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- 1 - Projet Hercule : peut-on vraiment créer un marché de l’électricité sans que cela ne coûte plus cher aux consommateurs ?
- 2 - Projet Hercule : l’électricité va-t-elle coûter de plus en plus cher à l’avenir ?
- 3 - Dans quels cas faut-il privilégier le privé et dans quels cas faut-il préférer le public ?
Concurrence et privatisation. Faudra-t-il se remémorer Emmanuel Macron comme le fossoyeur du service public Français ? Certains diront peut-être que le chef de l’Etat a modernisé l’appareil économique hexagonal, d’autres qu’il a, en effet, joué sa partition en la matière. Dans un cas comme dans l’autre, rappelait Marianne dès 2019, il serait peu honnête de tenir le président pour seul responsable de la situation actuelle : la politique menée par l’exécutif poursuit une logique en vigueur depuis des années déjà. Et nos confrères de rappeler entre autres les privatisations, les coupes budgétaires et les fermetures de gares survenues ces trois dernières décennies…
Depuis deux ans, un chantier en particulier inquiète les syndicats. Il s’agit du projet Hercule, contre lequel milite notamment la CGT. Ce dernier, explique le site d’information spécialisé en sciences économiques et sociales Alternatives Économiques, prévoit la scission d’EDF en deux blocs distincts. Avec d’un côté la nationalisation du nucléaire et, de l’autre, l’introduction de davantage de concurrence dans le système de production, d’acheminement et de commercialisation de l’électricité. Un véritable "démantèlement" du service public de l'électricité, arguent les syndicalistes, qui répond notamment aux directives de Bruxelles, dont l’amour pour la concurrence n’a jamais été objet de secrets.
Projet Hercule : peut-on vraiment créer un marché de l’électricité sans que cela ne coûte plus cher aux consommateurs ?
Parfois, cela peut s’avérer problématique. Dangereux, même, pour les économies des consommateurs - ou la cause environnementale.
C’est précisément le cas aujourd’hui, explique l’économiste Alexandre Delaigue. "Nous avons fabriqué une concurrence artificielle et paradoxale par idéologie", résume-t-il d’entrée de jeu. "EDF est une entreprise publique, qui a bénéficié de gros investissements de l’Etat lesquels ont notamment permis la création du parc nucléaire. Aujourd’hui, elle se retrouve légalement contrainte à subventionner ses concurrents. Ce qui se fait actuellement au détriment des consommateurs", poursuit-il.
Une situation qui résulte de l’action conjointe d’une coalition hétéroclite, où l’on retrouve notamment les parangons de la mise en concurrence, certains écologistes anti-nucléaires qui y voyaient l’occasion de faire avancer des sociétés misant sur l’énergie renouvelable et des entrepreneurs prêts à tout pour s’attaquer à EDF, indique encore le professeur, qui enseigne à l’université de Lille. Et qui pourrait s’aggraver avec le projet Hercule…
Projet Hercule : l’électricité va-t-elle coûter de plus en plus cher à l’avenir ?
Le fait est, explique Alexandre Delaigue, que la concurrence n’est guère qu’un outil. Un outil efficace, quand il est bien utilisé. Ce qui n’est pas toujours le cas et implique de ne pas le faire par pure idéologie.
"La seule bonne attitude vis-à-vis de la concurrence c’est de bien comprendre quels sont ses avantages et quels sont ses inconvénients. La concurrence est efficace quand elle est possible dans un secteur, ce qui n’est pas automatique. Quand elle est pertinente, sa mise en place est justifiée : elle permet des innovations technologiques et une pression à la baisse sur les coûts. Sans oublier, bien sûr, une plus grande diversité des services", indique l’économiste qui prend l’exemple des Télécoms.
Dans le cadre d’EDF, la situation est plus complexe. Le monopole est naturel : c'est-à-dire qu’il serait trop coûteux - ou trop risqué ! - de reconstruire un équivalent au parc électro-nucléaire français. "Dans ce cas, un monopole peut lui aussi s’avérer utile, parce qu’il rend possible plusieurs éléments importants. Un service fourni de manière uniforme, une sécurité légale des tarifs, des investissements importants dus à une intervention publique forte...", détaille l’enseignant en sciences économiques.
Seulement, le cas de figure EDF-Hercule ressemble de plus en plus à un "monopole privé" : il s’agit d’une situation de monopole… qui n’est pas encadrée par le cadre réglementaire. Le pire des deux mondes, indique le professeur à l’Université de Lille. Et pourrait mécaniquement engendrer des hausses de prix.
Dans quels cas faut-il privilégier le privé et dans quels cas faut-il préférer le public ?
"Il n’y a pas de réponse unique. En URSS, la gestion de toute la chaîne agricole par le seul gouvernement produisait une nourriture de piètre qualité et de longues files d'attente devant les centres de distribution. Il s’agissait d’un secteur où le monopole ne se justifie pas nécessairement", rappelle Alexandre Delaigue, qui souligne que le privé n’est pas par essence supérieur au public - et inversement. Tout est question de contexte.
"En revanche, on pourrait aussi parler des établissements privés d’enseignement supérieurs, qui sont souvent très chers, engendrent régulièrement beaucoup de fraude et dont la qualité s’avère assez discutable. N’importe qui de pragmatique peut constater que dans ce cas présent le privé n’est pas plus performant que l’enseignement public", poursuit l’économiste.
Et lui de conclure : "Opter pour de la concurrence artificielle revient souvent à engendrer un monopole privé, dont les acteurs pourront extraire des rentes au détriment des consommateurs, parce que les pratiques ne seront pas régulées. On parle alors d'État dans l’État…"