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- 1 - « Cette envie de chasser le mal » : exorciste, la vocation de Pierre Dulong
- 2 - Mantras, décorum : comment se passe réellement une séance d’exorcisme
- 3 - « Elle parlait dans toutes les langues » : Pierre Dulong et les démons enfouis
- 4 - « Je dormais dans ma voiture pour être sûre d’avoir un rendez-vous » : les patients comblés de l’exorciste
Sa réputation n’est plus à faire. Dans le petit village occitan de Ligardes (Gers), on ne vient pas seulement voir Pierre Dulong parce qu’il est maire, mais surtout parce qu’il est… exorciste. Et c’est une véritable figure locale.
Dans son bureau, des dizaines de statuettes mystiques côtoient des crucifix, de grands cierges et des exemplaires de son livre, La prière du guérisseur.
Cela fait quarante ans que Pierre Dulong exerce cette curieuse activité. Mais au départ, rien ne semblait destiner cet agriculteur à l’occulte. « Et puis, un jour, j’ai eu des problèmes sur mes cultures, les temps étaient difficiles », nous confie-t-il. Une personne qui s’y connaissait est venue sur mes terres et m’a dit « on vous a jeté un sort ». Alors, je suis allé voir quelqu’un de spécialisé dans les envoûtements, et cette personne m’a confié, à son tour, que j’avais le don de soigner ».
« Cette envie de chasser le mal » : exorciste, la vocation de Pierre Dulong
Dans un premier temps, Pierre Dulong est surpris, et n’ose pas vraiment y croire. Mais au fil des mois, il se prête au jeu, et tente de soigner son fils, qui souffrait d’une angine, ou encore un jeune du village qui avait mal aux dents. Leur guérison est instantanée. « Je me suis aperçu que j’avais quelque chose », souffle le maire de Ligardes. Les nouvelles de ses guérisons miraculeuses commencent à se répandre dans la région, et bientôt, on fait la file devant chez lui.
Mais Pierre Dulong ne veut pas seulement être guérisseur. Il veut faire de l’exorcisme. « J’avais en moi ce besoin de combattre le démon, cette envie de chasser le mal », explique-t-il.
Il prend alors contact avec un exorciste dont il a repéré le nom dans un journal local. L’ancien, après s’être assuré qu’il avait bien un don, décide de le former.
« Et un jour, cela faisait un mois que j’exerçais, j’ai réalisé mon premier exorcisme. C’était une jeune femme qui était venue me voir, et tout à coup, elle a sauté sur moi pour m’étrangler. On voyait le mal dans ses yeux. J’ai appelé des gens pour la tenir et j’ai pratiqué l’exorcisme. Ce fut un succès. J’ai donc appelé mon maître pour lui raconter, et il m’a dit : il faut désormais que tu reçoives le sacrement de l’exorciste ».
Car l’exorcisme est avant tout un rituel religieux, qui est régi par les cultes catholiques ou gallicans. Il n’existe en général qu’un seul praticien « agrée » par l’église dans chaque diocèse. Pierre Dulong, qui est marié, se tourne vers le diocèse gallican, et reçoit rapidement son sacrement. Il est donc ecclésiastique, même s’il refuse le titre de « prêtre ». « Je ne voulais pas devenir prêtre, j’ai trop de respect vis-à-vis de mon village qui m’a vu naître, et devenir prêtre comme ça, sans études, ça ne faisait pas sérieux. Je ne me sentais pas légitime. Et puis, moi, je voulais surtout faire de l’exorcisme », rapporte le maire.
Mantras, décorum : comment se passe réellement une séance d’exorcisme
L’exorciste guérit par la prière, nous explique Pierre Dulong. Mais il y a bien un rituel à respecter. « Il ne faut pas faire n’importe quoi, et surtout, il faut avoir le don ! Des personnes qui se sont essayé à l’exorcisme sans ces précautions se sont retrouvées avec de graves problèmes sur le dos. Un homme qui a voulu le faire seul a fini dans le coma pendant trois semaines, à titre d’exemple », préviens Pierre Dulong.
