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50 ans après, le crime de cette jeune fille de 15 ans reste impuni. Chaque décennie est marquée par une affaire criminelle, parfois plusieurs, et les années 1970 n’ont pas fait exception, avec la mort brutale de Brigitte Dewèvre, à Bruay-en-Artois. Le 6 avril 1972, deux enfants qui jouent sur un terrain vague découvrent le corps de cette adolescente, à moitié dénudé et dont le haut du corps est encerclé de sang. Malgré leur arrivée rapide sur place, les services de secours ne peuvent rien faire : elle est déjà morte depuis plusieurs heures. Selon les premiers éléments de l’enquête, elle a été frappée violemment derrière la tête puis mutilée à l’aide d’un objet tranchant, mais elle n’a pas été violée.
Affaire de Bruay-en-Artois : la jeune fille pauvre tuée par le bourgeois ?
Cette affaire est l’une des premières à connaître une couverture médiatique d’une grande ampleur. Si la presse écrite régionale la suit de près, elle fait aussi la Une de France-Soir ou du Nouveau Détective, qui la suivent dans les moindres détails. Ce meurtre d’une jeune fille sans historie n’est pas le premier ni le dernier de la région, mais il prend une toute autre tournure lors de l’instruction par un juge, Henri Pascal. Surnommé « le Petit juge » - quolibet dont héritera à son tour le juge Jean-Michel Lambert dans l’affaire Grégory 12 ans plus tard – il trouve son coupable après une semaine d’enquête.
Le 13 avril 1972, Pierre Leroy est inculpé pour homicide volontaire et est placé en détention. Tout est parti du témoignage de plusieurs personnes, qui affirment avoir aperçu son véhicule à proximité des lieux du meurtre. Il nie toute implication dans la mort de la jeune Brigitte, mais est victime d’une dénonciation bien plus sournoise, celle de la rumeur populaire. Notaire de province, non marié et habitué des bordels, Pierre Leroy est le coupable idéal pour de nombreuses personnes. Auditionné à cinq reprises, il a donné plusieurs versions différentes quant à son alibi et son emploi du temps n’est pas assez clair pour le magistrat. L’homme cherchait en réalité à protéger sa maîtresse, Monique Béghin-Mayeur, dont la propriété jouxte le terrain vague…
Affaire de Bruay-en-Artois : symbole de la lutte des classes
Le peu d’éléments pesant sur le notaire conduisent à sa libération trois mois plus tard, en juillet 1972. Si la justice a des doutes, la presse n’en a pas. Des journaux d’extrême-gauche s’empressent de qualifier cette affaire de lutte des classes, entre une jeune victime issue des milieux populaires (Brigitte Dewèvre vient d’une famille de mineurs) et un bourgeois de province, qualifié de « richissime ». La cause du peuple, journal de Jean-Paul Sartre, s’empare lui aussi de l’affaire et titre : « Et maintenant, ils massacrent nos enfants » avec, en sous-titre, « Il n’y a que les bourgeois pour avoir fait ça ».
Le drame vécu par la jeune fille est alors éclipsé par quelque chose qui dépasse le simple fait divers. Les mineurs de Bruay-en-Artois, qui vivent séparés des classes plus aisées, sont persuadés que Pierre Leroy est coupable, même sans preuve. Comme l’explique le site du ministère de la Justice, « un comité pour la vérité est créé et prend place sur le terrain vague. Des cahiers d’expression libre sont mis à disposition, dans lesquels les mineurs expriment leur haine du notaire ».
Les enquêteurs continuent de faire leur travail et les médecins légistes annoncent avoir découvert deux empreintes différentes sur le corps de la jeune victime. Pour le juge d’instruction comme pour les habitants, il ne fait aucun doute qu’il s’agit de la maîtresse du notaire.
Affaire de Bruay-en-Artois : la contre-enquête d'un ancien flic
Monique Béghin-Mayeur est accusée d’avoir tué la jeune femme avec son amant et est incarcérée. Le juge Henri Pascal est dessaisi de l’affaire au profit de Paris et c’est la police Judiciaire qui reprend l’ensemble du dossier. La maîtresse de Pierre Leroy est immédiatement libérée par le nouveau juge d’instruction, Jean Sablayrolles. Malgré ce nouveau regard apporté sur l’affaire, la résolution n’a jamais semblé aussi lointaine.
Pourtant, un an après les faits, un camarade de Brigitte Dewèvre s’accuse du meurtre, décrivant précisément ce qu’il aurait fait subir à la jeune fille ce soir-là. Seulement, ces descriptions ne correspondent pas aux conclusions des médecins légistes. Il finit par se rétracter et est acquitté lors de son procès devant le tribunal pour enfants de Paris.
Malgré la poursuite des investigations, la mort de la jeune adolescente n’est jamais élucidée. L’affaire a été classée en 1981 et le notaire – qui est resté le suspect principal pour la famille de la victime – est mort en 1997. Prescrite depuis 2005, elle restera sans coupable.
Un ancien policier, qui connaît bien les lieux, a mené une longue contre-enquête avec un des frères de la victime. Daniel Bourdon a publié son livre en 2020, dans lequel il retrace les faits et donne la parole à de nouveaux témoins. Cité par France Bleu, il raconte comment les personnes interrogées lui ont fait confiance, car il est lui aussi un enfant du pays. Son enquête l’a mené des terres du nord au sud de la France, où il a rencontré une octogénaire qui lui a révélé un secret : son ancien mari, facteur à Bruay-en-Artois, lui a confié le crime, ce qui a précipité leur départ à des centaines de kilomètres des lieux. Si l’ancien flic est persuadé d’avoir retrouvé le coupable, il ne peut désormais plus rien faire.