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Au 14 juin 2024, la Bourse de Paris a chuté de 6,3 % sur l'ensemble de la semaine. Elle a ainsi perdu tous ses gains de l'année. Depuis, experts et entreprises font une corrélation entre cette baisse drastique et l'annonce des élections législatives anticipées. Qu'en est-il vraiment ? Quelles seront les conséquences sur le long terme ? Antoine Andreani, analyste des Marchés Senior chez XTB, nous explique.
Chute de la Bourse de Paris : des raisons techniques
Planet. Pour éclairer nos lecteurs, pourriez-vous commencer par nous expliquer ce qu'est la Bourse de Paris et son fonctionnement ?
Antoine Andreani.La Bourse de Paris est caractérisée par le CAC 40. Il s'agit de l’indice phare qui regroupe les 40 plus grandes capitalisations françaises. Il comprend les entreprises LVMH en premier, Hermès, ou encore TotalEnergies. Cet indice est actuellement à 7 576 points et il a atteint un niveau très important de 8 270 points. Depuis qu'il est parvenu à ce niveau, il corrige (baisse du prix de l'indice, ndlr) et il pourrait continuer de le faire dans les semaines voire mois à venir.
Planet. La Bourse de Paris a connu une baisse importante la semaine du 10 juin 2024. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il s'est passé ?
A.A. La véritable raison, on n'en parle pas, mais elle est avant tout technique. Dans le monde de la finance, on a plusieurs instruments majeurs tels que les indices ou les commodités qui sont tradés (vendus ou achetés, ndlr) par les investisseurs institutionnels. 90 % des transactions sont générées par des robots traders, aussi appelés les institutionnels.
Ces derniers avaient ciblé un niveau dans le CAC 40 auquel ils vendraient et prendraient leurs profits. Cette valeur était de 8 270 points. En plus de ça, il y avait une résistance géométrique très forte atteinte en complément depuis le début de ce marché haussier. Il y avait donc deux raisons d’être vendeur dans le CAC 40. Cette valeur de 8 270 points a donc été atteinte en amont des élections et du risque politique en France.
Une baisse prolongée par l'annonce de la dissolution
Planet. Quel est le lien avec les élections législatives dans ce cas ?
A.A. Par la suite, il y a eu la dissolution de l’Assemblée nationale, suite aux élections européennes le 9 juin. On a donc eu un alignement entre la technique et les fondamentaux qui ont fait que le CAC 40 a décroché. L’incertitude politique alimente la baisse, mais cette baisse a d’abord été déclenchée par la technique et par les institutionnels. C’est fascinant quand les planètes s’alignent : d'un côté, vous avez les maths, la technique qui est validée de l'autre, par quelque chose de fondamental comme une élection qui génère "de l’incertitude".
Un prétexte pour justifier la chute de la Bourse
Planet. Qu'est-ce qui inquiète alors les investisseurs dans une potentielle victoire du Rassemblement national ou du nouveau Front populaire ?
A.A. Bonne question. En Italie, on a un petit peu un cas similaire avec le parti de Madame Meloni qui a accédé au pouvoir. Il n’y avait pas eu de conséquences comme celles qu’on est en train de connaître vis-à-vis du CAC 40, par exemple. En revanche, avec Syriza (parti politique de centre gauche en Grèce, ndlr) on a eu des conséquences différentes. On a des conditions différentes à chaque fois.
Je pense que, pour le RN, ça ne changerait pas grand chose. Ça peut paraître surprenant, mais les deux camps semblent "Macron-compatibles" : ils ne s’excluraient pas de la zone euro et ils soutiendraient l’Ukraine. J’ai l’impression que c’est un petit peu un prétexte pour faire baisser la Bourse. C’est un narratif. Moi, je suis très technique : je regarde ce que les institutionnels font dans leurs tradings. J’ai plus l’impression que c’est une histoire qu’on colle au prix plutôt que l’inverse.
Planet. Il n'y aurait donc pas de conséquences directes sur la Bourse après les élections législatives ?
A.A. Je ne pense pas. En revanche, sur le court terme, ça peut créer du remous. Par exemple, depuis la dissolution de l’Assemblée, les taux sur les obligations sont passés de 3,34 % à 3,15 %. On verra si on rebondit. Tous ces évènements seraient digérés. À nouveau, ce sont plutôt des prétextes pour expliquer pourquoi la Bourse baisse.
Planet. Lundi 17 juin 2024, l'Association française des entreprises privées (Afep) s'est inquiétée d'un risque majeur pour l'économie française. S'agit-il d'un leurre pour vous ?
A.A.Pour moi, oui. La nouvelle de la dissolution va être digérée, quelle que soit l’issue des élections législatives.
Un autre scénario qui fait de l'ombre aux législatives
Planet. Le 17 juin 2024, la Bourse de Paris a connu une légère hausse de 0,91 %. Est-ce un signe d'un retour à une certaine stabilité ?
A.A.Non, pas forcément. Peut-être qu'il y aura un mouvement à contre-tendance dans les semaines à venir, mais ce n’est même pas sûr. C’est juste un niveau de support dont ces fameux institutionnels ciblent pour des achats. On devrait continuer de baisser et de corriger plus amplement.
En plus de ça, il y a un paradoxe. Vous avez le CAC 40 qui décroche et les indices américains qui, eux, sont au zénith. Les indices américains "contrôlent" et ont une énorme influence sur le CAC 40. Par conséquent, le CAC 40 ne peut pas monter si les indices américains baissent. Ces instruments sont très corrélés.Si jamais les indices américains corrigent, le CAC 40 prendraient quelques coups de marteau sur la tête supplémentaires. Dans ce cas-là, on ne parlera plus des élections comme justification de la baisse du CAC 40 et on se détachera de cette explication.
Planet. Est-ce le scénario privilégié ?
A.A.Je crains ce scénario, parce qu’on arrive à des niveaux dans les indices américains propices à des prises de profits ou à des ventes. Si ça se retourne, ça peut faire très mal parce que la bourse américaine ne tient quasiment qu’à quelques actions de la Big Tech, notamment d’Apple. Ça peut être assez violent. Le CAC 40 peut aussi être amené avec tous ses actifs "majeurs".