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Depuis le début du mois d’avril, plusieurs marques sont frappées par des contaminations alimentaires à très grande échelle. Les rappels massifs de pizzas Buitoni dues à E.coli (groupe Nestlé), de chocolats Kinder (Ferrero) en raison de salmonelles et de fromages Graindorge (Lactalis) contaminées à la listeria soulèvent des questions sur la sécurité alimentaire en France et en Europe. D’après un sondage Yougov commandé par le magazine de la grande consommation LSA, 53% des Français songent à changer leurs habitudes alimentaires suite aux affaires Buitoni et Kinder. Pour Simon Le Hello, responsable du service hygiène du CHU de Caen Normandie, “il y a une médiatisation potentielle de cet évènement”. Selon l’ancien responsable du Centre national de référence des Salmonelles à l'Institut Pasteur, “on peut multiplier les contrôles, le risque 0 est impossible à atteindre”.
Rappels produits : le système des auto-contrôles défaillant ?
“Les inspections ont pour rôle de mettre une pression positive pour que la sécurité sanitaire soit respectée, mais notre système de sécurité sanitaire, c’est ce message que je souhaite ressortir, est tel qu’on arrive quand même à détecter une centaine de cas à l’échelle européenne pour un produit qui est probablement consommé 100 ou 1000 fois plus. On est quand même dans une certaine sensibilité de détection”, assure le microbiologiste. Alors que Foodwatch dénonce le système d’auto-contrôle et la baisse des inspections due au manque d’effectifs, pour Simon Le Hello, “une histoire comme ça, c’est le meilleur des contrôles”. Le microbiologiste estime que les industriels “savent qu’ils ont tout intérêt à jouer le rôle d’auto-contrôle parce que c’est un effet boomerang” en termes de réputation et de perte économique. “Les auto-contrôles qui sont faits permettent pour la plupart du temps d’éviter la commercialisation des aliments contaminés”, rappelle-t-il.
Salmonelles, listeria, E.coli : quels produits sont les plus à risque ?
Le chocolat comme la pizza sont des matrices alimentaires totalement inattendues pour ce type de bactériesSimon Le Hello, responsable du service hygiène du CHU de Caen Normandie.
Ce qui est surprenant dans ces multiples scandales sanitaires, ce sont les produits qui ont fait l’objet des rappels. Pour E. coli et les salmonelles, les produits les plus à risque de contaminations ne sont pas les pizzas ou le chocolat. “On connaît les matrices alimentaires les plus pourvoyeuses de ces pathologies. Le chocolat comme la pizza sont des matrices alimentaires totalement inattendues pour ce type de bactéries. C’est une surprise ces pizzas parce qu’on n’est pas sur du steak haché ou du lait cru. S’il y a déjà eu des cas de contamination pour le chocolat aux États-Unis ou en Australie, ce n’est pas du tout ce qu’il y a de plus fréquent”, assure en effet Simon Le Hello, responsable du service hygiène du CHU de Caen Normandie. Pour le cas des rappels Buitoni, le spécialiste assure que “les pizzas c’est assez inhabituel, c’est même très inhabituel puisque habituellement la cuisson détruit ces bactéries donc on a pas de conséquences”.
E.coli : la charcuterie et le fromage au lait cru les plus ciblés
Le microbiologiste précise en effet que “E. Coli et les salmonelles sont des bactéries qui sont naturellement présentes dans les intestins des bovins”. Selon lui, E.coli est le plus souvent contenue “dans la charcuterie et dans les fromages au lait cru”, produits pour lesquels, “c’est un problème récurrent”. Il explique même qu’il existe “des auto-contrôles spécifiques et les fromagers sont quand même très très inspectés”. Le réservoir spécifique de ces E. Coli, “c’est donc la filière bovine majoritairement avec deux produits qui en sont issus : la chair, c’est-à-dire les steaks hachés qu’il faut cuire à cœur pour éviter les contaminations, et le lait cru, qui a toujours été associé à E. Coli”. Les pathologies liées à E. Coli sont le plus souvent associées aux fromages au lait cru dont le message de santé publique était de dire de ne pas donner de lait cru aux enfants de moins de 5 ans et aux femmes enceintes.
Alors que la France fait face à une vague de rappels de produits alimentaires et que la défiance des consommateurs est à son paroxysme, on peut se demander s’il y a véritablement plus de contaminations au niveau national ? “Il y a forcément une augmentation des cas car pour E. coli car on est chaque année à environ une centaine de cas répertoriés. Là, on est à une cinquantaine de cas, donc on est sur une augmentation de cas du fait de cette épidémie un peu particulière, mais si on regarde en nombre d’épidémies investiguées, cela n’a pas augmenté. On est sur un nombre assez stable pour les salmonelles, pour la listeria et les E. Coli”, tient à rassurer le Professeur Simon Le Hello.
Rappels alimentaires : un impact sur la réglementation future ?
Pour l’ancien responsable du Centre national de référence des Salmonelles à l'Institut Pasteur, c’est l’ampleur des rappels, la notoriété des marques et le fait que cela ait touché des enfants qui ont causé la surmédiatisation de ces affaires. Il estime que le fait que “la contamination soit cette fois importante et ait touché des enfants fait que l’histoire est sortie et une fois sortie et qu’on a un regard différent”. Concernant les rappels massifs chez Kinder, Simon Le Hello juge qu’il s‘agit d’un “autre événement atypique qui correspond à du chocolat d’une marque extrêmement commercialisée avec un industriel implanté et juste avant Pâques”. Selon lui , la troisième affaire des fromages “est donc liée aux deux autres puisque les cas de listeria monocytogenes il y en régulièrement, c’est pas une surprise”. “On a un regard exacerbé sur des évènements alors qu’il y a des contrôles toute l’année”, estime le microbiologiste. "Sur ces évènements-là, il y a toujours un avant-après. Quand l’enquête va se dérouler jusqu’au bout, on va comprendre l’origine et on va modifier la réglementation qui sera imposée aux futurs industriels", conclut-il.