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Les faits
Sans crier gare, Jean-Claude Romand a supprimé les êtres qu'il aimait le plus : sa femme, ses enfants et ses parents, avant de tenter de se suicider. Le brillant médecin, pour lequel il se fait passer depuis vingt ans, est en fait un escroc, qui préfère plutôt tuer sa famille et mourir que décevoir son entourage. Juste avant que sa double vie ne soit découverte, il commet le pire des crimes.
Lundi 11 janvier 1993, vers 4 heures 15 du matin, les pompiers de Prévessin-Moëns dans l'Ain, arrivent sur les lieux d'un incendie. Le domicile de la famille Romand est la proie des flammes. A l'intérieur de l'ancienne ferme, ils découvrent les corps carbonisés de Florence, la mère, qui présente des marques sur la tête et de ses deux enfants, Caroline et Antoine, âgés de sept et cinq ans. Jean-Claude Romand, lui, est toujours vivant mais plongé dans un profond coma.
Un second crime découvert
Le lendemain, les gendarmes se rendent au domicile des parents de Jean-Claude, à Clairvaux-les-Lacs dans le Jura, pour leur annoncer la triste nouvelle. Mais ils font, là encore, une macabre découverte : Aimé et Anne-Marie Romand ainsi que leur chien ont été assassinés un peu plus tôt.
Dans la BMW louée par Jean-Claude Romand, les enquêteurs tombent sur un message : "Un banal accident et une injustice peuvent provoquer la folie. Pardon". Il ne fait alors aucun doute que Jean-Claude Romand est l'auteur de la tuerie.
Comment cet homme, brillant médecin, admiré de tous, en est-il arrivé là ?
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La double vie du docteur
Dans le petit bourg de Prévessin-Moëns, à la frontière suisse, la famille Romand coule des jours heureux. Fils unique, né le 11 février 1954 à Lons-le-Saunier dans le département du Jura (Franche-Comté), Jean-Claude Romand étudie la médecine à Lyon dans les années 70. Sur les bancs de la fac, il rencontre Florence avec qui il se marie en 1980. Diplômé en 1983, le docteur devient chercheur à l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé), dont le siège est à Genève. Le couple donne naissance à deux enfants : Caroline en 1985 et Antoine en 1987.
A leur arrivée dans le pays de Gex en 1984, le jeune couple occupe un modeste appartement et possède une simple Volvo. Mais Jean-Claude compte bien asseoir sa situation de chercheur, profitant du salaire suisse, et, de l'autre côté de la frontière, de l'art de vivre français. Six ans plus tard, la famille emménage dans une villa. Jean-Claude roule en BMW. Les enfants sont inscrits dans le privé, à l'Institut Saint-Vincent. Florence donne des cours de catéchisme à Prévessin avec le père Michel, et assure quelques remplacements dans une pharmacie.
Jean-Claude est plutôt discret, "solide, silencieux, les pieds bien sur terre comme un sapin de son Jura" selon ses amis. Il est celui vers lequel on se tourne pour se confier sur un problème de santé, ou même ses problèmes financiers. Oui, en apparence, Jean-Claude Romand est un père, un mari, un fils, et même un ami, idéal. Mais les apparences sont trompeuses...
Une escroquerie organisée
En vérité, Jean-Claude Romand s'est construit une vie tissée de mensonges. Depuis vingt ans, il fait croire qu'il occupe un bureau de l'OMS à Genève. Faux. Il n'a même jamais eu son diplôme de médecin. Au total, il s'est inscrit douze fois en deuxième année, sans jamais s'être présenté à l'examen final. Pour parvenir à berner son entourage, issu comme lui du milieu médical, il est abonné à toutes les revues spécialisées, participe à des colloques et débat sur la culture cellulaire. Ses connaissances sont pointues et actualisées. Ses proches n'y voient que du feu.
Pour assurer son train de vie, Jean-Claude Romand fait l'escroc. Il fait croire à ses proches que, grâce à ses relations, il peut les enrichir en plaçant adroitement leurs économies. Dans un premier temps ses parents l'aident en lui versant un peu d'argent et en lui achetant un appartement qu'il revendra 300 000 francs. Puis son beau-père et ses oncles lui remettent diverses sommes en liquide pour qu'il les "place en Suisse". Pendant des années, il investit les grosses sommes qu'on lui prête dans des opérations prétendument fructueuses. En fait, il rembourse l'un avec l'argent de l'autre, une escroquerie que l'on appelle "cavalerie". En tout, ce sont près de millions de francs qui lui sont généreusement versés et qu'il dépense allègrement afin d'entretenir son mensonge.
