De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
- 1 - Seniors en prison : un vieillissiment qui se reflète dans notre société
- 2 - Seniors en prisons : "ils ne sont pas la priorité"
- 3 - Seniors en prison : "il n’y avait que trois médecins au centre de détention !"
- 4 - Seniors en prison : comment sont-ils pris en charge en cas de maladies ?
- 5 - Seniors en prison : des établissements tous neufs contre la surpopulation ?
Seniors en prison : un vieillissiment qui se reflète dans notre société
Avec une espérance de vie grandissante et un taux de fécondité en baisse, la population mondiale gagne en cheveux blancs. En 2007, on comptait 5 137 personnes écrouées âgées de 50 à 60 ans*. Sept ans plus tard, ils étaient 6 241. Pour les 60-70 ans, ils étaient 2 207 en 2007 puis 2 903 en 2014.
Sauf que comme le pointe Dany Nivalle, surveillant au centre de détention de Melun depuis 1999, "la prison n’est qu’une juxtaposition des phénomènes amplifiés de notre société" et en ce sens, les centres de détention sont confrontés comme le reste de la société aux difficultés de prise en charge de ces personnes.
*Bureau des études et de la prospection de la Direction de l'administration pénitentiaire
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Seniors en prisons : "ils ne sont pas la priorité"
Comment s’articule le quotidien d’un senior en prison, dans un contexte de surpopulation carcérale et alors que la France a été condamnée plusieurs fois par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) pour ses prisons ?
Comme tous les autres détenu, les seniors jouissent d’entretiens réguliers avec une assistante sociale. Bien que les cellules ne soient pas aménagées exprès pour eux, des membres de l’Association Nationale des Visiteurs de Prisons (A.N.V.P), "qui sont souvent des personnes d’un âge avancé", souligne Dany Nivalle, viennent les voir. D'après le moniteur de sport, qui dit essayer de les introduire dans sa dynamique avec les autres détenus durant ses cours, les seniors préfèrent le tai chi, les promenades et les discussions qui sont "souvent éphémères".
Concernant les moyens techniques, "des petites mesures sont prises pour faciliter leur quotidien mais puisqu’ils ne sont pas nombreux, ils ne sont pas la priorité…", avance le surveillant. Aucune formation du personnel pénitencier n’est pour l’instant prévue pour répondre à leurs besoins spécifiques.
Dany Nivalle assure que seules quelques "campagnes de sensibilisation" sont menées de temps à autre. "Le problème est la dépense financière : certains détenus ont du mal à se réinsérer par rapport à il y a 20 ans car il y a moins de relais et d’aides sociales."
D’ailleurs les relations avec l’extérieur - familles, amis - se détériorent d’autant plus avec l’âge en prison. "Je vois souvent des seniors isolés et délaissés. Ils sont dans l’ennui et l’attente", déplore-t-il. Le quotidien d’un détenu senior se résume à quelques cours de tai chi, des promenades et des visites d’anonymes bénévoles de l’A.N.V.P. "Ce sont eux qui font le pont entre le Ministère de la Justice, la direction de la prison et la personne incarcéré. Ces bénévoles peuvent leur venir en aide en cas de demandes d’accès aux soins", poursuit le surveillant.
Seniors en prison : "il n’y avait que trois médecins au centre de détention !"
Car l’accès au soin, c’est bien là le coeur du problème pour les seniors incarcérés.
Pénurie de médecins, manque de places dans les EHPAD, isolement… Dans un rapport portant sur "les dépenses pour la santé des détenus" rendu public en octobre 2017, Antoine Lefèvre, sénateur LR de l’Aisne, souligne le manque de médecins généralistes dans le milieu carcéral. Ils ne représenteraient que 2,5% du corps médical.
Les raisons de cette absence de soins et de personnels ? "L’ambiance", selon M. Lefèvre qui ajoute que les candidats, pour travailler en prison, ne se pressent pas au portillon. "C’est un milieu clos et dur", poursuit-il. Encore une fois, Dany Nivalle pointe du doigt le phénomène des déserts médicaux qui touche la société française. Il est encore plus accentué en prison : "A une époque, à Melun, il n’y avait que trois médecins !"
