"On ne peut pas promettre aux futurs retraités une réforme qui améliorera leurs conditions de départ"Istock
Les futurs retraités pourront-ils être aussi bien traités que leurs parents ? L'analyse de Florence Legros, économiste et directrice générale de l'ICN Business School.
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Florence Legros est économiste et directrice générale de l'ICN Business School. Elle a également écrit Les Retraites, publié aux éditions Le Cavalier Bleu.

Planet : Le gouvernement travaille depuis longtemps à l'élaboration d'une réforme des retraites. Il n'est pas le premier à s'être attardé sur le sujet. A l'approche d'une réforme - telle qu'initialement défendue par Emmanuel Macron ou plus proche d'une transformation paramétrique -, peut-on comprendre l'inquiétude des uns et des autres qui approchent de la cessation d'activité ? Seront-ils aussi bien traités que leurs aînés ?

Florence Legros : C’est une question complexe, et intéressante. Elle soulève celle de l’équité inter-générationnelle, qui est souvent mise de côté, au profit de celle portant sur l’équité intra-générationnelle ; c’est-à-dire entre retraités issus d’une même génération.

Les futurs retraités seront-ils aussi bien traités que ne le sont les retraités actuels ? La question se pose, d’autant plus au lendemain de la crise sanitaire qui s’est avérée moins douloureuse pour nos aînés, sur le plan financier. 

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En pratique, il est possible d’y répondre de plusieurs façons. La plupart du temps, on mesure l’équité intergénérationnelle sur la base d’une évolution en valeur absolue des pensions de retraites… Ce qui ne veut pas dire grand chose ; puisque cela ne prend pas en compte l’évolution des coûts au quotidien. Dans d’autres cas, on opte pour l’évolution du taux de remplacement - qui correspond à la part du dernier salaire repris pour constituer la pension de retraite. Parce que l’âge auquel on liquide ses droits est susceptible de radicalement transformer ce calcul, là encore on fait face à une évaluation tronquée.

"A chaque génération, il devient plus difficile d'obtenir une pension complète"

La troisième solution consiste donc à calculer des taux de rendements internes, lesquels devraient théoriquement correspondre au taux de croissance économique du pays. Si c’est bel et bien le cas, alors le niveau de vie des retraités reste stable d’une génération à l’autre. Hélas, les choses diffèrent généralement… Puisque la vraie question, c’est celle de l’accès à la retraite à taux plein. A chaque génération, il devient de plus en plus difficile d’obtenir une pension complète. Cela s’explique par l’allongement des études autant que par le chômage pré-retraite qui empoisonne la carrière de nombreux actifs. A partir de là, il apparaît évident que non, les générations n’ont pas droit à une égalité de traitement devant la retraite.

Comment ne pas comprendre, ensuite, que les Françaises et les Français qui travaillent encore - ou même qui viennent de partir en retraite ! - voient d’un mauvais oeil les pensionnés qui ont bénéficié de bons taux de rendement ; qui, financièrement, se sortent plutôt bien de la crise sanitaire et dont la situation ne semble pas si dramatique qu’elle pourrait l’être. L’inquiétude est logique...

"Une réforme systémique des retraites pourrait mettre un terme au sentiment d'inégalité"

Planet : Un nombre conséquent de Français s'inquiètent de leur retraite à venir. D'où vient le sentiment que chaque réforme des retraites va rendre leur situation plus complexe. Est-il justifié ?

Florence Legros : C’est vrai, ce sentiment n’est pas nouveau. Historiquement, on peut dire qu’il a toujours existé et que, d’une manière générale, toutes les générations ont l’impression que l’accès au taux plein est de plus en plus dur le temps passant. 

Cela s’explique notamment par les multiples réformes paramétriques de notre système de retraites, menées par la droite comme par la gauche. Cette dernière opte généralement pour un allongement de la durée de cotisation nécessaire pour accéder au taux plein quand la droite choisit de son côté de reculer l’âge de départ légal. Au final, les résultats se sont avérés assez similaires. Sans oublier, bien sûr, la désindexation des pensions.

"La réforme Macron ne suffira pas à corriger le problème des périodes d'inactivités" - Florence Legros

Les choses pourraient peut-être changer avec une réforme systémique et par point, capable donc de privilégier les carrières tordues. Ce type de modèle, comparable à celui qu’a défendu Emmanuel Macron, permettrait de remettre au centre tous les oubliés des précédentes réformes. Pour autant, il ne suffirait pas à régler les périodes d'inactivités que nous avons évoquées précédemment.

"On peut faire une bonne réforme des retraites en se concentrant sur d'autres aspects que la seule pension"

Planet : Est-il possible, en l'état actuel des ressources de la France et compte tenu des réalités économiques auxquelles la nation est confrontée, de sincèrement promettre une amélioration des conditions de retraite après une réforme à venir ?

Florence Legros : Il n’est évidemment pas possible, en l’état actuel des choses, de promettre aux futurs pensionnés une retraite au moins équivalente à celle de leurs aînés. Il ne faut pas se leurrer et penser que l’on peut demander une réforme pour obtenir beaucoup plus.

"Est-ce que l’idée que chaque euro cotisé va compter, qui permet de privilégier les carrières tordues et longues ne constitue pas un progrès ?" - Florence Legros

Cependant, cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas améliorer certains aspects de la situation actuelle. Est-ce qu’une meilleure retraite ne passe pas par une réforme qui rendrait notre système plus lisible ? Est-ce que l’idée que chaque euro cotisé va compter, qui permet de privilégier les carrières tordues et longues ne constitue pas un progrès ? C’est certainement le cas. Cela ne permet pas, cependant, d’imaginer une situation dans laquelle des futurs retraités, dont le parcours a été très linéaire, bénéficieraient d’une situation plus généreuse. Parce que ce n’est simplement pas possible pour l’instant.

Une telle réforme, visant à rendre possible un régime par points, ferait forcément des perdants. Les plus évidents seront ceux dont la carrière s’est déroulée, pour l’essentiel, dans une seule entreprise mais qui jouissent tout de même d’un taux de remplacement assez élevé. Ces gens-là seront lésés. C’est pour cela qu’une telle transformation est complexe à mener...