De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
François Ecalle est ancien magistrat à la Cour des comptes, et a également été rapporteur général du rapport de situation et de perspective des finances publiques. Il a enseigné la politique économique à l’université Paris I et est aujourd'hui président de l’association Fipeco.
Planet : Le président de la République l'a dit : la prochaine réforme des retraites se devra de repousser l'âge de départ. Un constat que partagent l'intégralité des candidats à l'investiture des Républicains, mais que réfutent l'essentiel des figures de gauche. Qu'en pensez-vous ? Faut-il repousser l'âge de départ ?
François Ecalle : Je crois, en effet, qu’il est indispensable de repousser l’âge de départ à la retraite et ce pour au moins deux raisons. Il ne s’agit pas nécessairement de se contenter d’équilibrer les différents régimes de retraite, ainsi qu’on l’entend parfois. L’intérêt est réel, mais il aussi ailleurs. D’abord, en repoussant l’âge moyen de départ à la retraite, on augmente la densité de population active. Bien sûr, certains seniors se retrouveront au chômage à court terme. Mais sur le long terme, c’est une mesure qui s'avérerait positive, puisqu’elle permettrait la création d’emplois et donc de croissance.
"Oui, le report de l'âge de départ à la retraite est indispensable" - François Ecalle
La deuxième raison découle assez mécaniquement de la première : gonfler la croissance, cela signifie aussi augmenter les recettes publiques, donc la capacité théorique de l’Etat à financer (entre autres) le système de retraite. D’autant plus que ce dernier aurait mécaniquement à soutenir moins de retraités.
Qui souffrira le plus d'un report de l'âge de départ à la retraite ?
Le recul de l’âge moyen de départ peut être obtenu de différentes façons. Le premier moyen outil à disposition n’est autre que l’âge légal : en le relevant, on contraint les travailleurs à partir plus tard mais cela n’est pas sans incidence sur les salariés modestes ou peu qualifiés, dont la carrière commence parfois très tôt. L’autre option consiste à augmenter la durée de cotisation nécessaire pour prétendre à la cessation d’activité. Cette fois, on pénalise les actifs qui sont rentrés tardivement sur le marché du travail, du fait de leurs études par exemple.
Reporter l’âge moyen de départ serait utile mais il n’y a pas de procédure évidente pour y parvenir. Il s’agit d’un choix politique.
L'opinion publique est-elle prête à un report de l'âge de départ à la retraite ?
Planet : La précédente réforme défendue par le président de la République a fait l'objet d'importantes défiances. L'opinion publique vous semble-t-elle prête pour une telle mesure ? Comment rassurer les fatigués, convaincre les circonspects ?
François Ecalle : La réforme initialement proposée par le président de la République ne nourrissait pas exactement le même objectif. A l’origine, il n’était pas question de report de l’âge de départ à la retraite : il s’agissait alors de créer un système universel, dans lequel chaque euro cotisé ouvrirait les droits à la même prestation. La première réforme voulue par Emmanuel Macron visait donc à simplifier le système de retraite ainsi que la transition d’un secteur à un autre. Le chef de l’Etat voulait justement aligner les conditions de départ à la retraite entre le privé et le public.
"La retraite à 60 ans ne fait pas reculer le chômage" - François Ecalle
Pour autant, l’idée de recul de l’âge de départ s’est effectivement greffée à la réforme par la suite. Le gouvernement a voulu faire deux choses à la fois, toutes deux utiles et pertinentes à mon sens, mais a peut-être été trop ambitieux. Il s’agissait de deux transformations difficiles à mener et qui, de front, ont effectivement engendré un rejet. Aujourd’hui encore, je ne suis pas sûr que les Français soient prêts à accepter l’idée d’un recul de l’âge de départ à la retraite, même si c’était le seul point sur lequel portait la nouvelle réforme. Et pour cause ! Pendant près de deux ans, la logique du “quoi qu’il en coûte” a été à l'œuvre. Il y aurait de quoi penser que l’argent tombe facilement pour l’Etat. Un discours de redressement des comptes pourrait donc être mal reçu.
Pour autant, il ne faut pas se laisser tenter par les discours malthusiens que portent certains candidats. Un retour à la retraite à 60 ans ne permettrait pas de résoudre le problème du chômage, comme l’affirme Jean-Luc Mélenchon. Cela n’a jamais fonctionné, en témoignent les mesures d’encouragement à la retraite progressive entrées en vigueur dans tout ou partie des grands pays de l’OCDE. Aucune d’elle n’a eu d’effet sur le chômage.
Faudra-t-il toujours relever l'âge de départ à la retraite ?
Planet : Viendra-t-il un jour où il ne sera plus nécessaire de repousser l'âge de départ dans notre système ? Comment le réformer pour y parvenir, selon vous ?
François Ecalle : On ne recule pas l’âge de départ à la retraite par plaisir : il faut le faire avant tout parce que l’espérance de vie en bonne santé augmente. Tant que ce sera le cas, il sera probablement nécessaire de continuer à repousser la date moyenne de la cessation d’activité. Pour l’heure, il n’y a pas nécessairement besoin de le faire beaucoup pour assurer l’équilibre du régime, les perspectives financières n’étant objectivement pas dramatiques en l’état actuel des choses. Techniquement, nous pourrions même décider de ne pas le relever davantage. C’est un choix politique.
"Nous pourrions arrêter de relever l'âge de départ à la retraite : c'est un choix politique" - François Ecalle
Repousser l’âge de départ à la retraite, c’est un projet démographique de long terme. Cependant, pour garantir son équilibre, le système a besoin d’un apport en travailleurs constant. C’est la baisse du taux de natalité après le baby boom qui engendre la bosse que nous constatons aujourd’hui. Une fois qu’elle sera passée, il sera moins complexe de maintenir un ratio.