Bracelet SOS téléassistanceIllustrationIstock
La téléassistance est indispensable aux personnes âgées isolées. Grâce à des moyens techniques simples, elle permet aux proches ou aux secours d'intervenir rapidement en cas d'incident à leur domicile. Mais ce dispositif pourtant ancien n'est toujours pas assez répandu. Brice Petaud, Directeur général de l'association Alerte, nous explique pourquoi.

"La principale raison du retard français en matière de téléassistance des personnes âgées à y souscrire, n'est pas son coût, qui peut être minime et qui est pris en charge en partie par différentes aides. Non, la principale raison est la réticence des intéressés qui ne veulent pas se sentir en situation de dépendance." Pourtant, beaucoup ont franchi le pas et ont eu la vie sauve grâce à ce dispositif. Entretien avec Brice Petaud, Directeur général de l'association Alerte (Association Lyonnaise d’Entraide et de Recours par Téléphone), pionnière en la matière.

Planet.fr : Pouvez-vous nous présenter l'association ?

Brice Petaud : L'association Alerte, à but non lucratif, a été fondée en 1977 par Charles Mérieux des laboratoires du même nom, Simone André, ancienne élue lyonnaise et Francisque Collomb, maire de la ville à l'époque. Nous avons donc près et de 50 ans d'existence et assurons aujourd'hui uniquement la prestation de téléassistance pour sécuriser les personnes à leur domicile. C'est un service de proximité puisque nous intervenons essentiellement sur le département du Rhône (et quelques autres limitrophes).

Planet.fr : Vous n'avez pas d'offre au niveau national ?

Brice Petaud : Si mais nous ne la mettons pas en avant. Encore une fois nous misons sur la proximité mais aussi le service. J'ai un service technique qui est présent 7 jours sur 7 avec des astreintes.Si jamais un dispositif tombe en panne, nos techniciens sont en mesure de se déplacer et de le remettre en fonction très rapidement sans surcoût supplémentaire. 

Planet.fr : Il y a plusieurs semaines, des rumeurs évoquaient la fin des aides à la téléassistance, voire à certaines prestations comme le portage des repas. Qu'en est-il ?

Brice Petaud : Le gouvernement a évoqué le sujet. Ils l'avaient déjà mis sur la table quelques années en arrière, en voulant supprimer la partie crédit d'impôt sur la téléassistance mais ça n'est pas passé. Je n'ai pas eu d'autres échos. Nous nous sommes battus avec l'Afrata (L'Association Française de Téléassistance, ndlr) pour lui faire entendre que cette suppression entraînerait la fin d'un avantage pour nos bénéficiaires et remettrait l'avenir de nos métiers en jeu. Et ils sont indispensables pour la pérennité du maintien à domicile. 

Une démarche indépendante des personnes âgées

Planet.fr : Quand on vous demande une prestation de téléassistance, qui fait la démarche : la personne âgée, ses proches ?

Brice Petaud : Elle vient de nos prescripteurs à 90 %. Soit l'entourage familial, soit les aidants. Cela peut aussi venir des CCAS (centres communaux d'action sociale, ndlr), de nos partenaires qui effectuent le portage de repas, des services de soins à domicile, des kinés...Tous les maillons de la chaîne.

Planet.fr : Le but principal de cette téléassistance reste de maintenir les personnes âgées le plus longtemps possible à domicile ?

Brice Petaud : Oui mais nous sommes aussi prestataires de service, on ne joue pas sur le même plan que les acteurs nationaux. On n'est pas "sur le prix". Notre priorité est la qualité de ce service et la proximité. Cela ne sert à rien de se développer au niveau national : la part du gâteau ne grossit pas pas mais les prestataires de service augmentent, il y a trop de concurrence. Nous sommes connus et reconnus pour cette qualité de service, notre réactivité et notre suivi.

Planet.fr : Par exemple ?

Brice Petaud : Quelqu'un nous appelle, le lendemain on installe le dispositif avec un technicien sur place capable de donner des explications claires sur le fonctionnement et tous les à-côtés.

L'acceptation du dispositif pose toujours problème

Planet.fr : Le dispositif justement. Est-il fiable, sujet aux pannes ?

Brice Petaud : C'est un dispositif qui fonctionne parfaitement, sans accroc. Le seul problème est le niveau d'acceptation des personnes qui vont l'utiliser. Aujourd"hui c'est notre plus gros combat. Les gens ne se sentent pas concernés. On essaye de leur expliquer que ce n'est pas parce qu'ils portent un bracelet qu'ils sont "vieux", "dépendants de", "en perte d'autonomie", "grabataires", etc.

Planet.fr : D'où vient cette réticence ?

Brice Petaud : C'est à mon avis aussi un problème de génération. Qui est habituée à ne pas demander d'aide et à se débrouiller seule. Les personnes âgées ne veulent pas appuyer sur le bouton car elles ne veulent pas déranger leurs enfants, qu'on appelle les pompiers, elles ne veulent pas dépendre de quelqu'un. Ou encore, au restaurant par exemple, une dame équipée va se demander ce qu'imaginent ses convives à propos du bracelet qu'elle porte et se focaliser dessus.

Planet.fr : Comment les convaincre ?

Brice Petaud : C'est comme une assurance. Moi je vais payer une assurance auto ou habitation toute ma vie mais j'espère ne jamais avoir à m'en servir. La téléassistance, c'est pareil. Quand on connaît les chiffres, concernant les chutes, d'une immobilisation au sol prolongée, même de 30 minutes, ils sont désastreux en terme de mortalité, mais aussi de rechutes ou d'hospitalisation. Je ne suis pas là pour faire peur ! Mais les conséquences peuvent être dramatiques. Malheureusement les gens nous disent "c'est très bien ce que vous faites, mais pour les autres et pas pour moi."

Planet.fr : Quel est le profil de ceux qui vous font confiance ?

Brice Petaud : Nos bénéficiaires ont une moyenne d'âge de 84 ans. On a une durée d'abonnement qui est beaucoup plus élevée que la moyenne nationale. Mais rares sont ceux qui viennent nous voir et nous disent "je veux me sécuriser le bras car j'ai un jardin, je bricole"... Non, ils font ça pour leurs enfants car ça rassure ces derniers.

Planet.fr : Les tarifs de vos abonnements varient selon la dépendance de la personne ?

Brice Petaud : Non pas du tout. Ce sont juste des offres différentes (même à but non lucratif, il faut bien que l'association vive). Nous avons une offre de base et une offre premium "tout compris." Nous avons aussi une offre "Liberté" de géolocalisation à l'extérieur et des offres personnalisées en fonction des handicaps, grâce à des capteurs, pour une personne tétraplégique par exemple. 

Planet.fr : Le téléphone sonne beaucoup chez Alerte France ?

Brice Petaud : 90 % des alertes que nous recevons sont des appels de "courtoisie", nous essayons de répondre à une certaine détresse morale.

Planet.fr : Quelles sont vos ambitions.?

Brice Petaud : Sur le Rhône, nous avons 3 600 adhérents. J'estime que ce n'est même pas 10 % de notre population cible. Cela va changer avec l'appétence pour la technologie de la génération précédente. Les mentalités vont évoluer. Si d'ici 5 ans nous arrivons à capter 30 % de notre public cible, un grand pas sera fait.

Planet.fr : Je vous laisse conclure 

Brice Petaud : Il faut que l'Etat arrête de vouloir faire des économies sur le maintien à domicile tout en demandant que les personnes restent le plus longtemps possible chez elles. Conserver les aides, c'est éviter que les gens se rendent à l'hôpital, ce qui est un gouffre financier.