Le projet de loi de finances pour 2025 du gouvernement demande un effort de cinq milliards d'euros aux collectivités locales les plus aisées. Et cela ne sera pas sans conséquences sur votre quotidien.
Alors que la semaine de la Francophonie se termine ce week-end (pardon, cette fin de semaine), la secrétaire d’État chargée de sa promotion, Annick Girardin, a tiré mercredi dernier la sonnette d’alarme : "On appauvrit la langue française, et on mutile l’anglais ", a-t-elle déclaré à 20 minutes. Et la secrétaire d’État de pointer du doigt " le monde du travail ", coupable d’un trop grand usage de mots anglais dans sa communication.
Ainsi, dans une lettre ironique volontairement remplie d’anglicismes et adressée au monde du travail, elle y dénonce " certaines absurdités linguistiques " et rappelle que " la langue française est la cinquième langue la plus parlée au monde !".
Avant elle, de nombreux écrivains et linguistes se sont époumonés à dénoncer l’invasion de mots anglais dans le langage courant. Parmi eux, l’académicien et philosophe Michel Serres, qui appelait en 2013, via nos confrères de La Dépêche, à une "grève de l'anglais". " La classe dominante n’a jamais parlé la même langue que le peuple. Autrefois ils parlaient latin et nous, on parlait français. Maintenant la classe dominante parle anglais et le français est devenu la langue des pauvres ", proclamait-il.
De l’entreprise à l’université, l’anglais s’installe
La communication au sein des entreprises est ainsi fréquemment mise en cause pour son zèle à vouloir speak english à tout va. Ainsi, nombreux sont ceux dans les grandes entreprises qui après avoir une dernière fois checké leur boîte mail, se retrouvent ASAP pour brainstormer autour d’un work in progress ou d’une idée en stand-by. Dans le monde de la presse, on ne parle d’ailleurs plus de papier mais de print et on a un compte premium pour voir des articles payants dans la rubrique lifestyle. L’Université n’est pas épargnée non plus par l’attraction de l’anglais. Certains établissements prestigieux comme Sciences-Po dispensent même des cours dans la langue de Shakespeare.
Mais les élites ne sont pas les seules à en faire un usage intensif. Une grande partie de la jeunesse, biberonnée aux séries américaines, aux publicités truffées de " franglais " et rompue à l’usage des nouvelles technologies, agrémente elle aussi ses phrases d’anglicismes.
Le Québec est en pointe dans la francisation des termes anglo-saxons
Pour tenter d’enrayer ce phénomène, plusieurs acteurs sont montés au créneau. En 1994, est promulguée la loi Toubon, du nom du ministre de la Culture de l’époque, visant à protéger le patrimoine linguistique français. Deux ans plus tard, la Commission générale de terminologie et de néologie est créée avec pour objectif de proposer des équivalents en français de termes étrangers. L’Académie française participe aux débats et reste souveraine en cas de décision. Le Comité d’étude des termes techniques français, crée en 1954 par deux polytechniciens, est là aussi pour combler les lacunes de la langue française face à des mots étrangers dans les domaines de la science et des techniques.
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Autour de ces institutions, plusieurs associations comme " La Défense de la langue française " ou " L’ASSELAF " (Association pour la sauvegarde et l’expansion de la langue française) se battent notamment pour " freiner l’invasion anarchique de mots étrangers ". Ces deux associations remettant par ailleurs chaque année " le prix de la Carpette " à un membre de l’élite qui, selon le jury, s’est particulièrement distingué par " son acharnement à promouvoir la domination de l'anglo-américain en France ".
Chez nos cousins québécois, la méthode est plus frontale et témoigne d’un amour passionnel pour la langue de Molière. L'Office québécois de la langue française (OQLF) s’évertue ainsi à trouver sans cesse un terme français à un mot anglo-saxon, et son utilisation est obligatoire. Vous irez donc vous garez en ville sur une aire de stationnement (parking) avant d’aller magasiner (faire du shopping) ou de passer chez le nettoyeur (pressing) !
Alors, les mots anglais : menace ou pas ?
Selon l’académicien Patrick Vanier interrogé par Slate: " Il est excessif de parler d’une invasion de la langue française par les mots anglais ". Il en veut pour preuve un Dictionnaire des mots anglais du français de 1998 évaluant les emprunts de l’anglais à " 4% ou 5% du lexique français courant ". Mais il reconnaît par ailleurs " une accélération depuis une cinquantaine d’années des emprunts à l’anglais " du fait que la langue de Shakespeare " est aussi la langue de la première puissance économique, politique et militaire, et l’instrument de communication de larges domaines spécialisés."
Il faut toutefois noter qu’avant le XIXe siècle et la révolution économique en Angleterre, c’est le français qui, jouissant de son statut de première langue en Europe, était le principal pourvoyeur de nouveaux mots à l’étranger. Aussi, il n’est pas rare de retrouver parmi les anglicismes actuels certains gallicismes anglais (mots français passés dans la langue anglaise) tels que manager qui vient de ménager et management de ménagement. C’est ainsi que le vocabulaire anglais est formé d’au moins 30 % de mots français anciens, voire, pour la linguiste Henriette Walter, des deux tiers. Quant aux Anglais, nombreux sont ceux à utiliser des mots (" déjà vu ", " joie de vivre ", " crème de la crème ", " ho la la ") comme une touche " chic " dans leur phrase.
On parlera donc plus d’interpénétration des deux langues que d’invasion avec, certes, une dynamique actuelle du côté de la langue de Shakespeare du fait de sa diffusion et de sa place dans les domaines économiques et technologiques.