Réforme des retraites : mais que manigance Emmanuel Macron ?AFP
Sur le papier, la réforme des retraites voulue par le président de la République à tout pour plaire. En pratique, si vous êtes sur le point de cesser de travailler, vous risquez clairement de ne pas vous y retrouver. 
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Réforme des retraites : un changement drastique en approche

Emmanuel Macron a fait de la retraite l’un de ses chantiers phares. Dans l’idée de stopper la dérive des taux de cotisation vieillesse, qui semble inhérente aux régimes par répartition, et pour tendre vers plus d’équité, le président de la République souhaite mettre en place un régime en compte notionnel. Une belle idée… mais complexe à mettre en place au quotidien, d’après Stéphane Hamayon, docteur en économie mais aussi directeur de la recherche économique et financière chez Harvest.

Réforme des retraites : ce qui change, concrètement

"Emmanuel Macron souhaite mettre en place un régime des retraites par comptes notionnels. C’est un modèle qui est déjà appliqué dans plusieurs pays d’Europe, notamment dans le nord ou en Italie", commence l’économiste. "En théorie, l’énorme majorité des économiste en convient, ce système de retraite, c’est la panacée", poursuit-il. Si tous les économistes ne sont pas d’accord, c’est notamment le cas d’Henri Sterdyniak des économistes atterrés, il s’agit selon lui d’un excellent modèle en théorie. "Le plus gros point fort de ce modèle, c’est qu’il est équitable, ce qui n’est pas le cas de notre système actuel. Avec cette réforme, un euro cotisé offrira le même retour sur investissement à tout le monde", insiste Stéphane Hamayon qui rappelle que ce n’est pas le cas aujourd’hui. "Les générations déjà la retraite ont disposé de conditions plus favorables. Notre système actuel est solidaire, comme tous les systèmes par répartition, mais pas équitable."

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Mécaniquement, un tel système change le modèle de calcul des pensions des retraites. "Dans un régime en compte notionnel, l’actif cumule un capital virtuel dans un compte à la fois virtuel et individuel. Lors du départ à la retraite, ce capital virtuel est transformé en pension qui sera versée sous forme de rente. Elle est calculée en fonction de l’espérance de vie de la génération à laquelle appartient l’assuré et de son âge effectif de départ à la retraite", résume l’expert. Ces deux paramètres sont utilisées pour définir le coefficient de conversion. "La pension correspond au capital virtuel multiplié par le coefficient de conversion." Le modèle est donc censé garantir un montant de pension proportionnel au capital virtuel accumulé jusqu’à la cessation d’activité.

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Toutefois, Stéphane Hamayon est clair : cette couverture, qui doit être plus universelle sera aussi moins généreuse. "Partir au même âge à la retraite entraînera forcément une baisse de la pension. Par ailleurs, compte tenu des déséquilibres dont ce système héritera et du vieillissement de la population, la pension d’un individu pourra être minorée en fonction du nombre d’années qu’il lui reste à vivre, selon les calculs de l’administration. C’est ainsi que s’équilibre le système". Le docteur en économie nuance, cependant. "Dans tous les cas, peu importe le régime, les pensions vont baisser. D’ici 20 à 30 ans, juste pour le secteur privé, notre système sera déficitaire de 40 milliards d’euros", indique-t-il.

C’est dans la fonction publique qu’on trouvera les grands perdants. "Les régimes spéciaux vont effectivement y perdre, parce qu’ils sont actuellement très privilégiés , en terme de retraites. Forcément, la mise en place de ce régime engendrera des résistances. Plus encore si on ne revoit pas le mode de gestion des carrières dans le public, puisque ces retraites servent souvent de compensation face aux inégalités rencontrés en tant qu’actif", explique Stéphane Hamayon.

Réforme des retraites : le compte notionnel, difficile à mettre en place ?

C’est peut-être le plus gros problème de cette réforme : il est très complexe à mettre en pratique. "Il y a plusieurs façon de faire, mais les deux présentent des obstacles. On peut procéder à la suédoise, avec une transition immédiate et donc brutale, mais je ne crois pas que ce soit possible en France. Il y a trop de régimes spéciaux pour tout uniformiser d’un coup", analyse le docteur en économie. L’autre solution est basée sur le modèle italien. "En Italie, la transformation a été plus progressive. Elle n’a d’abord concerné qu’une partie de la population, jusqu’à ce que le précédent système de retraite soit purgé. C’est moins drastique mais cela signifie maintenir et financer deux systèmes de retraite en parallèle pendant une trentaine d’année. Sans compter toutes la complexité que rencontreront potentiellement les assurés", détaille le directeur de recherche économique et financière d’Harvest. Les embûches sont nombreuses.

Réforme des retraites : pourquoi la mettre en place ?

Certes la mise en pratique de la réforme est complexe. Oui, elle implique potentiellement une couverture moins généreuse. Néanmoins, elle présente plusieurs intérêts pour Stéphane Hamayon, outre sa seule équité. "D’abord, elle permet de revenir à l’équilibre. Aujourd’hui, la France dépense près de 14% de son PIB en transferts retraite. C’est un véritable handicap, dû à la dérive des taux de cotisation."

En outre, une telle réforme permettrait de "mettre un terme aux multiples mesures prises depuis des années par les gouvernements successifs pour régler le problème des retraites". Ce régime, qui "promet un système pérenne" mettrait donc "fin aux incertitudes et aux angoisses générées par un contexte trop changeant". "On peut légitimement penser qu’il y aurait moins d’anticipation sur l’âge du départ à la retraite, ce qui aura un impact positif sur les pensions", indique Stéphane Hamayon.

Autre avantage : le compte virtuel et individuel. "Il est visible et réduit mécaniquement le sentiment de spoliation ressenti par les travailleurs quand les cotisations amputent leurs salaires bruts de 30%", précise l’économiste. Selon lui, cela permettrait de rendre plus facile les mesures politiques nécessitant de travailler sur lesdites cotisations, puisqu’elles seraient mieux comprises et mieux acceptées.

Pour les travailleurs du secteur privé, l'économiste est clair : pas de raison de s'inquiéter. "C'est une réforme qui offre le choix de partir plus tôt, avec une pension plus faible, pour mieux vivre sa vieillesse. Il n'y aura plus d'âge obligatoire de départ. Cela responsabilise les individus et les rend plus libres." Pour la fonction publique et les travailleurs issus de régimes spéciaux, c'est une autre paire de manche...