D-Day : l'histoire de Mathilde Carré dite "la chatte", sulfureuse espionne françaiseCapture Twitter Mathilde Carré
Entrée très tôt dans un réseau de Résistance, Mathilde Carré a travaillé comme agent double, entretenant des relations très étroites avec l'occupant. Voici son histoire.
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“J’ai été La Chatte”. C’est ainsi qu’en 1959, Mathilde Carré dite “Lily”, dite encore Victoire, intitule la première version de ses mémoires. Près de quinze ans après la fin de la guerre et six ans après sa libération anticipée de prison, celle qui fut l’une des figures les plus controversées de la Résistance française tente encore de se défendre. 

Une aventurière

Pourtant, c’est bien comme agent de l’Abwehr, le puissant organe de renseignement militaire allemand, qu’elle a trahi ses anciens camarades de Résistance, envoyant nombre d’entre eux en déportation après ses confidences à Hugo Bleicher, qui fut l’un de ses amants. 

Née en 1908 dans la Creuse, sous le nom de Mathilde Bélard, elle épouse Maurice Carré, enseignant, dans les années 1930. Ce dernier est muté en Algérie, alors française, et cette dernière s’y ennuie ferme. Alors, quand la guerre éclate, elle se trouve alors en métropole, elle saisit l’occasion de vivre une aventure, une vraie. 

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Un capitaine polonais et les premiers réseaux de résistance

Après avoir été brièvement infirmière, elle se trouve dans le sud de la France, à Toulouse. Dans la ville Rose, elle croise la route de Roman Czerniawski dit “Armand”, un officier polonais coincé sur le sol français après la déroute de l’armée en 1940 - pour rappel, la Pologne était alors alliée de la France et son gouvernent en exil y a fait étape avant de rejoindre Londres juste avant que Pétain signe l’Armistice avec l’Allemagne. 

Dans cette France alors en plein chaos de l’été 1040, et à l’instar d’autres officiers polonais, Czerniawski monte un réseau de renseignement, qui s’appuie rapidement sur les ressources locales : ce sont les tout premiers groupes de résistance qui voient alors le jour, baptisé plus tard sous le vocable “F2”. En dehors des historiens et des plus passionnés, rares sont ceux qui connaissent ce nom. Pourtant, sous ses divers intitulés “Interralié”, Marine, etc. ce groupe a maintenu ses activités de collecte d’information puis d’actions contre l’occupant jusqu’à la fin de la guerre. Il a résisté aux rafles, aux arrestations, aux dénonciations… et même à Mathilde Carré. 

Pionnière de la Résistance

Car que venait donc faire cette dernière dans cette histoire ? Après sa rencontre avec Czernawski, qui devient son amant, elle parvient à gagner Paris. Ensemble, ils parviennent à implanter une cellule de renseignement qui transmet des informations cruciales à Londres. De fait, et elle n’a bien sûr pas manqué de le mettre en avant, Mathilde Carré a effectivement eu un rôle dans la Résistance. 

En 1941, elle “infiltre” Vichy - où siège le gouvernement collaborationniste de Pétain. C’est là qu’elle aurait obtenu son surnom de “Chatte”, en raison d ’une habitude un peu particulière qu’elle aurait eu de se lover dans des fauteuils d’hôtel. A la fin de la même année, à la suite de sa propre arrestation, elle est “retournée” par l’Abwehr, en particulier l’un de ses officiers : Hugo Bleicher, qui serait, lui aussi devenu son amant. Ses dénonciations, qu’elle qualifie plus tard de “grande lâcheté”, commises pour sauver sa propre vie, aboutissent à des arrestations et des déportations. 

En 1941 toujours, elle parvient à atteindre Londres mais elle est rapidement arrêtée et emprisonnée, son double jeu ayant été démasqué. Parvenu Outre-Manche, “Armand”,  recruté par l’Intelligence Service, joue lui aussi double, voire triple jeu. Mais contrairement à son ancienne maîtresse, et en dépit d’enquêtes ultérieures, lui n’a pas connu le même sort qu’elle. 

Pour ses actes, Mathilde Carré a en effet été condamnée à mort en janvier 1949, sa peine fut ensuite commuée en prison à perpétuité, avant sa libération “pour raisons de santé” en 1954. 

“Vedette” oubliée

Quand elle fait paraître son livre, Mathilde Carré jouit encore d’une sorte de statut de “vedette”, le réalisateur Henri Decoin lui consacre deux films: “La Chatte” (1958) et “La Chatte sort ses griffes”. De son passé trouble, on ne retient alors que les côtés les plus sulfureux. Mais qui se souvient encore de la “Mata Hari” de la Deuxième Guerre mondiale ? Quelques médias, notamment France Inter, dans un épisode d’Affaires sensibles, lui consacrent désormais des enquêtes, pourtant, à l’instar d’autres figures féminines de la Seconde Guerre mondiale, Mathilde Carré est retombée dans l’anonymat. Après une conversion religieuse dans les années 1975, elle a disparu à 98 ans en 2007. 

Sources:

Carré, Mathilde Bélard On m’appelait la chatte. A. Michel, 1975.

Medrala, Jean. Les réseaux de renseignements franco-polonais, 1940-1944: Réseau F, marine, famille-Interallié, Réseau F2, étoile, PSW-Afrique, Enigma-équipe300, Suisse 3. L’Harmattan, 2005.

Archives nationales, recueil des dépositions faites au procès de La Chatte (Mathilde Carré)