De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Il l’avait arrachée des griffes de la prostitution. Elle s’est battue pour lui à son tour... Jusqu'à la mort.
Dans les années 1980, Philippe Le Friant, juge de la police à Lyon, fait la rencontre de Marie Arbant, une prostituée d’à peine trente ans. Le magistrat s’occupait des affaires de prostitution dans la ville, et il avait à cœur de rencontrer les premières concernées.
« Moi aussi,je faisais le trottoir. Je voulais m'intégrer dans le paysage. Je voulais pouvoir discuter avec les filles et les "proxos" lyonnais pour mieux connaître le milieu et aider ces femmes à en finir avec le tapin », racontait le juge à Paris Match.
C’est lors de l’une de ses « rondes » qu’il croise Marie, place des Terreaux, où elle tapine. Son histoire le bouleverse. La jeune femme, maman de deux enfants placés à la Ddass, a été vendue à un proxénète par son époux qui cherchait à éponger ses dettes. Dès lors, le piège s’est refermé. Elle a commencé par exercer aux abords de la route nationale, comme toutes les débutantes, jonglant avec la pollution, le trafic intense et les clients malpolis. Et puis, elle s’est installée sur cette place de la ville Lumière, réservée aux « gagneuses ». A l’époque où elle rencontre le juge Le Friant, elle semble bien accrochée au trottoir.
Philippe le Friant, le juge et les filles de joie
Mais l’homme de loi ne se décourage pas. Cette femme l’émeut, il veut tout faire pour la sauver. Surtout que Marie, qui refuse parfois de travailler et disparait régulièrement pendant plusieurs jours, est régulièrement violentée par ses maquereaux.
Philippe Le Friant lui assure que la porte de son bureau lui sera toujours ouverte. Il revient sur la place tous les soirs, discute avec les filles de joie, et gagne leur confiance.
Mais la hiérarchie du magistrat ne voie pas cette proximité d’un très bon œil. En 1986, le juge est muté au tribunal pour enfants du Puy-en-Velay.
En 1987, dans son nouveau bureau, il reçoit un coup de téléphone inattendu. A l’autre bout du fil, Marie est en larmes. On a tenté de tirer sur elle à travers les vitres de son appartement. Elle a réchappé à la balle de justesse.
Marie Arbant et le juge Friant : le début de l’idylle
Le Friant, qui ne peut pas se déplacer, la prie de venir le rejoindre immédiatement. Marie monte dans sa voiture et file à toute allure, direction la Haute-Loire.
Sur place, le magistrat insiste pour qu’elle se présente aux urgences. Elle refuse. Philippe Le Friant ne veut pas pour autant la laisser rentrer seule à Lyon. Il propose alors de l’héberger chez lui, le temps qu’elle puisse se soigner.
Pendant trois semaine, le juge est aux petits soins pour Marie, et la jeune femme finit par aller mieux. Mais la hiérarchie du magistrat, mise au courant de la situation, lui enjoint de mettre un terme à cette colocation jugée scandaleuse.
Marie doit rentrer à Lyon, et retourner sur le trottoir. Mais Philippe Le Friant la pousse à prendre des cours de compatibilité sur son temps libre.
Mais quelques jours plus tard, le juge est convoqué devant la commission de discipline de sa profession. Marie l’apprend, et s’en veut terriblement au point d’avaler, un soir, une boîte de somnifères. Philippe accourt à l’hôpital, où elle est placée dans le coma. Quelques jours plus tard, la jeune femme finit par ouvrir les yeux.« Quoi qu'il arrive, je ne vous laisserai jamais tomber », lui murmure le magistrat.
Dans les semaines qui suivent, les deux s’échangent courriers et appels, à distance. Les sentiments naissent. Mais ni l’un, ni l’autre, n’osent encore faire le premier pas.
Marie Arbant et le juge Friant : la chute du magistrat
Sauf qu’en juin 1988, le magistrat est convoqué à la Chancellerie. Philippe le Friant est radié, et expulsé de son logement de fonction. Dévasté, son premier réflexe est d’appeler son amie, Marie Arbant. La jeune femme lui propose immédiatement de l’héberger. Elle l’accueille chez elle, et le soir même, les deux amis tombent dans les bras l’un de l’autre, et deviennent amants.
Mais Philippe doit désormais s’habituer à une vie bien différente. Pour survire, il enchaine les petits boulots. Marie, quant à elle, quitte enfin le trottoir et s’installe en tant que naturopathe.
« Nous sommes un faux couple, explique Marie. En général, un homme et une femme qui s'aiment se choisissent. Nous, nous ne nous sommes pas choisis. C'est la vie qui nous a rapprochés... Même si l'amour est là, vrai, qui s'inscrit dans le respect de l'autre », confiera Marie à Paris Match.
Le couple se bat pour que Philippe réintègre la magistrature. Mais ils se heurtent à de nombreux obstacles.
En 1990, à bout, Philippe fugue pendant huit mois. En son absence, Marie reçoit la visite d’un ancien rabatteur. Elle est violée et battue sans merci. Cette nuit-là, elle perd même l’usage d’un œil.
Mais son homme finit par revenir, et leur combat continue. Ils sont bientôt rejoints par plusieurs personnalités et divers comités de soutien. Sans effet. La Chancellerie refuse de plier.
Marie Arbant et le juge Friant : la mort par amour
« Puisque je suis le seul obstacle à la réintégration de Philippe Le Friant, je vais disparaître. Je vais me tirer une balle dans la tête », explique alors Marie en octobre 1995 dans un courrier adressé au garde des Sceaux. Le jour-même, à 17h30, le ministre de la Justice Jacques Toubon accepte la réintégration de Philippe Le Friant.
Mais dans les faits, en réalité, rien ne change, et les actions ne suivent pas.
Cette même année, Marie et Philippe, se séparent, mais restent soudés dans leur combat. De grèves de la faim en menaces de suicide, les deux amis tentent tout. Mais personne ne les écoute vraiment. « Aujourd'hui, nous ne sommes plus un couple et le problème n'est toujours pas réglé. C'est la preuve que cette histoire va au-delà de notre simple relation » confie encore Marie à Paris Match, à l’époque.
Usée jusqu’à la corde, Marie décède d’une embolie pulmonaire au début du mois d’octobre 1999.C’est le juge qui découvre son corps sans vie, chez elle.
« Elle a vraisemblablement absorbé des somnifères et de l'alcool. Elle était sortie très affaiblie de sa grève de la faim qui a duré trois semaines. Elle était très consciente de son fragile état de santé. Alors qu'elle soit morte avant l'effet des médicaments, d'une embolie, ne change pas grand-chose », raconte Philippe Le Friant dans les colonnes de Paris Match. Marie Arbant est morte par amour.
Ensemble, les deux amis avaient raconté leur combat dans in livre Le juge et la prostituée, disponible aux éditions N.1