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Philippe Crevel est économiste, spécialiste des questions macroéconomiques. Il a fondé Lorello Ecodata, société d'études et de stratégies économiques, et dirige le Cercle de l'Epargne. Il s'agit d'un centre d'études et d'information consacré à l'épargne et à la retraite.
Planet : En préparation de leur cessation d'activité, les actifs peuvent racheter des trimestres de retraite, qui leur permettront de compléter le montant final de leur pension. Cette opération, dont la pertinence est parfois discutée, est-elle aussi utile à un cadre supérieur qu'à un ouvrier ? De tous les corps de métiers, qui sont celles et ceux qui profitent le plus ?
Philippe Crevel : Le système actuel de retraites permet de racheter des trimestres au titre des années d'études supérieures et des années incomplètes, c'est-à dire des années où l'activité professionnelle n'a pas permis de valider quatre trimestres. Ces trimestres achetés s'ajoutent aux trimestres cotisés, aux trimestres assimilés (chômage, maternité…) ainsi que ceux accordés (pour la maternité ou au titre de la pénibilité). D'autres dispositifs de rachats de trimestres existent comme le rachat au titre des activités salariées exercées à l'étranger, des périodes de stage d'étude, des cotisations arriérées ou encore le cas spécifique du rachat ouvert aux enfants de harkis, moghaznis et personnels des forces supplétives de l'armée française.. L'achat de trimestres permet de partir plus tôt à la retraite, évite l'application d'une décote et peut augmenter le montant de la pension attribuée en fonction des options retenues.
Pour obtenir une retraite à taux plein, en France, dans le cadre des régimes dits alignés de retraite, l'assuré doit avoir cumulé un certain nombre de trimestres, nombre qui est fonction de son année de naissance. Le nombre de trimestres est passé, en raison des différentes réformes adoptées entre 1993 et 2014, de 150 à 172. Les personnes ayant poursuivi des études ou ayant eu des interruptions professionnelles sont contraintes, pour avoir une retraite à taux plein de travailler au-delà de 62 ans qui est l'âge légal à partir duquel il est possible de liquider ses droits à pension. La décote applicable en cas de trimestres manquants peut réduire fortement la pension. La décote est de 1,25 % par trimestre dans la limite de 20.
La possibilité de rachats de trimestres est ouverte aux actifs quel que soit leur statut professionnel, salariés du privé, travailleurs indépendants et fonctionnaires (avec prise en compte de certaines spécificités propres à chaque statut). Un actif peut racheter jusqu'à douze trimestres pour compenser des années d'études supérieures à la condition que ces années aient donné lieu à la délivrance d'un diplôme ou ayant permis l'admission au sein d'une classe préparatoire ou d'une grande école. Depuis le 15 mars 2015, les stages accomplis en entreprises ouvrent droit au rachat de deux trimestres de retraite. Les demandes de rachat des périodes correspondantes doivent être effectuées dans les deux ans suivant le stage. Ce type de rachat n'impacte pas les montants figurant dans le relevé
Le rachats de trimestres ; un dispositif théoriquement accessible à tous mais très onéreux
Des rachats sont également possibles pour combler des années incomplètes. Comme celles pour les études, ces rachats sont déductibles du revenu imposable.
Le rachat de trimestres peut porter sur le taux seul (afin de minimiser voire d'annuler l'éventuelle décote) ou sur le taux et la durée d'assurance (afin d'augmenter le nombre de trimestres validés) et ainsi éviter toute proratisation du montant de la pension. Le choix retenu par l'assuré est irrévocable.
Le montant du rachat de trimestres dépend de l'âge et du niveau de revenu. Plus le rachat intervient tardivement et plus le montant des revenus professionnels, plus son coût est élevé. Ce dernier peut varier de 1000 à plus de 6000 euros. Les dispositifs de rachat concernent en priorité ceux qui ont poursuivi des études longues et donc plus souvent les cadres supérieurs. Les professions libérales peuvent également avoir intérêt à effectuer de tels rachats. Il faut néanmoins apprécier la rentabilité de ces rachats avec le versement des sommes correspondantes sur des suppléments d'épargne retraite.
