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Couper le fil rouge mais ne surtout pas toucher au fil jaune, sous peine de tout faire exploser. Le désamorçage des bombes mis en scène dans les séries télé type Mac Gyver ou dans les films d’action a alimenté bien des fantasmes. En réalité, le quotidien comme le mode opératoire des démineurs est bien différent de ce que nous montre Hollywood. « Cependant, le film Démineurs de 2009 est très bien. Techniquement, je n’ai pas noté d’incohérences », relève Pascal M, dont c’est la profession depuis bientôt 20 ans, dans la caserne réservée à son service à quelques encablures de l’aéroport d’Orly. On compte en France environ 300 professionnels du déminage.
Rentré dans la police nationale durant les années 90, Pascal M. passe une formation en 1996 afin de devenir artificier – « j’étais attiré par l’aspect technique de la chose », explique t-il. A l’époque, en parallèle des services de déminage classiques, les artificiers de la police exerçaient sur les aéroports et intervenaient sur les colis suspects. Ils devaient également assurer la sécurité des chefs d’états en déplacement pour des évènements type G8 ou rassemblements de l’OTAN. « Alors que les démineurs, eux, neutralisaient des munitions de guerre, celles que l’on retrouve dans les champs, les bois ou ailleurs. Mais en 2004, ces deux services ont fusionné. Les artificiers de la police nationale ont été rattachés au service du déminage de la sécurité civile, pour ne former plus qu’une grande entité du déminage au sein du ministère de l’Intérieur », explique l’homme d’environ 45 ans, qui exerce à Orly, mais aussi sur quelques départements environnants.
Le Nord, l'Est et les aréoports
Son action se répartit donc entre ces trois fonctions précédemment citées. Si l’intervention sur les munitions de guerre, qui est la grande mission historique du déminage, concerne surtout les équipes situées dans le nord et l’est de la France, il n’est pas rare que Pascal M. doive s’y atteler. « Ce matériel de guerre est en général découvert par hasard lors de chantiers, parfois en pleine zone urbaine. Ca va du petit obus à la bombe d’aviation, relate t-il, devant l’impressionnante collection de munitions de guerre disposées sur les étagères de l’arrière salle de sa caserne. Tout d’abord, il nous faut identifier l’objet, ce qui n’est pas simple car certains datent de bientôt un siècle. » Heureusement, plusieurs démineurs sont d’anciens militaires reconvertis, avec une connaissance quasi encyclopédique du matériel de guerre. « Ensuite, nous transférons l’obus en lieu sûr, ou nous le détruisons sur place, lorsque l’objet n’est pas déplaçable, après avoir au préalable fait évacuer le quartier », ajoute-t-il.
De par son affectation géographique, l’essentiel de son activité se concentre bien évidemment au sein de l’aéroport d’Orly. Un aéroport de cette envergure déplore en effet pas moins de 600 colis suspects chaque année. Tous ne renferment pas des bombes ou du matériel terroriste, fort heureusement, mais nécessitent une intervention et des protocoles de sécurité précis. « La plupart sont des valises égarées ou abandonnées, parfois sciemment, par des gens qui ne veulent pas payer l’excédent bagage. La fréquence des interventions dépend de plusieurs paramètres. Il y a des jours où il ne se passe rien, et d’autres où on les multiplie, notamment pendant les vacances scolaires », précise Pascal M. Une fois le périmètre de sécurité établi, vient alors la base de toute intervention : la levée de doute, c’est à dire l’identification des éléments contenus dans le bagage. Pour ce faire, plusieurs moyens sont à disposition des membres de la sécurité civile, mais le recours le plus courant pour procéder à la détection du contenu concerne l’imagerie par moyens radioscopiques -« cela nous permet de savoir si nous avons affaire à de l’explosif classique, une menace bactériologique ou autre ». Pour approcher le colis suspect, qui sera ouvert ou détruit sur place selon le degré de dangerosité, le démineur s’équipe alors d’une combinaison de… 40 kilos. « C’est tellement lourd qu’on ne peut l’enfiler uniquement à l’aide de son binôme. Les démineurs travaillent toujours par deux. Il est donc essentiel d’avoir l’esprit d’équipe pour faire carrière dans le déminage », note Pascal M.
Déminage... à la cartouche d'eau
En toute logique, la nature de la deuxième partie de l’intervention découle directement de cette phase de levée de doute. Si le contenu détecté ne présente pas de danger, la valise est alors ouverte à distance via des explosifs, afin de confirmer que rien de dangereux ne se trouve à l’intérieur. C’est la raison pour laquelle une partie du contenu d’une valise abandonnée est en général endommagé après intervention des démineurs. « Le passager, s’il se manifeste, peut toutefois récupérer ses effets personnels non endommagés. Mais c’est très rare, car il serait pour le coup verbalisable : l’abandon de colis ayant entraîné une intervention de la sécurité civile est devenu quelque chose de répréhensible, et l’amende correspondante tourne autour de 450 euros… », précise l’officier. Dans le cas où l’imagerie magnétique aurait révélé un vrai danger, en revanche, le binôme procède à la destruction pure et du contenu du bagage. Par quel moyen ? Le plus fréquemment via un canon, préalablement placé à quelques centimètres de la cible, qui propulse une cartouche d’eau. « La vitesse de projection est tellement forte que l’eau broie tout sur son passage et neutralise le dispositif terroriste», expose Pascal M. Mais ce genre d’opérations reste de l’ordre de l’exceptionnel : dans toute la France, environ une cinquantaine de colis au contenu vraiment louche ont été répertoriés sur l’année 2013.