De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Le terme est à la mode : pervers narcissique. Il désigne pourtant un mode de fonctionnement bien particulier, dont les conséquences peuvent être dramatiques pour celui qui tombe dans le filet de ces individus à la psyché trouble.
Violences psychologiques et verbales, humiliations, isolement et maltraitance physique… Les pervers narcissiques sont, en somme, très doués pour « détruire », tout simplement, leurs victimes.
« Il n’y a pas de consensus sur la définition d’un pervers narcissique, nous explique Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne et auteure de « Pervers narcissique - comprendre l’emprise pour s’en libérer » (ed. Alpen), car ça n’est pas une pathologie mentale reconnue dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ».Elle poursuit :
Mais on peut le définir comme une personne qui a une très haute estime d’elle-même, souvent le fruit d’une carence affective dans l’enfance. Il a besoin de soumettre l’autre, de le mettre sous emprise, afin de s’assurer une forme d’ascendance pour installer et assoir dans le temps sa personnalité narcissique. - Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne
Le pervers narcissique n’a d’ailleurs pas de genre : il peut être une femme, ou un homme, précise la psychologue.
« La victime du pervers narcissique devient un objet »
Son trouble est la combinaison de deux ‘facteurs’ : le narcissisme, donc, mais aussi la perversion, le fait de jouir de la souffrance infligée à l’autre.
« Il ne peut pas être uniquement narcissique, il a besoin d’assujettir et de soumettre pour pouvoir continuer à fonctionner normalement. C’est comme une stratégie de survie, un mécanisme de défense chez lui, avance Johanna Rozenblum. Il doit projeter sa propre souffrance, ses névroses ou sa folie sur une personne qui va devenir un objet, réceptacle de tout ça, pour pouvoir, lui, s’extirper d’une forme de réalité qu’il n’est pas capable de voir, car cela ça le fragiliserait trop ».
Pervers narcissiques : comment ils choisissent leurs victimes
Cette fameuse personne que le pervers narcissique va soumettre n’est pas tout à fait choisie au hasard, selon la psychologue. « La victime n’a pas de profil type, mais le point commun entre toutes, c’est qu’elles traversent, au moment de leur rencontre avec le pervers narcissique, une période de vulnérabilité, soit émotionnelle, soit au travail, peu importe… Mais elles sont dans une situation plus ou moins fragile », note Johanna Rozenblum.
De prime abord, le pervers narcissique apparait, dès lors, comme le « sauveur », et parvient toujours à dissimuler ses intentions, sa vraie nature. « Le ou la pervers.e narcissique va utiliser un masque social, c’est un caméléon social, et il a une certaine intelligence émotionnelle qui lui permets de réaliser ce dont a besoin son interlocuteur », poursuit la psychologue.
Les victimes tombent donc, à ce moment-là, sur une personne providentielle, qui va avoir la bonne écouté, le bon regard, la bonne empathie, tout ce qu’elles attendaient pour enfin sortir la tête de l’eau. D’un côté, on a donc le pervers narcissique qui maîtrise très bien la psychologie, et sait repérer la personne au près de laquelle il va se rendre indispensable, et de l’autre, une personne en demande, notamment d’affection. - Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne
Le plongeon en avant dans la relation est quasi inéluctable.Mais le rêve se transforme bien souvent en cauchemar.
Pervers narcissiques : les trois étapes du piège
Car après avoir séduit leur proie, les pervers narcissiques vont refermer leur piège. Sans même qu’elle ne le réalise, la victime de ces individus est coincée dans un schéma destructeur, qui peut durer des années, car il est extrêmement difficile de s’en extirper.
Pour Johanna Rozenblum, il existe trois étapes dans la manipulation perverse et narcissique :
- La lune de miel. « Il y a une rencontre providentielle, qui va devenir rapidement une relation amoureuse. La personne nous promet monts et merveilles, elle est affable, de bonne humeur, elle maitrise très bien le verbe, c’est bon ami, le bon amant, le bon gendre, bref, la perfection incarnée. Presque un peu trop… Mais à ce moment-là, on se dit seulement qu’on a de la chance », précise la psychologue.
