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Jean-Paul Betbeze est économiste. Six ans durant, il a été membre du Conseil d’analyse économique et a ainsi rédigé ou co-rédigé de nombreux rapports relatifs - entre autres sujets - à l’économie du travail. Professeur de faculté et Docteur d’État, il publie régulièrement sur son site, jpbetbeze.com.
Le Smic, un bon outil pour protéger les travailleurs précaires ?
Planet : Inflation oblige, la revalorisation du Smic a été revue à la hausse cette année. Parmi les économistes, le dispositif fait parfois débat. Ces hausses sont-elles utiles, où sont-elles immédiatement avalées par l'inflation ? Dès lors, peut-on dire du Smic qu'il protège les travailleurs précaires ?
Jean-Paul Betbeze : Le calcul du SMIC obéit à une règle simple et prévisible, en fonction, en interne des prix et en externe des taux, autrement dit de l’activité économique et des prix mondiaux, plus des politiques monétaires. Ce calcul sert ainsi à calibrer les anticipations des entrepreneurs et les négociations salariales. Il entre dans la logique des règles et normes qui balisent l’économie, derrière les 2% d’inflation de la BCE et devant la règle qui fixe le taux du Livret A. Mais à côté de ces règles, d’autres sont partout, en banque et finance notamment. Parler du SMIC, c’est donc d’abord parler des règles et de leur rôle dans l’économie d’aujourd’hui.
"Hausser le SMIC sans hausser plus la formation est plus dangereux que jamais" - Jean-Paul Betbeze
La vraie question n’est donc pas de savoir si l’inflation va rattraper le SMIC, dans le cadre des règles, mais de savoir ce que deviennent ceux qui le perçoivent. Avant, la réponse était facile : le SMIC était perçu pour faire avancer le salarié d’une part, pouvoir d’achat bien sûr et formation, et d’autre part pour faire investir en productivité, donc pour supprimer les bas salaires – basses qualifications. Aujourd’hui, avec la révolution technologique en cours, la formation est plus importante que jamais, même dans les métiers de contact, services à la personne, distribution, tourisme. Hausser le SMIC sans hausser plus la formation est plus dangereux que jamais.
Hausse du Smic et inflation : quels impacts sur l’emploi ?
Planet : Quels sont, très concrètement, les effets d'une hausse du Smic sur l'emploi ? Certains, à droite notamment, redoutent généralement une hausse du coût du travail. A gauche, d'autres prétendent que cela permet de rehausser progressivement tous les salaires. Compte tenu de l'inflation aujourd'hui constatée en France, une telle situation ne serait-elle pas problématique ?
Jean-Paul Betbeze : Il ne s’agit ni de droite ni de gauche, mais de voir l’aplatissement des emplois en cours dans les pays développés : de moins en moins d’emplois qualifiés et très qualifiés, de plus en plus d’emplois de base.
"Les salaires suivront avec la productivité" - Jean-Paul Betbeze
C’est la polarisation en cours, qui fait naître des carrières au SMIC ou proches du SMIC, un écrasement du centre de la pyramide des salaires, et de la classe moyenne. Le problème n’est pas l’inflation, mais l’aplatissement des carrières si la formation tout au long de la vie n’est pas là. Le rattrapage à demander est celui des formations : les salaires suivront, avec la productivité. Mais ce n’est pas ce que l’on entend !
Retraite et Smic : faut-il craindre la hausse ?
Planet : D'aucuns, dont Planet, alertent sur les effets d'une hausse du Smic sur les conditions de départ à la retraite (cotisations, notamment). Faut-il craindre d'autres effets, quand on est soi-même retraité ou à l'approche de la cessation d'activité ?
Jean-Paul Betbeze : Il n’y aura pas plus de croissance sans plus d’heures de travail plus qualifiées : le débat sur les retraites est purement quantitatif, alors que la retraite en France est par répartition… du PIB. Et quand on entend parler de hausses fortes du SMIC, de réduction du temps de travail ou d’années pour la retraite, on passe à côté de l’essentiel.
"Plaider la réduction du temps de travail ou d’années pour la retraite, c’est passer à côté de l’essentiel" - Jean-Paul Betbeze
Or cet essentiel est clair : nous vivons une troisième révolution industrielle qui est aussi géopolitique, quand nous vieillissons, qu’avance la Chine et que s’étend la population africaine. Notre réponse ne peut être que la formation, qui est ce qu’il y a de mieux contre l’inflation. Ne nous trompons pas de guerre !