Séisme en Charente-Maritime : serait-il annonciateur de tremblements plus fréquents ? IllustrationIstock
INTERVIEW. Le vendredi 16 juin 2023, un séisme a frappé l'ouest de la France. Les experts continuent d'évaluer les dégâts causés par le tremblement. Mais risquerait-il de provoquer d'autres catastrophes naturelles ? Yann Klinger, sismologue et directeur de recherche au CNRS, nous répond.
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Le 16 juin 2023, un séisme a frappé l'ouest de la France. De nombreuses secousses ont été ressenties à plusieurs centaines de kilomètres autour du phénomène. Selon France Séisme, le tremblement de terre a été enregistré à 18h38. Son épicentre se situerait entre La Rochelle, en Charente-Maritime et Niort, dans les Deux-Sèvres. Les sismologues ont enregistré une magnitude supérieure à 5,3 sur l’échelle de Richter.

Depuis ce tremblement, les autorités locales et les pompiers de la région se sont mobilisés pour évaluer les dégâts. Le 26 juin dernier, la Caisse de réassurance a estimé entre 200 et 350 millions d’euros de dommages, selon les chiffres récoltés par Ouest-France. Ce chiffre peut être réévalué. Mais quelles conséquences pourraient avoir ce séisme ? Est-il annonciateur de tremblement de terre plus fréquent dans la région ? Yann Klinger, directeur de recherche au CNRS et responsable du groupe tectonique à l’Institut de Physique Globe de Paris (IPGP), nous éclaire.

Un séisme loin d'être original

Planet.D’après l'IPGP, la magnitude du séisme en Charente-Maritime a été évaluée entre 4,8 et 4,9. Peut-on considérer qu’il s’agit d’une magnitude importante ?

Yann Kingler. Oui, ça fait partie des magnitudes assez importantes, maisce n’est pas exceptionnel. Il fait tout de même partie des plus gros tremblements parmi les séismes des dix dernières années en France.

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Planet.Comment évaluez-vous l'intensité du tremblement de terre ?

Yann Klinger. Quand un tremblement de terre se produit, il y a des ondes dans le sol. Ce sont ces ondes qui permettent de localiser le tremblement de terre. On peut aussi évaluer l’énergie libérée par le tremblement de terre en regardant l’amplitude de ces ondes, puis on fait la mesure de cette énergie qui est transformée en magnitude. En somme, on se sert des ondes émises par le tremblement de terre.

Un séisme à forte raisonnance

Planet.D’après le rapport du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BGRM), 5 000 bâtiments ont été touchés. A quelle distance peuvent s’étendre les dégâts d’un séisme d’une telle magnitude ?

Yann Klinger. Ce qui est intéressant avec ce tremblement de terre est qu’il a été ressenti dans une zone assez étendue. On retrouve des témoignages de personnes qui l’ont même senti jusqu’à Paris, Lyon, ou au Havre. De ce point de vue-là, c’est un séisme qui a été fortement ressenti.

Mais pour les dégâts sur les bâtiments, il est beaucoup plus délicat de donner une réponse définitive car cela dépend de plusieurs paramètres. Par exemple, la profondeur à laquelle s’est produite le tremblement de terre joue un rôle. Dans ce cas, il a l’air assez superficiel.

Ensuite, il y a les effets de site : on a la source des vibrations, mais en fonction du lieu de construction des bâtiments, il n'y aura pas les mêmes dommages. Par exemple, s’ils sont construits sur un rocher très dur, très stable, cela n'aura pas le même effet que s’ils sont construits sur des alluvions dans une plaine .Il n’y a donc pas une distance canonique qu’on puisse donner.

Séisme en Charente-Maritime : les conséquences éventuelles

Planet.Pourrait-il provoquer d’autres catastrophes naturelles ?

Yann Klinger. Il y a eu des répliques. Cela participe à l’activité normale d’un séisme. On sait qu’un séisme est toujours suivi de sa corde de répliques. Du point de vue scientifique, ce n’est pas étonnant ou exceptionnel. Mais d’un point de vue de la population, c’est toujours inquiétant. Après un gros séisme, ce qui n’est pas courant en France, il y en aensuite des plus petits. Cela renforce le degré d’inquiétude chez les habitants. Néanmoins, les structures ont été fragilisées et le fait d’avoir des répliques de magnitude inférieure peut provoquer des dégâts sur les structures déjà endommagées.

Planet.Cet évènement est-il annonciateur d’une fréquence de séisme plus importante en France ?

Yann Klinger. Pas particulièrement. Ce séisme est un peu plus fort que la sismicité moyenne qu’on peut observer en France chaque année. Mais il n’est pas exceptionnel. On a des séismes de magnitude comparable assez régulièrement, toutes les quelques années. Particulièrement dans l’ouest français, on a une activité sismologique faible, mais constante au cours des années.

Planet.Pouvez-vous les anticiper ?

Yann Klinger. Non, on ne peut pas anticiper les tremblements de terre. On connaît les zones qui sont propices à l'occurence des tremblements de terre, ce qui permet un certain degré de préparation. Mais il faut garder en tête qu'on ne peut pas les prévoir.

Séisme en France : les zones les plus à risques

Planet.Quelles sont les régions les plus à risques ? Pour quelles raisons ?

Yann Klinger. Tout le sud-est de la France est concerné. Cette zone correspond à tout le front des Alpes, le Jura où il y avait une micro-sismicité assez régulière comme le séisme au Teil, en Ardèche, il y a deux ans ou celui d’Annecy en 1996. Vous avez donc régulièrement des séismes. Le front des Pyrénées est aussi concerné.

En somme, lorsque vous avez des reliefs, vous avez de la tectonique, car c’est intimement lié. Si vous avez de la tectonique même lente ou un peu ancienne, vous avez une activité sismologique. Pour la Bretagne, il s'agit d'une zone assez plate, mais il existait des montagnes auparavant. Il reste donc des cicatrices de cette chaîne de montagne qui a disparu mais qui s’active. C'est tout simplement un héritage d’une tectonique ancienne.

Planet.Y a-t-il des régions qui ne sont pas des zones sismiques en France et qui pourraient le devenir ?

Yann Klinger. Si on parle d’un point de vue de sismicité naturelle, ce ne sont pas des choses qui changent très rapidement. Le moteur de la sismicité naturelle est avant tout la tectonique des plaques. On parle de déplacement des croûtes continentales et océaniques sur des centaines de milliers d'années, voire des millions d’années. Les échelles de temps ne sont donc pas les nôtres.

En ce qui concerne la France métropolitaine, et même l’Europe occidentale, on connaît les zones qui concentrent le maximum de sismicité. Par conséquent, les zones qui en contiennent peu ne sont pas amenées à changer.

Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que notre fenêtre d’observation est quand même très courte. Cela ne fait pas très longtemps qu’on mesure les séismes en Europe. En prenant la fenêtre la plus large, donc celle des séismes instrumentaux (enregistrés avec un instrument), elle ne débute qu’au début du XXe siècle. Le plus gros séisme enregistré en France est d’une magnitude 6+ qui a eu lieu en 1909 dans le sud de la France. Mais on ne peut pas exclure qu’on ait des tremblements de terre plus forts qui se produisent. Mais l’intervalle de temps entre ces séismes peut être de plusieurs milliers d’années donc on manque de recul. On ne peut pas écarter l'idée que cela ne va pas se produire.