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Elle dresse un guide « Michelin » des maisons de retraite… Voici à quoi ressemble la fonction de « cliente mystère » dans les lieux d’accueil pour personnes âgées, qu’Elizabeth L. (nous avons volontairementmodifié son nom afin de préserver son anonymat) exerce depuis 2022 auprès de la plateforme PapyHappy*. Certes, cette travailleuse sociale indépendante, spécialiste du grand âge, ne va pas jusqu’à goûter les plats proposés dans les établissements qu’elle visite « en moyenne une fois par semaine ». Mais, elle use de toute son expérience pour passer au peigne fin les résidences pour les seniors, résidences autonomie et EHPAD dont elle pousse la porte en se faisant passer pour une proche de personne âgée à la recherche d’un lieu d’hébergement.
« Aux familles de faire le tri »
Très au fait des problématiques liées à la perte d’autonomie, Elizabeth L. dirige une entreprise dans le domaine du maintien à domicile. « Souvent, les assistantes sociales ou les associations spécialisées sont confrontées à un problème : elles peuvent donner des listes d’établissement du Conseil départemental, mais ensuite, c’est aux familles de faire le tri. Or elles ne sont pas formées », pour évaluer les qualités des établissements proposés, déplore-t-elle. Sans compter que ces choix, dans bien des cas, doivent être réalisés à la va-vite, pendant une hospitalisation par exemple. Difficile dans ces conditions de prendre le temps de visiter les lieux et de poser les bonnes questions à leurs responsables.
Elizabeth L. connaît d’autant mieux le sujet que certains de ses proches ont déjà été confrontés à ce choix cornélien : où installer ma grand-mère, ma tante, mon père afin qu’il ou elle vive la dernière partie de sa vie de la manière la plus heureuse et la plus digne sans dilapider leur patrimoine, lorsqu’ils en ont un ? « Il m’est arrivé de choisir un établissement pour ma propre grand-mère et j’ai d’ailleurs noté sa résidence », raconte-t-elle.
Un scénario plausible
Cette expérience personnelle se révèle d’autant plus précieuse lorsqu’il s’agit de préparer ses visites. Car, pour celles-ci, elle se passer pour une aidante. Elle explique : « J 'ai toujours un scénario préétabli. Je cherche une place – souvent pour ma grand-mère. J’adapte mon discours avec différents cas possibles, parce que l’on ne pose pas les mêmes questions pour un EHPAD que pour une résidence autonomie par exemple ».
Forte de ces profils types, elle choisit ensuite parmi la liste d’établissements à visiter par Papy Happy, Elizabeth fait son choix pour organiser des visites qu’elle peut aussi réaliser aussi au gré de ses envies et de ses déplacements. Ainsi, si elle privilégie une localisation proche de chez elle, il lui arrive également d’aller noter des établissements proches de ses lieux de villégiature.
L’épreuve du téléphone
« Le plus pénible, c'est d'arriver à joindre quelqu'un », confie-t-elle, « cela prend du temps parce que l’on ne me rappelle pas toujours et je n’ai pas les mêmes interlocuteurs à chaque fois. Il m’arrive de tomber sur des gardiens qui oublient de laisser des messages… Je me mets à la place des familles et je vois comme cela peut se révéler décourageant », constate-t-elle. Une fois passée cette épreuve fastidieuse, Elizabeth organise son déplacement.
Afin de concilier ce dernier avec son emploi du temps, elle choisit un plutôt des horaires matinaux « vers 10h30 ou 11h00 », pour des visites qui durent « une heure à une heure trente ». Ce choix de créneau implique certes des renoncements : « je rate les activités de l’après-midi », indique-t-elle ainsi. Plus difficile, dans ces conditions, de capter « l’ambiance » des lieux. Il est également très rare qu’elle puisse s’entretenir directement avec les résidents, par souci de discrétion.
En revanche, venir en fin de matinée lui permet de vérifier « comment les tables sont dressées ». Un élément essentiel à ses yeux, surtout dans les EHPAD où résident des personnes souffrant potentiellement de troubles de la mémoire pour lesquels les routines sont cruciales : « s’il n’y a pas de soins apportés à une table, cela pourrait leur poser problème », souligne-t-elle.
« L'accueil veut généralement tout dire pour la suite »
Lorsqu’elle arpente les couloirs d’un établissement d’accueil pour les seniors, Elizabeth est bien sûr toujours accompagnée, le plus souvent d’un membre de l’équipe de direction. Ce serait aussi le cas pour n’importe quelle personne souhaitant inscrire un proche dans un tel lieu. « Il m'est arrivé d’être accueillie par des gens qui n’y connaissaient rien. » Vite expédiées, ces visites-là donnent aussi des indications précieuses. Car « l'accueil veut généralement tout dire pour la suite », pointe Elizabeth.
Elle raconte ainsi l’une de ses expériences : « j'avais rendez-vous pour visiter un EHPAD. Lorsque j’arrive, l’équipe avait oublié mon rendez-vous. Ensuite, cela sentait fortement l'urine. Puis, près de la porte, presque dans l'entrée, des personnes âgées étaient installées pour regarder la télévision. Tout était dans la même veine, très confus… » Ces aspects n’ont rien de superficiel à ses yeux. « Si des odeurs d'urine par exemple restent très fortes, généralement, cela veut dire qu’il y a un problème avec le change régulier des résidents », pointe-t-elle.
