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Maître Thomas Carbonnier est avocat associé au sein du Cabinet Equity Avocats. Il exerce en droit des affaires et en fiscalité, en plus d'enseigner le droit à Paris 5. Il a notamment contribué à la rédaction d'un livre blanc sur l'économie sociale et solidaire pour le Pôle Finance Innovation.
Planet.fr : Tous les ans, l'administration fiscale contrôle plusieurs centaines de milliers de dossiers. Comment choisit-elle qui doit être contrôlé et qui ne l'est pas ? Y a-t-il des profils qui reviennent plus que les autres ?
Thomas Carbonnier : Rappelons, pour commencer, que l'administration fiscale refuse de dévoiler clairement ses critères de sélection. Dès lors, si l'on connaît les grands principes supposés motiver les contrôles, il est difficile d'en faire une liste très précise.
Ensuite, il m'apparaît important de souligner qu'il n'existe pas qu'un seul type de contrôle. Tous ne sont d'ailleurs pas engagés pour les mêmes raisons.
Le contrôle le plus courant se fait généralement à distance de façon informatisée au moins partiellement. La plupart du temps, l'individu contrôlé ne sait pas qu'il l'est : l'administration fiscale recoupe les différentes infos qui émanent des organismes compétents et pour beaucoup de contribuables cela s'arrête là. En revanche, quand le fisc détecte un signal rouge, il y a intervention humaine.
Dans ce genre de cas, l'administration fiscale formule une "proposition de rectification contradictoire" - on ne parle plus de redressement fiscal, mais les sanctions sont comparables. C'est ce que fait le fisc quand il constate des irrégularités mais qu'il ne souhaite pas pour autant attaquer bille en tête. Les mots "proposition" et "contradictoire" sont importants : à ce stade là, il est encore possible de contester l'analyse de l'administration. Seul ou avec le conseil de son choix - le plus souvent des experts comptables ou des avocats fiscalistes, c'est selon -, on peut alors faire des observations, accepter la proposition ou la refuser.
Il importe cependant de rappeler qu'au final, c'est l'administration qui tranche. Selon la qualité du dossier présenté, elle peut décider de changer ou non sa position. Si elle le fait, il lui est possible d'amender son avis et d'opter soit pour un abandon total de la rectification, soit pour un partiel auquel cas il faudra encore payer. Si elle ne change pas de position, l'administration fiscale adresse alors une rectification qu'il n'est alors possible de contester que devant les tribunaux compétents, comme lorsqu'elle ne revoit que partiellement son analyse.
Enfin ; il existe un troisième type de contrôle, qui est généralement réservé aux cas qui intriguent le plus l'administration fiscale. Pour les particuliers, on parle alors d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP). Les fonctionnaires chargés de l'examen du dossier le passeront au peigne fin : c'est typiquement le genre de scénario où il est, pour eux, pertinent d'y passer du temps puisque c'est souvent l'occasion de récupérer de l'argent. Il ne faut pas être naïf : le mode de management de l'administration fiscale joue forcément un rôle dans la façon dont sont conduits les contrôles. Elle aussi se doit d'être rentable et si les agents ne le sont pas, ils stagnent professionnellement. C'est pour cela que l'on ne contrôle plus vraiment au petit bonheur la chance.
Contrôle fiscal : le hasard n'a pas tout à fait disparu
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus du tout de hasard : chaque année, l'administration sélectionne certains dossiers de façon aléatoire pour rappeler aux contribuables que tout le monde est concerné.
Du reste, deux critères évidents semblent attirer particulièrement l'administration fiscale : la nature - sont-ils complexes ou simples ? - et l'ampleur des revenus. Il semblerait assez peu logique de s'attarder sur le profil d'un smicard travaillant en grande surface, par exemple… En revanche, quiconque dépasse les 100 000 à 200 000 euros annuels fait quasi-systématiquement l'objet d'un contrôle sommaire, au moins à distance. Particulièrement quand on est chef d'entreprise, profession libérale ou que l'on affiche des revenus venus de l'étranger, par exemple.
Fraude, erreur : faites preuve de bonne foi
Planet.fr : Si l'on a fraudé – volontairement ou involontairement – que faut-il faire en cas de contrôle fiscal ? Vaut-il mieux essayer de contester ou au contraire faciliter le travail des contrôleurs ?
Thomas Carbonnier : C'est une question difficile parce que la réponse dépendra beaucoup du dossier. Certains dossiers peuvent se permettre d'apporter la contradiction à l'administration fiscale et, éventuellement, d'aller jusqu'à engager des procédures judiciaires. D'autres n'ont absolument aucun intérêt à le faire.
Si la fraude est facile à détecter, autant essayer de faire amende honorable et tenter de négocier les sanctions. Prenons un exemple assez classique : certains contribuables sont soumis à l'IFI parce que leur patrimoine immobilier excède le plafond fixé par la loi. Théoriquement, ils doivent donc déclarer les valeurs de marché de leurs biens. Il peut-être tentant de faire l'idiot et de prétendre que l'on a pas suivi l'évolution des tarifs. L'administration peut se montrer tolérante ; mais il ne faut pas non plus pousser le bouchon trop loin… Ils ne sont pas naïfs.
Si vous décidez de faire preuve de bonne foi et espérez négocier les éventuelles sanctions dont vous pourriez écoper, assurez-vous donc de payer tout de suite vos dettes et rubis sur l'ongle. L'administration fiscale ne cherche pas à enfoncer les contribuables qui ont fait une erreur manifeste, tant qu'ils cherchent à rentrer dans les clous.
Certains, je l'ai constaté, décident de jouer avec l'administration fiscale. Ils sont plus rares, car il faut pouvoir se le permettre. Encore une fois, tout dépendra du dossier ! Il n'y a pas vraiment de règle universelle en la matière, tout se fait au cas par cas.
Contrôle fiscal : ce qu'il ne faut jamais faire
Planet.fr : Y a-t-il des documents à rassembler et qu'il faudra fournir en cas de contrôle fiscal ?
Thomas Carbonnier : Là encore, la réponse varie considérablement en fonction de la situation du contribuable contrôlé. Cela dépendra également du type de contrôle, de la nature des revenus et de celle de l'individu ou de l'entité ciblée - s'agit-il d'une personne physique, d'une personne morale ?
Généralement, ce n'est pas l'aspect sur lequel il faut s'inquiéter : en cas de proposition de rectification contradictoire, l'administration fiscale détaille quels sont les documents qu'il faut lui remettre et prévient le contribuable en amont. Assurez-vous donc de donner au vérificateur les documents qu'il sollicite et, s'il n'y a pas d'irrégularité, tout devrait bien se passer.
Planet.fr :A l'inverse, si l'on a pas fraudé, y a-t-il des réflexes à éviter ?
Thomas Carbonnier : Bien que cela ne soit pas toujours simple, il est essentiel de faire preuve de respect et de ne jamais s'exciter. Je ne conseille pas de traiter le vérificateur comme un ami, mais il va de soi qu'entretenir une relation conflictuelle avec lui ne peut pas s'avérer positif. Pourtant, c'est la nature même des relations humaines, il faut parfois composer avec de grosses tensions.
D'une façon générale, tout comportement susceptible de nuire au vérificateur est à proscrire. Ne perdez pas de vue que l'opposition à un contrôle fiscal constitue un délit pénal autant qu'un délit fiscal… et que les sanctions peuvent être extrêmement violentes !