Réforme des retraites : quels sont les problèmes avec le projet de Macron ?Istock
Depuis des semaines, sinon des mois, le président de la République travaille à l'élaboration de sa réforme des retraites. Son nouveau projet n'a pas encore été dévoilé et pourtant, il fait déjà l'objet de maintes critiques.
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"Toutes les pistes" sont à l’étude, a fait savoir Olivier Véran. Le porte-parole du gouvernement, s’exprimait ce mercredi 14 septembre 2022 depuis le palais de l’Elysée au sujet de la réforme des retraites, qui intéresse beaucoup l’exécutif ces derniers temps. La question, a en effet fait savoir Emmanuel Macron, ne peut plus attendre. Mais de quoi parle-t-on au juste ? Éclipsée, ces derniers temps, par d’autres sujets jugés plus importants (comme la vague inflationniste qui frappe le pays), la réforme des retraites s’est fait discrète. Presque oubliée…

En l’état actuel, le projet du gouvernement apparaît encore très flou, comme a pu le reconnaître son porte-parole. Du moins, au moins en matière de forme ! Nul ne doute, à priori, des intentions d’Emmanuel Macron. Le président a fait savoir son ambition assez nettement, pendant la campagne présidentielle : il souhaite reporter progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 65 ans pour pousser les uns et les autres à travailler plus longtemps. C’est sur la manière de faire valider cette évolution que subsiste le doute.

Réforme des retraites : Macron va-t-il passer par le PLFSS ?

"Les modalités opérationnelles, à commencer par les modalités législatives, ne sont pas à ce jour connues"; a déclaré Olivier Véran à l’issue du conseil des ministres, avant d’affirmer que l’exécutif envisageait effectivement "la piste qui nous conduirait à proposer une réforme à travers le projet de loi de financement de la Sécurité sociale" (PLFSS), comme le rapporte Ouest-France. Une décision que d’aucuns, parmi les syndicats, jugent "brutale" , quand ils ne parlent tout simplement pas d’une "mesure cachée".

"Ce genre d’initiative sent, de fait, l'expédient politique. Difficile de ne pas y voir une volonté de ne pas débattre, puisque le budget compte parmi les textes de loi qui ne peuvent pas ne pas être voté. C’est une question pratique : il faut pouvoir payer les fonctionnaires l’année prochaine, par exemple", observe d’entrée de jeu Alexandre Delaigue, professeur agrégé d'économie-gestion à l’Université de Lille 1 et qui a aussi enseigné à l'académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Selon lui, ce genre de méthode relève du "coup politique" mais est tout à fait cohérent avec les institutions de la Vème République, sa constitution. "Elles ont été pensées pour laisser les coudées franches aux gouvernements, pas pour les contraindre", informe-t-il. 

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Emmanuel Macron pourrait donc aisément profiter d’une telle disposition. Est-ce à dire que ce serait une bonne idée ? Pas nécessairement…

Réforme des retraites : un problème démocratique ?

S’il peut paraître difficile de parler d’un problème démocratique quand la manœuvre envisagée est rendue possible par nos institutions, force est de constater qu’elle pourrait avoir du mal à passer auprès de la population. "Aujourd’hui, il y a une forte attente de participation commune, à laquelle l’exécutif a fait mine de vouloir répondre en évoquant des débats et la convocation de conventions collectives", rappelle en effet le chercheur. Et lui de poursuivre, sans appel : "Faire voter la réforme des retraites comme un simple amendement du PLFSS, c’est l’application d’un programme centré sur les obsessions d’un groupe restreint de hauts-fonctionnaires qui décident de tout au sommet. Ce n’est pas joué la carte du consensus, de l'apaisement ou renvoyer le message d’une politique changée".

C’est loin d’être le seul problème que pourrait engendrer le projet du président de la République. Le flou entretenu autour de ce dernier en est un à part entière, assène l’économiste, qui est catégorique : la question de la réforme des retraites revient trop souvent dans le débat public. "Il faut solder ce sujet, arrêter d’en parler tout le temps : entretenir le sujet de la sorte, laisser planer le spectre de réformes qui se succèdent les unes après les autres, c’est bloquer toute visibilité pour les Françaises et les Français qui ne savent jamais à quelle sauce ils seront mangés. Leur seule certitude c’est que la retraite dont ils bénéficieront demain est regardée dès aujourd’hui par la classe politique qui, de facto, y voit une marge de manoeuvre budgétaire potentielle", indique Alexandre Delaigue. "Nous avons besoin d’un système pérenne plutôt que d’un flou permanent, qui entretient l’angoisse et les mauvaises politiques", juge-t-il.

La réforme des retraites est-elle nécessaire ?

Une dernière question demeure : la réforme des retraites, telle que prônée par Emmanuel Macron, en tout cas, est-elle réellement nécessaire ? Le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR), dessine "une aggravation du déficit dans les années à venir, après un petit passage au vert", informe L’Express.

"La nécessité de la réforme des retraites se discute. Depuis très longtemps, elle est jugée nécessaire car elle répond d’une volonté de réduire la progression du poids des pensions dans le PIB. Aujourd’hui, il est d’environ 16% Sans intervention, il sera forcément amené à croître, compte tenu du vieillissement de la population française. Or, une série de rapports et d’études estiment qu’il faudrait plutôt le ramener à 14% pour éviter des problèmes économiques", rappelle d’abord Alexandre Delaigue… qui évoque cependant une autre raison, non moins politique.

"L’autre aspect, à ne surtout pas perdre de vue, c’est la dimension budgétaire. Les pensions de retraite constituent, aujourd’hui, le gros morceau dans lequel aller chercher des marges de manœuvre supplémentaires. L’éducation, la santé, la défense sont autant de domaines qu’il n’est plus possible de toucher. L’action budgétaire ne peut donc que se concentrer sur les retraites et cela ne traduit pas nécessairement une réflexion sociétale poussée sur ce que devrait être le bon âge de départ ou la place du travail", souligne encore l’enseignant-chercheur. Visiblement, il s’agit avant tout d’une question arithmétique…