AFP
Près de 17 000 Roms vivent en France et pourtant, la majorité des Français ont une vision négative d'eux, selon un sondage datant de 2014. Pourquoi les Roms peinent-ils tant à se faire accepter ? Eléments de réponse.
Sommaire

Vols, mendicité, pauvreté et violence sont des termes qui sont souvent associés aux Roms. A tel point que 66% des Français ont une vision négative de ce peuple, selon une enquête publiée en avril dernier par Euractiv. Mais pourquoi une telle stigmatisation ?

Un peuple sans état

Pour essayer de comprendre ce phénomène, il faut d’abord remonter aux origines de ce peuple. Les Roms sont certes nombreux en Europe – environ 12 millions – mais ils n’ont cependant pas de pays. Ils descendent d’un peuple de nomades qui, au 11e siècle, a quitté l’Inde du Nord pour l’Europe où il est tombé en esclavagisme. Celui-ci s’est ensuite dispersé en Europe, principalement en Roumanie et en Bulgarie où ses descendants ont conservé ce statut d’infériorité. "En Roumanie, les Roms ne sont pas les bienvenus : personne n’en veut, ils sont victimes d’un véritable racisme et son même chassés",  assure François Lauret du collectif Romeurope. C’est un peuple "sans territoire compact, qui n’a jamais eu de revendications territoriales, mais qui est lié par une conscience identitaire, une origine, une culture et une langue communes", précise l’association La voix des Roms sur son site.

"Souvent considérés avec méfiance et victimes de la rumeur", ils seraient actuellement un million en Roumanie, 140 000 en Italie et près de 17 000 en France, détaille par ailleurs TF1. "Une goutte d’eau pour notre pays", estime François Lauret.

"La politique française a un problème avec les Roms"

Peinant à s’intégrer dans les pays dans lesquels ils s’installent, les Roms sont souvent pointés et rejetés. Considérés comme des indésirables, ils sont aussi fréquemment expulsés dans camps de fortune qu’ils construisent. En France, un camp de Roms a été expulsé tous les trois jours en 2014, selon les chiffres de l’European Roma Rights Centre (ERRC) et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). "Les Roms ne sont pas des nomades. S’ils bougent c’est parce qu’ils sont sans cesse expulsés", déplore François Lauret.

Vidéo du jour

Leur objectif ne semble pourtant pas représenter une menace. "Tout ce qu’ils veulent c’est se stabiliser, avoir du travail et scolariser leurs enfants", explique le militant. Et celui-ci de raconter une anecdote : "Sur le terrain, ils nous disent souvent que pour eux il n’y a pas d’avenir, que l’avenir c’est leurs enfants. Alors ils misent beaucoup sur leur scolarisation".

Qui pour faire entendre leur voix ?

Mais si des associations et des organisations internationales se battent pour tenter d’améliorer la situation des Roms en France, certains politiciens sapent tout leur travail. On se souvient notamment de Nicolas Sarkozy en 2010 – "Comment se fait-on que l’on voie dans certains de ces campements tant de si belles voiture, alors qu’il y a si peu de gens qui travaillent ?" - mais aussi de Manuel Valls qui estimait il y a deux ans que les "Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie". "La politique française a un problème avec les Roms", a dénoncé Saimir Mile, le président de la Voix des Roms dans 20 Minutes. Une idée partagée par François Lauret : "Ce sont eux, à droite et à gauche, qui ont organisé cette discrimination. Aujourd’hui on préfère dire qu’ils n’ont pas vocation à rester en France plutôt que de les aider à s’intégrer".  

En dehors des associations, très peu d’autres voix se sont entendre pour aider les Roms à se faire accepter et à montrer qui ils sont vraiment au-delà des clichés. En 2013, une jeune Rom a pourtant sorti un livre allant dans ce sens. Intitulé "Je suis Tzigane et je le reste", cet ouvrage autobiographique raconte comment Anina est passée des camps de réfugiés aux bancs de la prestigieuse Sorbonne à Paris. "Les Roms ne sont pas seulement des personnes qui font la manche, des voleurs de poule (…) je voudrais que l’on comprenne qui nous sommes", y a écrit la jeune femme. "C’est bien mais ce n’est pas suffisant", selon François Lauret qui pointe également le "mauvais coup de main" que leur a donné l’affaire Leonarda cette même année.

A lire aussi –Ce que Leonarda et sa famille ont coûté à la France

"Les Roms sont déshumanisés"

Le livre d'Anina n’a effectivement pas suffi à améliorer la situation, au contraire. L’an dernier, un adolescent Rom de 16 ans a été lynché en pleine rue en Seine-Saint-Denis. "Les Roms sont déshumanisés", regrettait alors Saimir Mile, toujours auprès de 20 Minutes. "Lyncher un Rom, c’est moins grave que lyncher un chat", avait-il également déploré, comparant le peu de réaction qu’avait suscité cette affaire à la vague d’émotion provoquée par l’histoire d’un chat maltraité quelques temps avant.

D’autres actes particulièrement violents envers les Roms avaient également été enregistrés dans les mois précédents. Ainsi, un homme avait été attaqué à l’acide en plein Paris tandis qu’un camp avait été incendié par des riverains à Marseille."Lorsqu’on excite les populations en leur désignant des boucs émissaires, lorsqu’on clochardise ou qu’on laisse se clochardiser des personnes, on a un cocktail parfait pour que des tensions émergent", avait souligné Dominique Sopo, le président de SOS Racisme dans les colonnes du quotidien gratuit. "Si on sortait des dérives des politiques, ils pourraient réussir à s’intégrer. Mais les politiques ont une vraie volonté de les en empêcher", iniste François Lauret.

Vidéo sur le même thème - Leonarda : "je veux revenir mais avec ma famille"