ISF rétablie, CSG progressive, barème élargi… le point sur les mesures fiscales proposées par le Nouveau Front populaireIstock
Le nouveau groupe majoritaire à l'Assemblée nationale proposait dans son programme de campagne diverses mesures fiscales qui suscitent de l'inquiétude chez ses opposants et dans certains milieux de la finance. En quoi consistent-elles exactement ?
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Révolutionnaire, le programme du NFP ? En matière fiscale, c’est ce qu’affirme notamment le site du magazine Capital. Si par “révolution”, l’on se réfère au concept physique de “rotation complète d'un corps mobile autour de son axe”, alors, en effet, le programme du Nouveau Front populaire contient une : le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). 

Un ISF réinventé 

Ce dernier, créé en 1989, a été supprimé en 2018, et remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). La dernière année de sa mise en application (2017), il avait rapporté 4,2 milliards d’euros à l’Etat, et “le comité dans son premier rapport en 2019 estimait que le remplacement de l’ISF par l’IFI avait conduit en 2018 à une perte de recettes de 3,1 milliards d’euros”, selon le rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital commandé par France Stratégie (comité d’orientation au service du Premier ministre). 

Les formations politiques réunies au sein du Nouveau Front populaire ont proposé de recréer l’ISF dans le programme politique élaboré quelques jours après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Il s’agirait en outre de lui adjoindre un “volet climatique”, une mesure proposée de longue date par les écologistes. 

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Un nouveau barème pour l’impôt sur le revenu

Pour autant, ce programme contient-il des mesures “révolutionnaires” au sens politique, c’est-à-dire de nature à changer brusquement et brutalement les structures établies ? Pour financer son projet redistributif relativement généreux - avec une augmentation du minimum vieillesse notamment -, des augmentations d’impôts sont en effet prévues. Celles-ci, toutefois, ciblent, en principe, les contribuables appartenant aux “déciles” les plus aisés, c’est-à-dire les plus riches. 

Pour l’heure, le barème de l’impôt sur le revenu compte cinq tranches. Les membres du NFP proposent plus qu’un doublement pour obtenir 14 tranches. Cette proposition avait déjà été émise par Jean-Luc Mélenchon en 2022. Une telle progressivité de l’impôt a existé en France, dans les années 1980, comme le rappelle cette note de l’Institut des politiques publiques.

D’autres mesures

Le programme contient également une proposition visant à rendre progressive la contribution sociale généralisée (CSG). Même principe avec les droits de succession. Il s’agirait de “Réformer l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif en ciblant les plus hauts patrimoines et instaurer un héritage maximum.”

Le NFP souhaite en outre “instaurer une taxe kilométrique sur les produits importés”, ce qui limiterait le coût carbone de notre consommation, mais risquerait d’amplifier l’inflation sur certains produits. 

Ce que coûterait ces mesures... et à qui ?

Deux économistes ont calculé pour Alternatives Economiques les coûts et les bénéfices de telles mesures. Il ressort de leurs estimations qu’elles “coûteraient” (en apport monétaire net) en moyenne 685 euros par mois aux 10% des contribuables les plus aisés, ceux dont le niveau de vie est supérieur à 41 900 euros par ans. Pour les 60% de la population, elles “rapportaient” entre 45 et 73 euros selon les tranches de revenu. 

Des inquiétudes dans le monde de la finance

Dans le monde de la finance, ces projets suscitent de l’inquiétude. La France, dont le déficit public s’est révélé plus élevé que prévu (avant la dissolution) est contrainte par Bruxelles de revoir sa copie en matière de budget. Elle doit présenter des comptes le 20 septembre. En attendant, l’agence de notation américaine Standard and Poor’s a prévenu le 8 juillet que, si le pays “ne parvenait pas à réduire son important déficit public”, sa note serait “sous pression”

Cela signifie qu’elle pourrait être dégradée, et cela impliquerait potentiellement un coût plus élevé pour se financer sur les marchés. L’agence s’alarme en outre de “l’incertitude quant aux détails de la stratégie de politique économique et fiscale”. Cela s’explique notamment par la situation encore très floue en l’absence d’un gouvernement. 

Cela n’empêche pas certains professionnels du secteur de la finance - minoritaires en nombre - d’accorder leur foi au programme du NFP, comme le montre cette enquête de Start-Les Echos

Quelles inspirations ?

Quant à la nature du programme en question, s’il s’inspire des travaux des économistes Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez alors son qualificatif évoqué plus haut est peut-être mérité. En effet ces auteurs ont publié en 2011 aux éditions Le Seuil l’ouvrage : “Pour une révolution fiscale”.