De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
"Il a peur que le texte ne passe pas", assène sans trembler Manuel Bompard, député européen La France Insoumise, sur le plateau de France Info, le dimanche 23 février. L'élu, fermement opposé à la réforme des retraites que porte l'exécutif en est convaincu : le vote du projet de loi effraie beaucoup au sommet de l'Etat. "La réalité, c'est que le gouvernement est en train de faire monter les situations de blocage pour pouvoir dire qu'il est obligé d'utiliser le 49.3 parce qu'il a un problème avec sa propre majorité, parce que chaque semaine il y a des députés LREM qui quittent la majorité", poursuit le parlementaire qui n'hésite pas à afficher son ambition.
"Notre objectif est de ralentir et d'essayer de faire en sorte que ce projet de loi ne voit pas le jour. Nous le rejetons. Mais nos interventions sont toujours sur le fond et ont permis de soulever un certain nombre d'éléments cachés. Le gouvernement, s'il veut sortir de cette situation de blocage, ce n'est pas le 49.3 qu'il doit utiliser, c'est le référendum", assure-t-il.
Ce qu'il avance, sur les départs à La République en Marche au moins, n'est pas faux. Comme le rappelle le Journal du Dimanche, quatre élus ont décidé de marquer leur distances avec le mouvement, voire avec le groupe majoritaire du Palais Bourbon. "Nous étions venus pour un idéal, beaucoup sont déçus", ont-il affirmé dans les colonnes de l'hebdomadaire. "Je pense que le groupe va s'effilocher avec le temps. Il y aura encore d'autres départs", a tenu à préciser l'un d'entre eux. En tout et pour tout, depuis le début de la mandature d'Emmanuel Macron, le président a dû faire face à 19 défections. De quoi donner des cheveux blancs au chef de l'Etat ? Peut-être.
Vote de la réforme des retraites : Emmanuel Macron a-t-il du soucis à se faire ?
"On a vu apparaître, au fil des mois, une fragilisation indéniable de la majorité parlementaire. Cela a commencé avec la désapprobation affichée de la CFDT et les élus La République en Marche l'ont ensuite expliqué au président de la République", reconnaît Olivier Rouquan, politologue et constitutionnaliste, chercheur associé au CERSA. "Pour autant, je ne pense pas qu'il faille craindre que les députés LREM aillent à l'encontre de la volonté macronnienne. Ce serait prendre un risque important et mettre en danger la cohésion du gouvernement", affirme-t-il.
Néanmoins, c'est inquiétude n'est peut-être pas insensée, estime le chercheur. Il pourrait, en effet, s'agir d'un calcul réfléchi du locataire de l'Elysée. "En surestimant cette angoisse, Emmanuel Macron trouve une justification efficace à l'usage du 49-3. C'est une façon de vendre à la population, assez récalcitrante à ce type de passage en force, sa potentielle utilisation par l'exécutif", précise-t-il, non sans juger que cette manoeuvre reflète la "volonté ferme de tenir le calendrier que le gouvernement a imposé". "Dans les faits, le vote du texte aurait très bien pu passer par une procédure normale", poursuit-il.
Emmanuel Macron : pourquoi il a peur de ne pas être réélu
Il "cristallise les mécontements" et, de toute évidence, il en est conscient explique Le Monde. Le chef de l'Etat, lucide sur l'image qu'il renvoie, aurait peur de ne pas être réélu. Pire ! Certains de ses stratèges envisagent même sa défaite… dès le premier tour.
Interrogé sur ses ambitions à l'approche de 2022, c'est un Emmanuel Macron "estomaqué" qui répondait après quelques secondes de réflexion, le 18 février 2020 à Mulhouse (Haut-Rhin). "Je ne vais pas vous dire ce que je vais faire en 2022, il y a beaucoup de choses qui peuvent arriver d'ici là. Au bout d'un moment il faudra arriver à ces choses-là, si j'y arrive", a-t-il prudemment affirmé. Une précaution que ne manque pas de noter le quotidien du soir…
"Il est possible qu'Emmanuel Macron ne soit pas réélu en 2022 et on peut effectivement envisager qu'il ne passe pas le premier tour. C'est précisément ce qui est arrivé à Lionel Jospin qui, s'il n'était pas président, était lui aussi une figure sortante de la précédente mandature", explique d'entrée de jeu Olivier Rouquan, qui tempère ensuite. "Cependant, cela sous-entendrait tout de même qu'en dehors de la présidente du Rassemblement nationale, une autre figure politique sorte du chapeau et parvienne à se démarquer des autres. Ce qui n'est pas impossible", indique le spécialiste.
Dès lors, qui Emmanuel Macron devrait-il surveiller ? "Si l'on voulait être facétieux, on pourrait dire qu'il devrait se méfier de lui même. N'oublions pas, cependant, que c'est toujours le président sortant qui pose les conditions nécessaire à une seconde candidature", rappelle dans un premier temps le politologue, non sans évoquer - évidemment - François Hollande. "C'est lui qui a tiré les conclusions de ses faiblesses et à choisi de ne pas se représenter. C'est un équilibrage auquel le chef de l'Etat devra aussi réfléchir", estime le chercheur.
Le président part d'ailleurs avec un désavantage que n'avait pas le socialiste. "La République en Marche est un parti très peu ancré localement, ce qui joue mécaniquement sur les rapports de forces politiques. Ces derniers constituent l'un des aspects susceptibles de le pousser où non à se représenter", note le spécialiste. Autre point important : la configuration du jeu. "Même à quelques mois des élections elle pourrait rester très incertaine. Elle sera primordiale dans les chances de réélections d'Emmanuel Macron", analyse-t-il.
Enfin, il importe de ne pas oublier que le chef de l'Etat part avec un avantage : il est le sortant. "On sait dorénavant qu'il est capable de représenter la fonction présidentielle. D'une façon générale, c'est un atout. Sauf, évidemment, en cas de dégagisme comme lors de la précédente élection", nuance cependant le politologue.
Emmanuel Macron et ses angoisses : ce qu'il devrait faire pour les calmer
Au delà de tout calcul politique, en admettant que le chef de l'Etat nourrisse véritablement les inquiétudes précédemment évoquées, que pourrait-il faire pour les apaiser ? S'il n'entend pas se compromettre, il ne peut décemment pas revenir sur sa réforme des retraites, si contestée soit-elle.
"Emmanuel Macron souffre clairement d'un défaut d'image récurrent, qui n'a jamais été pris au sérieux par le passé — ou alors beaucoup trop tard. La première chose à faire, dans un premier temps, c'est donc de le corriger", analyse le chercheur pour qui il est essentiel que le président de la République développe une certaine capacité d'empathie et parvienne à dialoguer avec les Françaises et les Français sans être perçu comme un donneur de leçon.
"Aujourd'hui, près de 8 électeurs sur 10 reprochent à l'Elysée son arrogance. Il faut que sa présidence devienne un peu plus modeste", affirme le spécialiste.
Autre point essentiel : réaffirmer ses priorités. Et Olivier Rouquan de préciser : "Il ne reste à Emmanuel Macron qu'un an et demi avant la fin de son mandat. Il va donc lui falloir sortir du en même temps, clarifier les enjeux forts qu'il veut porter, et de toute évidence il devrait se limiter à deux ou trois sur cette période. Pour le reste, il devra laisser faire le Premier ministre."