La douche est-elle vraiment accessible ?
Toutes les visites ne se passent pas de la même manière bien sûr, mais à chaque fois la grille d’analyse et le mode opératoire restent semblables. L’une de ses missions consiste à prendre des photos, « en demandant la permission évidemment, afin de documenter la visite pour ma grand-mère », précise-t-elle. Elle s’attarde ainsi sur les communes, la façade, le jardin, et l’appartement… « Dans une salle de bain, je regarde s'il y a des barres d'appui, si la marche pour rentrer dans la douche n’est pas trop haute », indique-t-elle. Elle vérifie aussi s’il y a des volets roulants, un système d’air climatisé, des barres pour se déplacer dans les parties communes, etc.
Elizabeth se penche également sur la sécurité incendie, surtout dans les résidences où les habitants disposent de leur espace pour cuisiner. « S’il n’y a pas de détecteur de fumée – et il n’y en a pas dans toutes les résidences –, cela peut être dramatique, le temps d'évacuer tout le monde », en cas de départ de feu, signale-t-elle. Ses observations dépendent bien sûr du type d’établissement concerné. Elle dit ainsi se montrer particulièrement attentive « à la signalétique dans les EHPAD », car des personnes qui souffrent de troubles cognitifs doivent aussi pouvoir s’y repérer.
Questionner sans se faire repérer
Tout cela s’accompagne évidemment d’une série de questions très ciblées. Dans les EHPAD, la cliente mystère interrogera en particulier les équipes sur la présence ou non de médecins et la fréquence des rendez-vous. Toutes les questions financières sont étudiées à la loupe, en particulier la possibilité ou non de toucher des aides, telles que les APL et ce que comprennent exactement les tarifs d’hébergement.
Ses points d’attention concernent également le personnel, elle questionne ainsi ses interlocuteurs sur le nombre de soignants par résidents, l’ancienneté des équipes, etc. Ces questions très précises peuvent parfois mettre la puce à l’oreille des personnes les plus averties. Toutefois, Elizabeth L. n’aurait été repérée qu’une seule fois sur une trentaine de visites, par une « épouse de policier ». Le reste du temps pour passer inaperçue, elle s’efforce « d'en dire le moins possible », tout en justifiant sa curiosité par le fait, bien réel, « que je tiens beaucoup à ma grand-mère et que je souhaite un établissement qui soit vraiment adapté à ses besoins, et que, malgré le fait que je sois novice sur le sujet, je me suis quand même renseignée un peu avant. » En outre, elle effectue ses visites sans prendre de notes. « Je n’ai pas de carnet, je fais tout de tête », explique-t-elle. Ce n’est qu’une fois dans sa voiture qu’elle s’autorise à mettre par écrit ses impressions.
Et ces dernières constituent un aspect essentiel de sa démarche. Elle explique :
« J’essaie de transmettre un ressenti. Je pense avoir une capacité à percevoir les ambiances, j'arrive à sentir rapidement si l’on se sent bien ici ou si quelque chose qui me dérange. C'est de l'ordre de l'intuition ».
Elle s’appuie en outre sur une « expérience de plus de 10 ans » dans le domaine du grand âge pour démêler le bon grain de l’ivraie. « Il y a des établissements dans lesquels je me sens bien et d’autres, alors que le discours commercial est bien rodé, il y a quelque chose qui sonne faux et qui ne me plaît pas », ajoute-t-elle ainsi.
Dans l’ascenseur
Si elle ne va pas jusqu’à regarder dans les plateaux-repas ni ouvrir les placards, Elizabeth dispose, malgré tout, d’astuces pour obtenir des informations aussi pertinentes que possible. Par exemple, le passage dans l’ascenseur, devant les menus de la semaine qui y sont souvent placardés, est souvent l’occasion de poser des questions ciblées sur la nutrition, un aspect primordial de l’hébergement en maison de retraite. « J'en profite pour dire ‘ah oui, ça a l'air appétissant, ou pas trop, au contraire’ », raconte la visiteuse. C’est l’occasion d’embrayer sur des questions portant sur la présence ou non d’un ou une nutritionniste, d’un chef sur place ou bien d’achats auprès d’un prestataire extérieur, etc.
Certains passages lui ont laissé de très bonnes impressions, surtout en résidence service haut de gamme. « Plusieurs fois, je me suis dit : franchement, je signe tout de suite pour venir vivre ici avec des personnes âgées ! » Piscine, restauration, décoration soignée et moderne… les prestations peuvent parfois laisser rêveur. Évidemment, cela a un coût.
Une grille de notation
De retour chez elle, Elizabeth retranscrit ses notes, réalise une notation à l’aide de la grille fournie et y adjoint ses photos avant d’envoyer son rapport à Papy Happy. « J’ai carte blanche sur ce que je dis », assure-t-elle. Ses évaluations, effectuées après les visites, tiennent compte de ces différentes catégories. « Je peux noter 5 étoiles une résidence autonomie parce que je m'adapte. Si elle répond aux missions essentielles d'une résidence autonomie, cela mérite 5 étoiles », précise-t-elle. Après avoir surtout porté son attention sur cette catégorie, Elizabeth compte d’ailleurs se pencher davantage sur le cas des EHPAD.
En savoir plus sur le rôle de client mystère sur PapyHappy
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*NDLR. PapyHappy appartient au groupe New Planet Media, éditeur du site Planet.fr pour lequel cet article a été publié.