- La phase d’emprise : « Peu de temps après, on se rend compte progressivement que quelque chose n’est pas sain, mais on a du mal à définir quoi, note Johanna Rozenblum. Cette phase est caractérisée par l’isolement : la personne se retrouve isolée de son entourage, de ses amis, et n’entend finalement plus qu’un son de cloche, celui du conjoint pervers narcissique. Il sait comment on doit travailler, s’habiller, sortir… Il y a un assujettissement qui se met en place, on devient progressivement le pantin de cette personne-là, qui assure en plus qu’elle ne nous veut que du bien ».
- La descente aux enfers : « La victime n’a plus de libre abrite, elle ne pense plus par elle-même. Cette phase peut durer des décennies. On est sous emprise, on devient un objet, un réceptacle, on doit se soumettre au maximum pour éviter la violence du pervers narcissique, pourtant inéluctable. Il y a souvent des violences verbales voire physiques, des humiliations en tout genre… », décrit la psychologue clinicienne.
Se dégager d’une telle emprise est alors loin d’être une mince affaire. Il faut commencer par s’en rendre compte, précise Johanna Rozenblum. « C’est difficile car la personne a en quelque sorte le cerveau lavé, mais il faut qu’il y ait un début de conscientisation du mécanisme d’emprise qu’on a subi, et éviter de se bercer d’illusions : le pervers narcissique ne changera pas ». Elle assure par ailleurs que ces derniers se retrouvent rarement en thérapie, car eux-mêmes ne sont pas capables d’accepter qu’ils aient un trouble.
Pervers narcissiques : des personnalités plus « enclines » au crime ?
Mais alors, ces personnalités dangereuses sont-elles plus enclines à commettre l’impensable ? Pas forcément, argue Johanna Rozenblum, car elles sont aussi très intelligentes, et savent cultiver l’impunité.
Il convient ainsi de distinguer les pervers narcissiques des psychopathes.
Dans la santé mentale, la psychopathie est une psychose qui se trouve du côté extrême de la psychologie psychiatrique. Le pervers narcissique est plus fourbe, ça n’est pas un assassin. Il ne va pas commettre d’homicide, mais des violences physiques ou psychologiques plus difficiles à prouver devant la justice - Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne
Toutefois, le « PN » a quelques points communs avec le psychopathe. « On retrouve chez le psychopathe cette personnalité narcissique, ce délire de grandeur, cette perversion qui est aussi présente chez le pervers narcissique avec toutefois une différence en termes d’intensité. Il y a un défaut d’empathie, ces personnes sont imperméables à la souffrance », poursuit la spécialiste.
En revanche, on croise souvent le profil pervers narcissique chez certains justiciables, notamment les gourous de sectes, note Johanna Rozenblum. « Dans les dérives sectaires, on retrouve ce profil à tous les stades… On retrouve aussi les pervers narcissiques au commissariat pour de plus petits délits, notamment des violences conjugales, mais il est souvent très difficile pour les victimes de le prouver ». Pour la psychologue, il est important de faire reconnaitre, à ce titre, la violence psychologique, l’emprise, comme une vraie violence.
Aux victimes, elle donne un conseil : partir et se faire aider. Même si la fuite ressemble, très souvent, à un véritable parcours du combattant. « Il est très difficile de se sortir de cercle vicieux, car la victime ne voit pas la souffrance qu’elle subit, elle se sent même responsable, elle penser avoir un rôle dans ce qu’on lui reproche, donc elle est réfractaire à tout libre arbitre. C’est la conséquence de ce qu’a fait le manipulateur au moment de la phase d’emprise, lui ôter cette capacité de discernement, cet instinct de survie, et c’est cela qui les fait rester », avance-t-elle.
Pour Johanna Rozenblum, il est aussi important de garder, au fil de la relation, tous les éléments qui pourraient faire office de preuves : SMS, vocaux, appels, photos, marques de violence…
« Pervers narcissique - comprendre l’emprise pour s’en libérer » de Johanna Rozenblum est disponible aux éditons Alpen.
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