Témoignage : "Je gagnais plus que mon conjoint et cela a sans doute nui à mon couple"IllustrationIstock
Clara*, une éditrice âgée de 47 ans, a été en couple pendant 3 ans avec un homme bien plus jeune qu'elle, qui n'avait pas d'emploi fixe. Si l'écart d'âge ne semblait pas être un problème dans leur relation, leur différence de rémunération a pu, inconsciemment, instaurer une forme de dépendance "non saine". Elle raconte.
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Une situation encore peu commune. De manière générale, les femmes gagnent, en moyenne, 23% de moins que les hommes, révèlent les données de l’Insee (2017). À temps de travail équivalent, elles perçoivent 16,8% de moins que leurs homologues masculins. Plus l’échelle des salaires est grande, plus les écarts sont importants. Toutefois, dans certains foyers, il arrive que la rémunération de la femme soit plus élevée. Clara*, éditrice de 47 ans, a été dans ce cas durant 3 ans, avec son ancien compagnon. Une situation pas toujours évidente à gérer au quotidien, qu'elle confie à Planet.

"J'ai rencontré Karim* lors de ma semaine de stage de dériveur au sein d’une école de voile dans le sud de la France. Il était mon moniteur. Il était plus jeune que moi et au départ, je ne l'avais absolument pas considéré et encore moins envisagé comme étant un homme pour moi. Je suis éditrice, et à l'époque, je vivais à Paris. Adorant bouger,  je partais souvent en week-end en Italie pour retrouver mes parents et mes amis. Passionnée de voile et de danse, la plupart de mon temps en dehors du travail était consacré à la pratique du sport, à la culture, aux voyages".

Une relation basée dès le départ sur un mensonge

"Quant à lui, il vivait dans le sud de la France, et travaillait comme moniteur et adjoint à la base de voile en CDD, d'avril à novembre, avec des semaines de 6 jours. Les soirées étaient dédiées aux sorties entre amis et à l'animation des soirées des stages de voile. Le restant de l'année, il rentrait au Maroc pour passer du temps avec ses parents et pour continuer la pratique de sa passion, la voile, au soleil. Il a souvent été avec des femmes plus âgées que lui. Pour moi, c'est l'énergie de la personne qui prime. Dans mes relations précédentes, l'âge était très variable, mais peut-être pas avec un écart aussi grand. Nous avions en effet 18 ans d'écart : j'avais 43 ans quand je l'ai rencontré et, au départ, il m'a menti en me disant qu'il en avait 27. Or, en réalité, il n’avait que 25 ans. Physiquement, cette différence n'était pas flagrante. Nous sommes tous les deux curieux et ouverts aux gens, sportifs et fêtards. C'est un jeune homme mature pour son âge et moi assez immature dans certains aspects."

*Les prénoms ont été modifiés

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"Je gagnais le double de son salaire et prenais plaisir à tout partager"

"Je partais du principe que, tant que je pouvais me le permettre, c'était formidable de tout partager avec l'homme que j'aimais. Si je gagnais le double de son salaire, l'argent n'était pas tabou au sein de notre couple. J'avais une rémunération correcte (environ 3000 euros par mois) et malgré quelques crédits, je pouvais me permettre une vie joyeuse avec des "sacrifices" choisis."

"Je partais du principe que tant que je pouvais me le permettre c'était formidable de partager tout avec l'homme que j'aimais. C'était ma priorité : partager joyeusement la vie à deux, et un jour il aurait gagné sa vie et aurait pu à son tour m'inviter. Cela me paraissait normal et juste et c'est encore le cas. De son côté, il était assez économe, car il n'a jamais beaucoup gagné et je l'admirais pour cela. Car pour ma part, je suis foncièrement dépensière. Je l’étais d’ailleurs aussi lorsque je gagnais très mal ma vie. J'aime partager, notamment les voyages, les activités, les soirées... C'est un grand défaut, car je gère très mal."

"Il est resté au chômage pendant un an et demi ou deux ans environ"

"Karim était régulièrement sans emploi, car son métier est fondamentalement saisonnier. Mais pendant notre histoire, il est resté au chômage pendant 1,5/2 ans environ. Cette situation le pesait. Toutefois, mon job ne le mettait en aucun cas mal à l'aise, au contraire, il était fier et aimait mes obligations de représentation à Paris et partout en Europe. Il aimait m'accompagner et rencontrer plein de personnes de la culture, des artistes, des écrivains... Il était très curieux et enthousiaste. Moi, j'étais très heureuse de cet échange culturel, social, générationnel. J'étais admirative de son aisance à socialiser, à sa présence. Et quand nous allions dans le sud, j'étais très heureuse de retrouver ses amis, d'un univers différent du mien d'un point de vue professionnel, mais très proche émotionnellement. C'était donc un échange parfait et notre relation me paraissait belle et forte, précisément parce qu'elle dépassait tous les a priori et les barrières. Car Karim n'a pas fait d'études au-delà de la seconde, je crois, et ne lisait pas beaucoup. Mais il était très curieux et se documentait. Ses parents sont des personnes cultivées et ouvertes."

"L’argent a instauré une forme de dépendance pas très saine"

" L'argent n'a jamais été une source de dispute entre nous. Ni de jalousie, ni même de discussion. Je ne partageais pas mes inquiétudes financières avec lui. Je l'aidais, je trouvais ça normal et je pensais que mes inquiétudes ne regardaient que moi. C'est une erreur de ma part."

"Je ne pense pas qu’il profitait de moi, mais j’ose imaginer que ça ne devait pas être simple, ni valorisant pour lui sur le long terme."

"C’était une forme de dépendance pas très saine pour nous deux. D’ailleurs, mes proches voyaient le pan financier de notre relation peu sain et pensaient qu'il en profitait un peu. Or, je n’'y voyais que des a priori de leur part."

"Cette situation l’a-t-elle poussé à la dépression ?"

"Notre relation s'est dégradée quand Karim a commencé à être dépressif. Je le poussais sans cesse à trouver un nouveau job, y compris via mon réseau. Je faisais des recherches, je le poussais à mettre en place des projets professionnels qui lui tenaient à cœur et que je trouvais vraiment intéressants et prometteurs, mais il ne voulait jamais aller jusqu'au bout. C'était affreux de le voir comme ça. Je le savais sombre parfois, mais là, c'était plus compliqué. D’autant qu’il ne voulait pas en parler, ni à moi, ni à ses amis, ni à un professionnel. Et plus je tentais de l'aider et le soutenir, plus j'avais le sentiment que nous nous éloignions."

"Si je ne pensais pas qu’il souffrait d’un sentiment d’infériorité non avoué au vu de sa confiance en lui, avec du recul, cette hypothèse est sans doute plausible. L’argent n’a pas été la cause réelle de notre rupture, mais ce déséquilibre n’a pas contribué à retrouver une stabilité. Cela a donc joué, en partie."