Crimes d’héritages : l’affaire Belmon, l’architecte fratricideIstock
En 2011, l'architecte Matthias Belmon, 35 ans, tue sa sœur cadette Stéphan, 31 ans, en l'étranglant dans un hôtel particulier de Cahors (Lot). La fratrie se disputait depuis plusieurs mois concernant l'héritage copieux légué par leur père, exploitant d'un vignoble réputé et figure locale respectée. Récit d'un meurtre sanglant au milieu des vignes.
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Dans le Lot, la famille Belmon est bien connue. Le père, Christian, a bâti un véritable empire en transformant son village, Goujounac, en domaine viticole d’envergure, qui produit un Chardonnay réputé. Il exploitait également une carrière dans les environs. Avec sa femme, Françoise, ils ont eu deux enfants : l’aîné, Matthias, devenu architecte comme son ancien, et la cadette, Stéphan.

En 2010, le patriarche décède, laissant sa famille dans le désarroi. Ces deux enfants doivent désormais gérer l’entreprise familiale et le patrimoine colossal qui va avec.

Christian Belmon, qui se savait malade, avait pourtant tout prévu. Il lègue à sa fille la gestion de l’agence immobilière familiale, et à son fils, celle de la société de construction. Il leur confie également la gestion en commun de la carrière et du vignoble, replanté 18 ans plus tôt, et qui fait désormais la fierté du nom Belmon.

Et si tout semblait, en apparence, tenir la route, les difficultés se font rapidement sentir, notamment pour le fils Matthias.

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Marié et père de deux jeunes enfants, il peine à marcher dans les pas trop glorieux de son père, qui était même devenu maire du village de Goujounac, où son ombre plane toujours à chaque coin de rue qu’il a réaménagé.

Affaire Belmon : rivalité, vignoble et destin brisé

En proie à de nombreuses angoisses, Matthias Belmon devient insomniaque, et sombre dans une véritable détresse psychologique. Il n’arrive pas à communiquer avec sa petite sœur sur la gestion du chai familial, sujet de toutes ses obsessions.

Il lance plusieurs ultimatums à Stéphan, laissés sans réponse. Le père de famille de 35 ans se fixe alors une date « butoir » : le 17 octobre 2011, quelques jours avant l’anniversaire du décès de leur père, il doit régler son différend pour de bon.

Affaire Belmon : le meurtre de Stéphan

Ce matin-là, la gendarmerie de Cahors reçoit un appel. C’est Matthias Belmon, qui explique, visiblement paniqué : «J'ai fait une bêtise cette nuit. Je me suis accroché avec ma sœur. Je crois que je l'ai tuée...».

Il se rend ensuite chez sa mère, Françoise, et lui annonce son terrible geste, avant d’être interpellé et placé en garde à vue.

Aux enquêteurs, Matthias explique qu’il aurait dîné, la veille au soir, avec des amis à Cahors. En rentrant chez lui, impossible de dormir. Il fait les cent pas, et finalement, décide de retourner à Cahors, où vit sa sœur dans l’hôtel particulier familial. Au petit-matin, elle lui ouvre la porte ; Matthias veut discuter. Stéphan, qui n’aurait pas appréciée d’être réveillée si tôt, refuse : une dispute éclate. La sœur aurait alors mordu le doigt de son frère si fort qu’elle lui aurait presque arraché. Le père de famille débloque, et l’étrangle. Il utilise également un taser et une corde. Stéphan, 31 ans, décède dans un terrible enchaînement de violences.

À l’issue de sa garde à vue, Mattias Belmon est mis en examen pour « assassinat ». Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir prémédité son geste.

Dans le village de Goujounac, c’est le choc. La chute du petit prince héritier.

Affaire Belmon : une malédiction familiale ?

Le frère meurtrier assume son crime, mais il nie l’avoir prémédité. Il voulait seulement « contraindre » sa sœur au dialogue, assurant que cette dernière ne répondait à aucune de ses sollicitations quant à la gestion du vignoble. Ce jour-là, il se munit donc de la corde et du pistolet électrique dans le seul but de pouvoir « la maitriser ».

En tout cas, le profil de Matthias Belmon interpelle les enquêteurs. En prison, c’est un détenu « modèle », qui reste proche de ses enfants.

Au moment des faits, l’héritier traversait vraisemblablement une terrible dépression. Il se gavait aux anxiolytiques, aux somnifères et à l’alcool, obsédé à l’idée de ne pas être à la hauteur du défunt père.

Une première expertise psychiatrique conclura à l’altération de son discernement au moment des faits.

Le malheur coule-t-il dans les veines de la « dynastie » Belmon ? En 2015, le maire de Goujounac, Jacques Roux, confiait à la Dépêche :

« Je me suis élevé avec Christian. Je connais bien sa vie. Toutes les générations Belmon ont été marquées par des drames. L'un des frères de Christian est mort à 23 ans, victime d'un accident de tractopelle. Un cousin est décédé aussi très jeune d'une péritonite. D'autres membres de cette famille sont morts prématurément. La disparition de Christian d'abord, puis cette terrible affaire ont un peu tué la commune, car les Belmon sont des personnes d'influence qui ont beaucoup œuvré pour Goujounac ».

Affaire Belmon : le procès de l’héritier meurtrier

Le 16 mars 2015, deux ans et demi après le drame, le procès de Matthias Belmon pour « assassinat » s’ouvre devant les assises du Lot.

Françoise, la maman, est présente sur le banc des parties civiles, pour défendre la mémoire de sa fille. A la barre, elle a raconté la scène « ahurissante » où son fils est venu lui annoncer « froidement, comme s'il était sans vie » qu'il venait de tuer sa sœur Stéphan.

L’accusé, lui, se repent. « J’ai un sentiment de culpabilité envahissant, insupportable. Un sentiment de honte, de déchéance », explique l’architecte à la cour, avant de demander à nouveau « pardon » à sa mère.

Il décrit sa sœur comme « un peu chipie, très dynamique, avec du caractère. Ma petite sœur, je l'aimais. Elle était solaire !». Mais demeure incapable d’expliquer vraiment son geste. Il raconte que ce jour-là, il voulait seulement partager sa détresse avec Stéphan, et lui demander plus d’aide dans la gestion des biens : il ne pouvait plus supporter la pression. Pour les avocats des parties civiles, Matthias n’aurait tout simplement pas supporté que sa sœur lui fasse des reproches, lui dise « la vérité ».

« Je n’ai jamais voulu la tuer » a martelé l’accusé.

Au terme des débats, Matthias Belmon est pourtant reconnu coupable de l’assassinat de sa sœur, et condamné à 15 ans de réclusion criminelle.