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"Si c’est lui qui se retrouve au second tour de l’élection présidentielle face à Marine Le Pen, c’est elle qui l’emportera", assénait sans ambiguïté Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, sur le plateau de Dimanche en Politique (France 3). Il parle, bien évidemment, de l’hypothèse régulièrement évoquée du duel opposant Emmanuel Macron à la fille du Menhir. Et lui de croire que face à cet éventuel combat, le chef de l’Etat a d’ores et déjà scellé son avenir : "Il a rallumé la haine sociale dans notre pays qui créera un rejet de sa personne, quand bien même les gens n'ont pas franchement envie de Marine Le Pen", explique-t-il en effet.
Des déclarations inquiétantes pour quiconque se refuse à installer Marine Le Pen à l’Elysée, et qui n’ont d’ailleurs rien d’anodin. A l’approche du prochain scrutin national, elles pourraient traduire la volonté de l’élu d’avaliser un candidat ; faute de quoi celui-ci ne saurait remporter l’élection, estime le politologue Christophe Bouillaud. Plus important, peut-être, elles soulèvent une autre question : quelle serait la France du Rassemblement National que d’aucuns, invariablement, nous promettent désormais depuis des mois ? Le programme du parti n’a pas encore été établi ; mais les grandes lignes en sont connues. Et l’argumentaire à dérouler aussi, rappelle Le Parisien.
Election présidentielle de 2022 : ce qu’il faut redouter en cas de victoire du RN
"Vous avez tout essayé : la droite, la gauche…. Avec Macron, le pire de la droite et le pire de la gauche… Essayez un mouvement national, sage, raisonnable, lucide ! Donnez-nous notre chance !", lançait en effet Marine Le Pen, à l’occasion de sa conférence de presse du 20 mai, à Nîmes. Son entourage, contacté par nos confrères confirme : c’est précisément la ligne qu’ils entendent dérouler dans les mois à venir. Mais alors, faut-il craindre cette alternance dont se revendique aujourd’hui l’extrême-droite ? Certains, chez Les Républicains, sont ouvertement inquiets. "Elle dit : ‘Vous ne nous avez jamais essayés’. Mais si, on les a déjà essayés…. en 1940 !", conteste en effet un ténor du parti de Nicolas Sarkozy.
Qui faut-il croire alors ? Pour le chercheur en sciences-politiques, qui enseigne à l’Institut d'Études Politiques (IEP, Sciences-Po) de Grenoble, la France de Marine Le Pen peut légitimement effrayer. Parce qu’elle pourrait, affirme-t-il, plonger l’Hexagone dans la violence. Explications.
Les scénarios possibles en cas d’élection de Marine Le Pen en 2022
Deux scénarios spécifiques se détachent, en cas d’élection de Marine Le Pen en 2022, estime Christophe Bouillaud. Le premier, pacifique, implique un transfert du pouvoir d’Emmanuel Macron à la fille du Menhir somme toute assez traditionnel ; sans accroc. "Dans ce cas, il y a de fortes chances que Marine Le Pen ouvre son gouvernement à la droite républicaine. Si elle parvient à en rallier une partie, elle a de grandes chances de remporter une majorité absolue lors des élections législatives et elle n’aurait alors plus qu’à dérouler ses réformes", poursuit le politologue.
Selon lui, il apparaît plausible - dans un tel scénario - que Marine Le Pen aille au plus vite. "Elle enchaînerait alors les réformes les plus importantes à ses yeux, que sont la fermeture des frontières, la restriction des flux migratoires et les mesures sécuritaires qui constituent son ADN politique", détaille-t-il.
La seconde hypothèse, en revanche, est autrement plus inquiétante. "Si certains Français vivent l’élection de Marine Le Pen comme une insulte et, énervés par son ascension à l’Elysée, font preuve de violences ; elle aura l’occasion de s’arroger les pleins pouvoirs dès son accession au pouvoir. Une émeute constituerait, en effet, le prétexte idéal pour taper dans le tas et utiliser à plein la constitution de la Vème République. Elle n’aurait alors plus à s'embarrasser du droit républicain", s’alarme le chercheur, pour qui c’est bien de ça dont il est question quand certains, à l’extrême droite, appellent de leur voeux la "guerre civile" en France.
"Concrètement, cela signifierait qu’il n’y aurait pas d’élection législatives, dans un premier temps au moins. Au lieu de quoi, Marine Le Pen aurait l’occasion de se débarrasser de ses opposants les plus virulents et ne manquerait pas de présenter toute révolte comme une intifada violente, une menace au drapeau. Elle aurait donc d’autant de moins de mal à remporter les législatives quand, finalement, elle se déciderait à les organiser. C’est véritablement le scénario du pire", détaille l’enseignant-chercheur.
Pire encore, peut-être : le spécialiste appréhende une police plus brutale encore qu’elle ne peut l’être aujourd’hui. "Il est bien évident qu’en cas d’élection de Marine Le Pen, les forces de l’ordre se sentiraient couvertes. Déjà aujourd’hui, le contrôle déontologique des agents de police est plus qu’imparfait. Si la doctrine politique en matière de répression se fait plus violente encore, il y aura un risque énorme en termes de sécurité publique. D’autant que la population ne se laissera pas faire", rappelle Christophe Bouillaud, pour qui cette escalade assurée pourrait empêcher l’arrivée de l’héritière de Montretout au château.
Mais existe-t-il des contre-pouvoirs suffisamment puissants pour se prémunir contre ce type de danger, en cas d’élection de Marine Le Pen ?
Sur quels contre-pouvoirs peut-on s’appuyer si Marine Le Pen l’emporte en 2022 ?
"Si, une fois élue, Marine Le Pen ne parvient pas à remporter de majorité à l’Assemblée nationale ; il serait théoriquement possible de lui imposer un scénario de type cohabitation. Alors, le parlement pourrait ralentir son avancée. En cas de victoire nette aux législatives, en revanche, il est difficile d’imaginer un contre-pouvoir en mesure de résister à l’action présidentielle", alerte l’enseignant-chercheur à l’Institut d’Etudes Politique de Grenoble.
"Bien sûr, certains évoqueront le Conseil constitutionnel. En vérité, cependant, il n’est pas dur de le contourner : un référendum suffit. Et si Emmanuel Macron s’y refuse aujourd’hui, je doute que Marine Le Pen ne se l’accorde pas", souligne encore le politologue, qui balaie d’un revers de la main les pouvoirs locaux, jugés trop faibles pour tenir tête à un chef de l’Etat. Il en va de même, estime-t-il, pour les médias. "Ceux qui pourraient s’opposer ont une audience trop faible et la télévision est aux mains du pouvoir", assène-t-il sans ambages.
Reste alors l’Union Européenne et tout particulièrement l’Allemagne. Mais que peut l’Outre-Rhin face à la politique interne française ? Et le chercheur de conclure, sombre : "Elle va blêmir, mais pourrait certainement jouer la carte économique pour ralentir le processus de dé-démocratisation dont la France ferait alors l’objet. Dans tous les cas, il est important de rappeler qu’une fois une nation engagée sur ce chemin, ses dirigeants n’ont généralement aucun mal à faire sauter les contre-pouvoirs un à un".