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"Si on veut passer à autre chose, il faut un 49-3. L’inéluctabilité de son utilisation s’impose. La question, c’est quand, et sur quel texte ?", affirme sans hésiter Roland Lescure, député La République en Marche (LREM), dans les colonnes du Figaro. Pour cet élu de la majorité, impossible de faire autrement et, à en croire le quotidien, il n’est pas le seul. De nombreux autres attendraient, "impuissants" , le moment où le gouvernement se décidera finalement à dégainer l’article qui a coûté si cher à François Hollande et Manuel Valls. C’est bien pour cela, entre autres, qu’ils ne veulent pas en arriver là.
"Il n’y a aucun désir, dans nos rangs, d’un 49-3. Notre schéma idéal, c’est que le débat ait lieu. Il ne faut pas désespérer, la balle est dans le camp de l’opposition", explique pour sa part Gilles Le Gendre, patron du groupe LREM à l’Assemblée nationale. Pour lui, "si 49-3 il doit y avoir, ce ne doit pas être un 49-3 couperet bête et méchant". "Il doit tenir compte de toutes les dynamiques politiques internes, de ce que le groupe porte comme enrichissement", fait-il valoir.
Certains renvoient même dos-à-dos le gouvernement et l’opposition. La seconde parce qu’elle joue le blocage… Et le premier parce qu’il "a imposé un calendrier contraint". "C’est perdant-perdant", affirme d’ailleurs Eric poulliat, député de la Gironde. D’autres, membres de l'aile gauche de la majorité alertent sur les risques électoraux qu’un tel recours implique. "L’opinion publique n’est pas prête à voir un 49-3 sur les retraites. Les gouvernements qui y ont eu recours en ont toujours payé les conséquences, parce que c’est un acte d’autorité", affirme l’un d’entre eux.
Un avis visiblement partagé plus à gauche encore. "Si Emmanuel Macron utilise le 49-3, c’est terminé pour lui en 2022", estime en effet Ugo Bernalicis, député La France Insoumise, sur les ondes de France Info. "Le coup politique de cette violence institutionnelle, je pense qu’Emmanuel Macron le paiera", assure-t-il.
49-3 : Emmanuel Macron prendrait-il un risque inconsidéré ?
"Ne dramatisons pas la question", commence d’entrée de jeu Raul Magni-Berton, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Institut d’études politiques (IEP, Sciences-po) de Grenoble, affilié au Laboratoire Pacte. "Après tout, il importe de rappeler que ce n’est pas la première fois que l’article 49-3 est utilisé et que François Hollande et Manuel Valls ne sont pas les seuls précédents dans l’histoire de la Vème République", poursuit le spécialiste, qui évoque aussi Pierre Bérégovoy, Edith Cresson, Alain Juppé ou Edouard Balladur. Public Sénat mentionne aussi Dominique de Villepin, Jean-Pierre Raffarin ainsi que Michel Rocard.
"L’impopularité précède l’usage du 49-3 bien plus qu’elle ne la suit. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’une telle décision est sans conséquence. On sait, par exemple, que les Premiers ministres les plus populaires sont ceux qui n’y ont jamais eu recours…", explique le politologue.
49-3 : un risque plus institutionnel que électoral ?
"Il est difficile d’identifier clairement à quel point le 49-3 a pu jouer sur l’impopularité du duo exécutif François Hollande-Manuel Valls, parce qu’on manque d’indicateurs. Pour autant, je pense que le risque, avant d’être électoral, est institutionnel", estime Raul Magni-Berton, qui rappelle à quel point cet outil peut-être violent pour les parlementaires, y compris pour celles et ceux issu(e)s de la majorité.
"Evidemment, l’opposition se rebiffe. Mais la situation est aussi très dure en interne : avec un 49-3, l’exécutif force ses députés à voter oui, indépendamment des amendements qu’ils ont pu apporter ou de leurs éventuelles réserves. Naturellement, ce n’est pas quelque chose qui unit beaucoup un groupe parlementaire…", détaille le spécialiste, pour qui c’est là la première erreur de Manuel Valls et de François Hollande. "Ils ont tous deux été victimes de forte dissidences internes qui les ont empêchés de se présenter à l’élection présidentielle", résume-t-il.
Pour autant cela ne signifie pas que l’impact électoral soit nul ! Cependant, il est très lié au calendrier, affirme le politologue. "Quand, comme Emmanuel Macron, on est à mi-mandat, il y a encore moyen de se rabibocher avec ses électeurs. Au cours de la précédente mandature, cela aurait été plus complexe", poursuit-il.
Finalement, Emmanuel Macron ne devrait-il pas laisser les choses se faire normalement ?
Emmanuel Macron, assure Le Monde, "n’entend pas perdre de temps". Il veut que le texte de la réforme des retraites soit voté en première lecture avant les élections municipales… Dont le premier tour aura lieu à la mi-mars. Un rythme difficile à tenir.
"La procédure normale protège déjà beaucoup le chef de l’Etat mais, indéniablement, elle reporte le vote du texte à une échéance très lointaine. Bien plus que les élections municipales", confirme Raul Magni-Berton, qui souligne l’implication de l’opposition dans ce fort délais du vote. "S’en tenir à cette façon de faire signifie aussi faire durer la protestation et la contestation tout le long de l’examen du texte. Si Emmanuel Macron n’avait pas voulu prendre de risques, il aurait mieux fait d’opter pour une solution plus démocratique et écouter tous les acteurs de cette réforme", estime l’enseignant -chercheur, qui souligne aussi combien le 49-3 renforce le pouvoir de l’exécutif sur le législatif.
"Pour autant, s’il est prêt à prendre le temps, le président de la République ne prend aucun risque institutionnel à laisser le parlement faire son travail", insiste-t-il d’ailleurs.