En 2013, sur 55 302 permissions accordées, seulement 4 ont débouché sur une non-réintégration (c’est-à-dire lorsque le détenu n’est pas de retour 48 heures après la date prévue) en vue d’une hospitalisation (chiffres de la direction de l’administration pénitentiaire de mai 2014, p.49). Questions logistiques, un manque de moyens humains entraînent aussi, bien souvent, le report de rendez-vous médicaux. Au 1er janvier 2015, on comptait 24,7% des hommes détenus pris en charge en milieu fermé, d’après le Ministère de la Justice.
Seniors en prison : comment sont-ils pris en charge en cas de maladies ?
Pourtant, les lois tendent à venir en aide aux malades et à faciliter l’accès aux soins. Sur le papier, les lois votées en 2004 et 2009 assurent "aux détenus une qualité et une continuité de soins équivalentes à celles offertes à l’ensemble de la population".
Néanmoins la réalité est toute autre. Bien qu’il soit toujours assigné au régime de la Sécurité Sociale, un détenu n’est pas toujours sûr d’avoir une place en EHPAD.
Et Antoine Lefèvre d’ajouter que certains directeurs d’EHPAD préfèrent accepter des personnes âgées qui ont un casier vierge, lorsqu’ils ont des places, pour assurer la réputation de leur établissement. "Cela dépend des directeurs, s’ils voient l’humain avant tout et ont lu le dossier du patient", nuance Dany Nivalle.
Néanmoins, des aménagements de peine et/ou réduction sont possibles, selon la pathologie, pour permettre aux patients de se soigner. En 2013, 584 personnes âgées de 50 à 60 ans ont pu bénéficier d’une libération conditionnelle et 1 703 ont été placées sous surveillance électronique. "Le détenu peut également demander une mutation dans un établissement pénitentiaire plus adapté. Mais souvent, ces déménagements engendrent un éloignement avec les proches", explique Antoine Lefèvre.
Selon l’élu, il y a une prise de conscience qui se fait au niveau politique, mais à un rythme lent. La faute certainement au manque d’études et de statistiques précises sur les seniors en prison. "La société voit d’un mauvais oeil qu’on puisse s’émouvoir du sort de personnes condamnées. Personne ne se soucie du bien-être en prison", regrette-t-il.
Seniors en prison : des établissements tous neufs contre la surpopulation ?
Le parlementaire mise beaucoup sur les nouvelles prisons qui ont été repensées pour une meilleure prise en charge des malades, ainsi que les diverses améliorations. Un siège de dentiste est désormais à disposition au centre pénitentiaire de Laon (Aisne) où le service de santé a été agrandit. "Les nouvelles prisons sont soumises à des règles d’accessibilités pour les handicapés, les aménagements commencent à se faire", se félicite-t-il.
Mais dans les faits, ces nouveaux édifices ne permettent pas de résoudre les problèmes de violences, de surpopulations et d’accès aux soins d’après l’Observatoire International des Prisons. Les cellules aménagées et spacieuses, ce ne sera pas pour bientôt ! A Rennes, le chantier de la prison qui pourra accueillir 550 détenus a été repoussé à 2027 car jugé "non prioritaire dans le plan prison" par Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux à l’époque. Reprenant le dossier de son prédécesseur, Nicole Belloubet a déclaré que la commande serait faite courant du mandat 2022-2027, indique Ouest-France.
En Vendée, le projet de nouvelle prison a tout bonnement été abandonné, alors que les deux maisons d’arrêt du département (celles de la Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte) affichent des taux d’occupation de, respectivement, 208% et 193% rapporte France Bleu.
Emmanuel Macron manquerait-il à ses promesses ? Selon la Fondation iFRAP, un think tank libéral, le chef de l’Etat ferait machine arrière en annonçant que 15 000 nouvelles places en prison seraient attribuées sur non pas un mais deux quinquennats...
Face à cela, les chiffres de cette rentrée, concernant la surpopulation carcérale* rappellent que de nouvelles prisons seraient les bienvenues. En France, métropole et outre-mer confondus, 54 établissements sont confrontés à une densité carcérale entre 120 et 150 % par rapport à la moyenne.
*Bureau des statistiques et des études de la Direction de l’administration pénitentiaire