Mais la réalité le rattrape. Malgré ses généreux "mécènes", ses comptes bancaires sont pour la première fois depuis dix ans débiteurs. Jean-Claude Romand est ruiné, la banque est sur son dos, les traites de la BMW sont rejetées, et ses amis, échaudés, ne lui confient plus d'argent. Certains commencent même à poser des questions. D'ici peu, le masque va tomber. Jean-Claude est inquiet. Il sait que bientôt le mensonge de sa vie va éclater et il ne le supporte pas. Que vont penser de lui sa femme, ses parents, ses enfants, et tous ses voisins ?
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Cinq cadavres, une sixième victime épargnée
En ce samedi 9 janvier 1993, les enfants regardent une cassette de dessins animés au salon. Jean-Claude Romand leur demande de monter à l'étage avec lui. Il va ensuite chercher sa carabine 22 long rifle et... les abat chacun leur tour sur leur lit. Du meurtre de sa femme, Jean-Claude Romand déclarera ne plus se souvenir de rien : "La dernière image, c'est Florence à côté de moi qui téléphonait. L'image suivante, c'est moi, le rouleau à pâtisserie dans la main et le sang... " dira-t-il à la présidente du tribunal.
Le lendemain, il se rend à Clairvaux-les-Lacs dans le Jura pour déjeuner chez ses parents Aimé et Anne-Marie. Jean-Claude attire son père au premier étage et le tue de deux balles de carabine avant de faire subir le même sort à sa mère. Enfin, il tue le chien, un labrador pour, selon lui, "l'envoyer auprès de sa fille" qui l'adorait.
Le docteur agresse son ex-maîtresse
Il prend alors la direction de Paris où il a rendez-vous avec Chantal, son ex-maîtresse qui veut récupérer les 900 000 francs qu'elle lui a prêtés plus tôt. Vers 23 heures, alors qu'il se trouve avec elle en forêt de Rambouillet, il fait mine de se perdre, arrête sa voiture pour chercher quelque chose dans le coffre, puis revient vers la jeune femme et l'asperge de gaz lacrymogène. Il la frappe ensuite au ventre avec une barre de fer. Chantal le supplie de la laisser en vie et lorsqu'elle prononce le nom de ses enfants il a comme un choc et s'arrête net. Il s'excuse et la raccompagne chez elle en lui racontant qu'il souffre d'une grave maladie.
De retour à Prévessins, ce dimanche soir, il erre longtemps dans la maison où gisent les cadavres de son épouse et de ses deux enfants. Il reçoit un coup de fil de sa maîtresse qui lui conseille de consulter un psychiatre au plus vite. Vers 22h, il verse de l'essence dans le grenier, sur le lit de ses enfants et sur celui de son épouse. Peu avant 4 heures du matin, il absorbe une forte dose de barbiturique, arrose les corps d'essence et incendie la ferme. En un week-end, la vie de Jean-Claude Romand part en fumée...
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Le procès
Le 25 juin 1996 débute le procès du faux médecin à la cour d'assises de l'Ain. Plutôt que de chercher à établir la responsabilité déjà évidente de Jean-Claude Romand dans ce drame, la cour tente de comprendre les véritables raisons de cet acte insensé. Pour seule explication de ce quintuple meurtre, Jean-Claude Romand invoquera "la peur de décevoir", affirmant avoir voulu épargner à sa famille la déception de découvrir qu'il n'était qu'un affabulateur.
Au terme des cinq jours de procès, personne ne peut expliquer les raisons d'une telle folie criminelle. Pas même les trois experts psychiatres qui concluent seulement à sa responsabilité au moment des faits.
Le mardi 2 juillet 1996, le verdict tombe. Sans surprise Jean-Claude Romand est condamné à la peine maximale : réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de vingt-deux ans.
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Epilogue
France-Soir. Cela s’est su et, maintenant, c’est le "doc" à qui on se confie".
Dans la prison de Saint-Maur (Indre), le "toubib" Romand est respecté. Petit à petit, les détenus viennent lui parler de leurs maux, et il commence à les conseiller. Toujours sur la pointe des pieds, en leur précisant : "je pense que vous avez telle maladie mais je ne suis pas sûr. Pourtant, il a toujours bon" raconte l'un de ses codétenus àUn temps bibliothécaire, Jean-Claude Romand travaille désormais à l’atelier son. Chaque jour, il restaure des documents pour l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Celui qui jadis était dévoré par la peur de décevoir semble aujourd'hui apaisé. Compte tenu de la détention préventive, Jean-Claude Romand est libérable depuis 2015. Sa demande de libération conditionnelle a été acceptée par la cour d'appel de Bourges ce jeudi 25 avril 2019.
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