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"Il ne s'est pas suicidé sur place pour épargner ceux qui restent", affirme Véronique Dupont de Ligonnès, la soeur de l'homme le plus recherché de France, dans les colonnes du magazine Society qui a enquêté sur la quintuple tuerie de Nantes. C'est également la conclusion à laquelle Guy Hugnet, journaliste d'investigation et auteur de Affaire Dupont de Ligonnès : La secte et l'assassin (Ed. L'Archipel) aboutit dans son livre. Sachant que Xavier Dupont de Ligonnès est soupçonné d'avoir tué sa femme et ses quatre enfants, qui aurait il souhaité épargner ? D'après le journaliste, il s'agit de ses deux sœurs, Véronique et Christine, et de sa mère, Geneviève, toutes les trois croyantes et opposées au suicide, un péché à leurs yeux. La Violette - c'est ainsi que sa mère se fait appeler - a fondé dans les années 70, "l'Eglise de Philadelphie", qualifiée par la Miviludes, l'organisme gouvernemental anti-secte, de "groupe de prière mystique" aux "dérives sectaires". Celle qui prétend être le réceptacle quotidien de messages divins, est obsédée par l'arrivée imminente de l'Apocalypse telle que prophétisée par Saint-Jean dans la Bible.
Dans son livre La secte et l'assassin, le journaliste montre à quel point la dimension religieuse est au coeur de cette effroyable tragédie familiale. Durant plusieurs mois avant les meurtres, Xavier passe des heures entières sur des forums de discussions catholiques. Il cherche, dit-il, à retrouver la foi. Et, aussitôt après avoir commis cette folie meurtrière, il se préoccupe de l'ascendance de Jésus ou de savoir si on peut communier en état de péché mortel. Rappelons également qu'il a posé des figurines religieuses sur le corps de sa femme et de ses enfants afin qu'elles les accompagnent dans leur dernier voyage. Le journaliste dresse un portrait détaillé de Xavier Dupont de Ligonnès et, tel un profiler, s'attarde longuement sur sa psychologie, imprégnée dès son plus jeune âge, de la paranoïa maternelle et de ses délires.
Xavier Dupont de Ligonnès : l'héritage religieux
Les parents de Xavier Dupont de Ligonnès, Hubert et Geneviève sont respectivement issus de la noblesse de province et de la haute bourgeoisie française. D'un côté, une ascendance religieuse – l'un de ses aïeux était un évêque de renom – et surtout militaire. De l'autre, une famille catholique très pieuse qui se rend en pèlerinage sur les lieux d'apparitions de la Vierge, s'intéresse aux visions des mystiques, attend la fin prochaine du monde. Xavier va hériter de ces obsessions religieuses, voire paranoïaques, familiales. Très tôt, il est féru de théologie, lit la Bible, Saint Thomas d'Aquin et Saint Augustin. Toute sa vie, ses écrits le démontrent, il sera tourmenté par la religion. Qu'il la vénère ou qu'il la rejette.
"Après la perte de la foi, en 1995, Xavier de Ligonnès rejette toute forme de religion et se déclare désormais adepte de la science et du rationalisme", décrypte Guy Hugnet. Selon Xavier, la science a démontré que les religions monothéistes s'appuient sur des affirmations erronées. Par exemple, la date de la création de la terre fixée à 4000 ans dans la Bible a été infirmée par la science. Néanmoins, à ses yeux, cela ne signifie pas que Dieu n'existe pas.
La religion : une malédiction pour les Dupont de Ligonnès ?
Ce que rejette Xavier, ce sont les dogmes, synonyme pour lui d'aveuglement. Il en parlait déjà en 2006, rappelle Le Parisien, qui cite certains de ses écrits. "Les cathos qui ne sont au courant de rien, ou qui ne veulent pas l'être, ne savent plus quels sont les maîtres mots de leur religion : ils ne retiennent que les mots 'amour', 'joie', 'partage' et 'charité'. Cela ne correspond pas à la réalité de leur religion mais à son aspect 'humanitaire'". Le principal suspect de la quintuple tuerie de Nantes ajoute : "Les vrais mots clés sont : 'malédiction' (l'espèce humaine a été maudite suite au pêché d'Adam et Eve), 'pénitence', 'sacrifice' (non pas au sens 'effort' mais 'expiation'), 'jugement' (dernier), 'purgatoire', 'punition' (infernale)". Dès lors, aux yeux de Xavier la religion devient une malédiction, sacrificielle et violente.
Cette vision des choses a-t-elle pu l'influencer jusqu'à commettre l'irréparable ? Pour le journaliste : "Il est difficile de l'affirmer à 100%. Pour autant, on ne peut pas non l'exclure. Car, il est possible que de Ligonnès ait intériorisé le mythe chrétien au point que, dans sa folie, il ait cherché à en reproduire les étapes." Le fait qu'il se soit renseigné, après les meurtres, sur la possibilité de communier en état de péché mortel semble plaider en ce sens.
Xavier Dupont de Ligonnès : l'obsession du temps jusqu'à la folie
Mais l'enquête de Guy Hugnet révèle que l'assassin présumé était hanté par une autre question : celle du temps. "Quelque soit le forum de discussion auquel il participe, il finit par revenir au problème du temps. Au point de se faire exclure du site à force de d'assommer ses interlocuteurs avec ce sujet", constate le journaliste. Dans son livre, il met à nu ce fil rouge souterrain, susceptible de jeter un autre éclairage sur les coulisses de cette tragédie familiale. En effet, selon les psychiatres, cette hantise du temps pourrait être le symptôme d'une grave dépression, de type mélancolique, laquelle peut pousser l'individu au suicide ou à l'homicide altruiste." Dans sa folie, il se tient à lui même le raisonnement suivant : "Je tue les miens pour leur épargner la souffrance que ma disparition leur infligerait ou parce que je considère qu'ils ne pourraient pas vivre sans moi."
Xavier de Ligonnès est allé d'illusions en désillusions et en trahisons dans sa vie. D'abord, sa mère le place sur un piédestal : il est un Élu de Dieu et à ce titre, il échappera à la catastrophe cosmique annoncée. Jusqu'à 35 ans, il se croit un destin exceptionnel, puis tout s'écroule. Il perd la foi, découvre que sa femme le trompe avec son meilleur ami, son père décède, un de ses amis proche se suicide en laissant femme et enfants derrière lui, lui-même est en échec sur tous les plans – conjugal, professionnel, financier. L'horizon est bouché, l'Apocalypse annoncée s'approche. La malédiction qui pesait sur le monde s'abat finalement sur lui et sa famille.