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Une menace "invisible". La dégradation de la qualité de l’eau douce dans le monde alarme la Banque mondiale. Si la santé publique est en jeu, la santé économique des pays du globe l’est aussi. A Bellandur, en Inde, la dégradation de l’eau est évidente (des flammes et d’épaisses fumées sont sorties de la nappe d’eau), mais dans la majorité des cas, "la mauvaise qualité de l’eau est invisible et passe largement inaperçue". C’est ce qu’a indiqué Richard Damania, l’un des auteurs du rapport de la Banque mondiale intitulé "Qualité inconnue".
Comme le précise Le Figaro, en plus des risques de pénurie d’eau liée au réchauffement climatique, l’institution financière internationale entend alerter l’opinion sur une dimension aussi importante que la quantité, la qualité de l’eau.
Pollution de l’eau : une entrave à la croissance économique
"La détérioration de la qualité de l’eau entrave la croissance économique, réduit la production de denrées alimentaires et exacerbe la pauvreté dans de nombreux pays", précise le nouveau président de la Banque, David Malpass. Cela peut d’ailleurs coûter jusqu’à un tiers de la croissance économique potentielle dans les régions les plus touchées, affirme par ailleurs l’institution, dont l’une des missions est d’établir et de quantifier le lien entre dégradation de la qualité de l’eau et la croissance économique.
C’est pourquoi le président appelle l’ensemble des gouvernements "à prendre des mesures urgentes pour s’attaquer à la pollution de l’eau afin que les pays puissent croître plus vite d’une façon plus durable et équitable". Car, tous les territoires sont touchés.
Pollution de l’eau : un phénomène mondial
L’ensemble du monde est concerné : pays riches comme pays pauvres.
"Il est clair que le statut de pays à haut revenu n’immunise pas contre des problèmes de qualité de l’eau", peut-on lire dans le rapport.
"Non seulement une diminution de la pollution ne va pas de pair avec la croissance économique mais l’éventail de polluants tend à augmenter avec la prospérité d’un pays ", note le document.
Pour établir une photographie planétaire détaillée, la Banque mondiale, basée à Washington, a créé "la plus grande banque de données au monde sur la qualité de l’eau" : relevés sur le terrain via des stations de contrôle, des images satellite fournies par l’Agence spatiale européenne (ESA) ou encore des données reconstituées par la branche de l’intelligence artificielle (machine learning).
Pollution de l’eau : 80% des eaux usées non traitées
Hydrocarbures, déjections humaines, plastique, médicaments… Parmi ces polluants, les experts en ont retenu trois, afin de synthétiser au mieux selon eux l’état d’une ressource d’eau douce : soit l’azote, la "demande biochimique en oxygène" et de la salinité.
Selon les résultats obtenus, plus de 80% des eaux usées dans le monde (et jusqu’à 95 % dans certains pays en développement) sont déversées dans l’environnement sans être traitées. "Peu de pays en développement surveillent correctement la qualité de l’eau", regrettent également les auteurs. D’où "un besoin urgent pour d’importants investissements dans des usines de traitement des eaux, spécialement dans les régions très peuplées".
Pollution de l’eau : le danger de l’azote épinglé
La carte fait d’ailleurs apparaître en rouge l’Europe, au même titre que le Moyen-Orient ou la Chine. Cela s’explique par l’agriculture intensive et l’utilisation en masse d’engrais azotés qui a engendré un excès de nitrates dans les rivières, les lacs et les océans. Ils sont responsables d’une destruction de l’oxygène dans l’eau (hypoxie) et de l’apparition de zones mortes.
En Europe, "seuls trois pays, la Norvège, l’Islande et Malte ne dépassent pas les normes", pointe le rapport. En France, la prolifération d’algues vertes en Bretagne résulte de cette overdose de nitrates. Autre fait inquiétant, cela peut avoir un impact important sur la croissance des enfants (19% de retard). Les dépôts d’azote oxydé peuvent même leur être fatals, atteste le rapport : trop de nitrates ingérés via l’eau potable entraîne en effet un manque d’oxygène dans le sang (syndrome du bébé bleu).
"Une interprétation de ces conclusions suggère que les subventions pour financer les engrais entraînent des dommages pour la santé humaine qui sont aussi grands, peut-être même plus grands, que les bénéfices qu’ils apportent à l’agriculture", note l’étude.
Quant à la salinité, elle fait perdre chaque année de quoi nourrir 170 millions de personnes.
Pollution de l’eau : des microplastiques dans votre eau potable
80% des sources naturelles en contiennent. Les microplastiques sont aussi présents dans 81% des eaux du robinet municipales et dans 93% des eaux embouteillées, alerte la Banque mondiale.
Elle regrette par ailleurs le manque d’informations pour déterminer le seuil à partir duquel ces polluants sont inquiétants pour la santé.
Pour enrayer cette "crise invisible", la prévention est d’après la Banque, une priorité absolue. Elle compte aussi sur les technologies : des contrats "intelligents", basés sur la blockchain qui se moduleraient en fonction de la consommation de chacun. Des amendes automatiques pourraient même être distribuées en cas d’infraction aux règles sur la pollution.