Retraite : faut-il racheter des trimestres à 30 ou 40 ans ?
D'une façon générale, y a-t-il des professions à qui vous recommanderiez l'achat de trimestre et d'autres qui devraient, selon vous, éviter ce type de dispositif ? De façon plus globale, à quoi faut-il faire attention avant l'achat ?
Ce n'est pas une question de profession mais d'état d'esprit et de situation individuelle. Il y a en la matière que des cas particuliers.
"Les personnes ayant commencé à travailler tard et celles ayant du s'interrompre tout en souhaitant partir tôt à la retraite ont tout intérêt à racheter des trimestres" – Philippe Crevel
Les personnes ayant commencé à travailler tard et celles ayant du s'interrompre tout en souhaitant partir tôt à la retraite ont tout intérêt à racheter des trimestres. Pour un cadre supérieur, le rachat de trimestre permet de partir plus tôt mais sans réellement améliorer le niveau de la pension du fait de son plafonnement en ce qui concerne le régime de base. Il est alors intéressant de doubler l'opération en rachetant des points AGIRC/ARRCO.
Compte tenu des incertitudes sur l'évolution du régime de retraite et de la date de liquidation des droits, il est inutile de commencer à racheter à 30 ou à 40 ans même si cela est moins coûteux qu'à 55 ans. En 2010, l'Etat a remboursé des trimestres rachetés devenus inutiles du fait du report de 60 à 62 ans de l'âge légal de départ à la retraite. Ce remboursement des rachats s'est réalisé sans dédommagement. L'opération n'a donc pas été rentable, loin de là pour les particuliers.
Rachat de trimestres : les cas dans lesquels l'opération n'est pas rentable
Ce qui est dit aujourd'hui sera-t-il valable dans quelques années ? Si Emmanuel Macron - ou son éventuel successeur - entreprend une réforme des retraites, cela peut-il rendre caduc les plans des actifs qui prévoyaient d'acheter des trimestres de retraite ? Dès lors, quand faut-il s'y prendre ?
Dans le régime universel que le président de la République souhaite mettre en œuvre, la notion de trimestres disparaît. L'ensemble de la carrière sera pris en compte. Malgré tout, le texte voté, en première lecture, à l'Assemblée nationale, prévoyait un mécanisme de rachat avec les articles 27 et 48.
Un dispositif de rachats de points est prévu (article 27) pour les assurés ayant faiblement cotisé. Cela concernera ceux qui auront passé des années à l'étranger avant l'affiliation à l'assurance vieillesse obligatoire ou qui auront été à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français pendant au moins cinq ans, ainsi que pour ceux qui auront été des aides familiaux agricoles.
La possibilité du rachat points au titre des périodes d'études supérieures (article 48) sera ouverte sous réserve du versement de cotisations et du principe de la neutralité actuarielle pour le système universel. Les conditions du versement de ces cotisations seront déterminées par décret. Elles seront nécessairement simplifiées par rapport au droit en vigueur au régime général, puisque les points acquis permettront seulement d'augmenter le niveau de pension des assurés, et non la durée d'assurance, qui disparaît dans le système universel.
Comme actuellement, le coût du rachat sera d'autant plus faible qu'il est effectué tôt (après la fin des études) et rapidement. Les périodes d'études devront avoir donné lieu à l'obtention d'un diplôme. Les périodes de stage pourront également donner lieu à des rachats de points. Les stages pris en compte devront avoir une durée supérieure à deux mois consécutifs. La mise en œuvre de cette faculté est renvoyée à un décret.
Compte tenu du contexte économique et sanitaire, cette réforme est reportée et nul ne connaît désormais son calendrier.