L’édile peut utiliser son pendule, réciter des louanges, appeler le démon à fuir à coups de "Vade retro" ou encore imposer les mains et tracer des signes de croix. A chaque fois, il tient à enfiler son aube. « Des personnes peuvent être présentes, notamment pour tenir la personne possédée, mais ils ne doivent pas parler. Le maître de cérémonie, c’est moi.» explique ce dernier.
« Elle parlait dans toutes les langues » : Pierre Dulong et les démons enfouis
Les personnes qui viennent voir Pierre Dulong ont « tous les profils », nous assure le maire. « Il y a des riches, des pauvres, des jeunes et des moins jeunes… Car le mal touche tout le monde ». Il a même été appelé, un jour, dans une maison du Lot-et-Garonne, où il avait « du sang versé sur tous les murs ».
Parfois, le spectacle est à peine imaginable. « Dans les cas de possession démoniaque, les personnes parlent dans toutes les langues, parfois très crûment, et sont incontrôlables. Les gens qui assistent à ça tombent parfois dans les pommes. Ça en impressionne beaucoup », souffle l’exorciste.
Mais parfois, le combat pour chasser le mal est bien long. « Une dame est venue me voir, elle était en dépression avec des aller-retour à l’hôpital psychiatrique, depuis 25 ans. J’ai senti qu’elle était envoutée, mais son mari ne voulait pas y croire. J’ai fait des séances avec elle pendant 5 mois, et rien ne changeait. Alors je me suis, mince, je me suis trompé, elle n’est peut-être pas envoutée. Et puis, au bout d'une énième séance d’exorcisme, tout à coup, elle se met à crier, à se débattre, elle parlait toutes les langues. Le démon est malin, il avait réussi à se dissimuler à moi pendant cinq mois ! », relate Pierre Dulong.
« Je dormais dans ma voiture pour être sûre d’avoir un rendez-vous » : les patients comblés de l’exorciste
Aujourd’hui, on vient voir Pierre Dulong des quatre coins de la France. Des patients déménagent même dans la région pour pouvoir être au plus près de leur guérisseur et faire plus de séances. Son bureau est rempli de cadeaux et de lettres de remerciement de ces gens qu’il a « sauvés ». « On vient aussi me consulter pour des problèmes de santé, de travail, de famille… La prière peut aider dans de nombreux domaines », ajoute l'exorciste.
« Je viens de Toulouse, toutes les semaines, et cela fait un petit moment », nous confie une patiente qui s’apprête à consulter l’exorciste. « Au départ, je partais le vendredi soir, et je dormais dans ma voiture la nuit pour être sûre d’être la première le samedi à être reçue. Car il y a toujours énormément de monde dans la salle d’attente. Mais ça nous donne l’occasion de nous parler, de rencontrer des gens. Et puis, on sait pourquoi on attend. Ça vaut le coup ».
Elle a connu l’activité de Pierre Dulong par le bouche-à-oreille, et a voulu tenter l’expérience. « Je n’avais rien à perdre. Je suis venue parce que mon fils à l’époque avait coupé les ponts, cela me faisait beaucoup souffrir. Dans la semaine qui a suivi ma première séance, c’est incroyable, il m’a recontactée », se souvient la patiente.
Pierre Dulong n’a aucun mal à conjuguer son activité d’exorciste à sa casquette de maire du bourg de 216 habitants, des fonctions qu’il occupe depuis quatre mandats. « Un bon maire doit être près de ses administrés, et vu ma profession, je suis obligé d’aimer les gens ! Et puis, peut-être que mon métier d’exorciste m’a aidé dans une certaine mesure à gagner la confiance des habitants, car ils voient que je ne suis pas un charlatan et que j’aide vraiment mes patients ».
L’édile prévient, toutefois : il ne peut pas tout guérir. « Les cancers, les maladies terminales, c’est là-haut ! Je ne peux pas tout guérir, tout de suite. Il faut être patient, et garder la foi. Surtout, la foi c’est le plus important », conclut Pierre Dulong.
Pierre Dulong a raconté son parcours insolite et son activité spirituelle dans un livre, La prière du guérisseur, écrit avec Patrick Caujolle et paru aux éditions Le Pas d’Oiseau.