénonce.
Tout commence en 2016, lorsque Yves, 73 ans, est placé dans un Ehpad près de Montpellier. Le septuagénaire, atteint de la maladie d'Alzheimer, s’est trop dégradé, et Stéphanie, surmenée, ne peut plus le prendre en charge. A contre-coeur, elle fait alors appel à un organisme de tutelle, qui va décider de placer le vieil homme dans un établissement de la région de Montpellier, spécialisé dans l’accueil des personnes Alzheimer, pour 4700 euros par mois. Une somme coquette, mais l’endroit est moderne, et semble, en apparence du moins, idéal.
Sauf que Stéphanie va bientôt découvrir une toute autre réalité.
La descente aux enfers
La quinquagénaire rend visite à son époux toutes les semaines. “Au fil des semaines, j’ai remarqué une véritable dégradation physique”, note Stéphanie. Le septuagénaire perd rapidement une dizaine de kilos. Elle remarque aussi l’ambiance délétère qui semble régner dans l’établissement. “Les pensionnaires ne faisaient que pleurer, certains étaient laissés au soleil pendant des heures, il n’y avait pas d’activités organisées”, confie t-elle.
Dans cet environnement, son mari enchaîne les “crises de nerfs”, et le personnel soignant décide d’augmenter ses doses de médicaments. Stéphanie s’inquiète auprès de deux aides soignantes. “Elles étaient très gentilles, elles m’ont dit qu’elles allaient s’occuper de lui, et qu’elles avaient mal au cœur de voir que les pensionnaires étaient laissés pour compte dans l’établissement, à cause du sous-effectif". Quelques semaines plus tard, ces deux aides soignantes avaient disparu. “Soit c’était trop dur pour elles, soit elles ont été remerciées”, souffle Stéphanie.
A partir de là, c’est la descente aux enfers pour Yves.
“Ils le laissaient macérer dans ses couches”
“Un jour, j’arrive et je vois que mon mari a des cocards de partout”, se souvient Stéphanie. Elle nous a transmis des photos, sur lesquelles on peut voir le visage du vieil homme couvert d’hématomes. “Je vais voir le médecin, et il me dit qu'on ne sait ce qui s’est passé. Cela n'inquiétait personne”, raconte-t-elle. Voyant qu’Yves souffre, Stéphanie demande s’il a été soigné : “on m’a dit que si je voulais l’emmener à l’hôpital, je devais me démerder", rapporte la quinquagénaire.
Un autre jour, elle se rend “à l’improviste” dans l’établissement, et s’aperçoit que son mari est attaché à une chaise. “Personne n’a su m’expliquer pourquoi”, relate Stéphanie.
Yves devient de plus en plus éteint. “Il avait la mort dans les yeux”, confie Stéphanie, horrifiée de le voir souffrir ainsi. “Ses lunettes étaient cassées sans cesse, ses vêtements avaient tous disparu, il était vêtu comme un SDF tous les jours”, raconte-t-elle. “Ses ongles n’étaient jamais coupés, et il sentait très fort, ils le laissent macérer dans ses couches”.
Chaque visite apporte son lot d’angoisse. “On aurait dit une prison. C’est comme si j’allais au parloir. Je me disais à chaque fois, dans quel état je vais encore le retrouver?”.
“Personne n’a rien fait”
Dans l’établissement, personne ne l’entend lorsqu’elle fait part de ses inquiétudes. “Ils m’ont même menacé de ne plus me laisser voir mon mari si je continuais à me plaindre”, soupire Stéphanie. Et impossible pour la quinquagénaire de le changer d’établissement sans l’aval de la tutelle, qui refuse.
Abattue, elle décide de porter plainte auprès de la police, et d’effectuer un signalement à l’ARS ainsi qu’au procureur de la République. Mais la situation ne s’arrange pas, loin de là. “Personne ne m'a aidée. Et à partir de ce moment-là, l’Ehpad m’a empêché, moi et mes proches, de rendre visite à Yves.”
En mars 2018, alors qu’elle n’a pas pu voir son mari depuis deux mois, Stéphanie reçoit un appel de l’Ehpad. Yves a été hospitalisé. Mais sur place, le personnel refuse de la laisser entrer dans la chambre du malade. “Le médecin m'a seulement dit que son état s’était amélioré, et qu’il allait être ramené à l’Ehpad. Je ne savais même pas ce qu’il avait”.
Le lendemain matin, un nouvel appel lui annonce la mort de son mari. Le cœur du septuagénaire s’est arrêté. Elle n’aura pas pu le voir une dernière fois. Épuisée, Stéphanie n’a pas la force de porter plainte à nouveau. “Je me sentais abandonnée, et surtout coupable”, confie la quinquagénaire.
“On l'a tué à petit feu”
Stéphanie est en colère contre les dirigeants de l’Ehpad. Pour elle, ce sont eux les coupables. “Ils ne recherchent que le profit et n’ont que faire des malades. On dirait que les gens qui travaillent là-dedans ont perdu leur humanité.” Elle ajoute : "À force de voir des choses horribles, soit les aides soignants s’en vont, soit ils deviennent insensibles”. Stéphanie mentionne des épisodes de maltraitance terribles qui auraient eu lieu dans l’établissement. “Certaines aides soignantes s’amusaient avec les résidents, qui faisaient leurs besoins par terre, elles les prenaient en photo pour les humilier”, explique t-elle.
Aujourd’hui, Stéphanie veut dénoncer ce système “mafieux”. Elle espère que les responsables “paieront”, pour que ces situations ne puissent plus se reproduire.
“Mon mari a été tout ce qu'il ne voulait pas devenir pour sa fin de vie. Toute sa vie, il m’a répété qu’il voulait rester digne, et garder son intégrité jusqu’au bout. Mais on l’a tué à petit feu pour le déposséder de tout”, conclut la quinquagénaire avec émotion.
Contacté par nos soins, l’Ehpad concerné n’a pas souhaité répondre.