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À la fin des années 1970, l’Oise se trouve au coeur d'affaires criminelles. En 1978, un nom est encore sur toutes les lèvres : celui de Marcel Barbeault. Surnommé le "tueur de l’ombre", il a été arrêté deux ans plus tôt après avoir tué huit personnes, principalement des femmes, entre 1969 et 1976.
Pendant ces sept années, il a fait trembler la ville de Nogent-sur-Oise, où furent tuées la plupart de ses victimes, toujours à la nuit tombante ou au petit matin. L’arrestation de cet homme apparemment "banal", mari et père de deux enfants, met fin à une période d'effroi pour la population locale.
"Tueur fou de l’Oise" : tout commence par une voiture volée
Bientôt, la psychose ressurgit. En 1978, une jeune fille de 17 ans est agressée à Pont-Sainte-Maxence, à une dizaine de kilomètres seulement de Nogent-sur-Oise. Un second "tueur de l’ombre", suivrait-il les pas de Marcel Barbeault ? Pendant un an, jusqu’en 1979, cet individu commet plusieurs délits, visant à chaque fois des jeunes femmes au bord de la route.
Au mois de mai, on découvre une voiture volée dans la forêt de Chantilly. Certains indices orientent les gendarmes vers une piste : un mouchoir ensanglanté, des douilles et un plan pour braquer La Poste leur font penser au grand banditisme.
En réalité, l’homme qui a volé cette voiture ne correspond pas au premier profil évoqué. Il fait parler de lui deux mois plus tard en tirant sur la jeune femme de Pont-Sainte-Maxence. Blessée à la jambe, elle ne sait pas qui est son agresseur, mais une chose est sûre : il roulait avec la voiture volée, retrouvée dix jours plus tard. Le véhicule est piégé et blesse grièvement un gendarme qui tente de l'ouvrir. Le criminel semble gagner en puissance et une course contre la montre s’engage pour tenter de retrouver celui qui envoie désormais des lettres aux forces de l’ordre.
Les enquêteurs sont sur le pont, des empreintes sont retrouvées, ils dressent des barrages, mais l’affaire n’avance pas, car le responsable est dans leur rang. Il s’appelle Alain Lamare, il est âgé de 22 ans. Il est gendarme.
"Tueur fou de l'Oise" : comment le gendarme s'est trahi
"La prochaine fois, je viserai le cœur et non pas les jambes". Un mois après avoir tiré sur une jeune fille de 17 ans, Alain Lamare n’hésite pas à narguer ses collègues, mais il se trahit dans ses lettres. L ’inspecteur Daniel Neveu – qui a enquêté sur l’affaire Marcel Barbeault – estime que le style du courrier ressemble à celui des gendarmes, mais la piste est écartée, car jugée peu crédible. Comment un membre des forces de l’ordre pourrait-il être un voleur de voiture et s’en prendre à des jeunes femmes ? La conjecture semble alors impensable.
Au cours des mois qui suivent l’été 1978, A lain Lamare tire sur une autre jeune fille qu’il a prise en stop et qui décèdera de ses blessures. Le même scénario se reproduit un mois plus tard et, si la victime parvient à s’échapper, elle est touchée à la colonne vertébrale et reste paralysée.
Il vole la voiture d'un ancien ministre
Durant cette période, le "tueur fou de l’Oise" continue d’envoyer des lettres à ses collègues pour brouiller les pistes, mais il finit par se trahir en 1979. S’il n’agresse plus de jeunes femmes, Alain Lamare continue de voler des véhicules et notamment celui de l’ancien ministre Georges Gorse, et tombe en panne. Aidé par les gendarmes, il s e fait passer pour le fils de l’homme politique, puis s’enfuit depuis une station-service. Le portrait-robot dressé par les CRS ne laisse plus de place au doute tant il ressemble au jeune gendarme de l'Oise.
Les militaires doivent alors se rendre à l’évidence : le "tueur fou de l’Oise" fait bel et bien partie de leurs rangs. Cette ressemblance ne suffit pas pour arrêter Alain Lamare, mais de nombreux points communs sont trouvés entre les rapports qu'il a rédigés et les lettres reçues par les militaires. En vérifiant son emploi du temps, ses supérieurs voient ce qui était sous leurs yeux depuis le début : lors de chacun des délits commis, le jeune homme était en repos ou en congés. Placé en garde à vue, Alain Lamare finit par avouer ses crimes, mais ne sera jamais jugé…
"Tueur fou de l’Oise" : Alain Lamare ne sera jamais jugé
L’homme de 22 ans reconnaît les faits lors de sa garde à vue, sans donner d’explication, puis il s’enferme dans le silence. Jugé responsable de ses actes dans un premier temps, il est finalement déclaré irresponsable par une contre-expertise. I l est jugé en état de démence au moment des faits et échappe une première fois au procès, avant d’être de nouveau jugé responsable par une troisième expertise. Si cette dernière est annulée pour vice de forme, il faudra attendre 1982 pour que l’avis du dernier expert le juge définitivement irresponsable.
Comment l’état de démence observé par les experts a-t-il pu échapper à la gendarmerie lors de son recrutement ? Pourquoi ses collègues n’ont-ils rien vu au quotidien ? D'après des experts, Alain Lamare souffrirait d’une maladie mentale rare, baptisée héboïdophrénie et qui est une forme de schizophrénie.Interrogé par Planet, un psychiatre explique que cette maladie mentale se caractérise par des comportements antisociaux pouvant être violents et impulsifs. Plusieurs éléments de son enfance et de son adolescence, comme des faits de pyromanie, des sorties nocturnes en forêt, son amour des armes ou son obsession pour l’armée, ont écorné lors de son arrestation l’image qu’il donnait d’un garçon "normal".
Incarné par Guillaume Canet
Jugé irresponsable, Alain Lamare a quitté la prison d’Amiens en 1983 et a été admis à l’hôpital psychiatrique de Sarreguemines, en Moselle, où il est resté jusqu’en 2011. Il est, depuis, hospitalisé dans le Pas-de-Calais et serait devenu aide-infirmier, selon les informations de France 3.
Son histoire a inspiré le 7e Art. En 2014 sort ainsi en salle le film "La prochaine fois, je viserai le coeur", réalisé par Cédric Anger, avec Guillaume Canet dans le rôle du tueur. Cette oeuvre est diffusée à partir de mars 2024 sur la plateforme de streaming Netflix.