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Emmanuel Macron : contre la réhabilitation de l’ISF, pour la suppression de l’ENA, une contradiction ?
"Je souhaite que nous mettions fin aux grands corps. Pour faire la réforme que j’évoquais, il faut supprimer entre autres l’ENA", expliquait Emmanuel Macron lors de la conférence de presse qu’il donnait le jeudi 25 avril 2019. Il parlait alors de la réforme de la fonction publique, indique Le Monde, l’un des nombreux autres chantiers sur lequel se penchera l’exécutif après celui des régimes de retraite ou celui du code du travail. Une suppression hautement politique, mais aussi forte de symbole souligne Guillaume Tabard, rédacteur-en-chef et éditorialiste pour Le Figaro, qui n’hésite pas à parler d’un "scalp offert aux gilets jaunes".
Une position d’autant plus surprenante que, rappelle le quotidien marqué à droite, l’exécutif rejette toute forme de "dictature" totémique. En plein coeur de la crise sociale, à l’époque où Benjamin Griveaux assurait la communication du gouvernement, il avait assuré ne pas vouloir faire "de la politique avec des symboles", précise Marianne. C’était l’un des arguments avancés pour ne pas avoir à céder sur la réhabilitation de l’ISF.
"Prétendre ne pas vouloir céder à la symbolique et pourtant l’utiliser comme le fait Emmanuel Macron, c’est évidemment entrer en contradiction", assène pour sa part Christophe Bouillaud, politologue et professeur de science politique à l’IEP Grenoble. "C’est une carte qu’il aime visiblement jouer. Il suffit de se pencher sur la surréaction à l’incendie de Notre-Dame de Paris pour constater son attrait pour la mise-en-scène et le symbole en matière de communication politique. Les exemples font légion ! On pourrait parler de l'enterrement de Johnny Hallyday, de sa façon de célébrer sa victoire devant la pyramide du Louvres… Ou évidemment la suppression de l’ENA", poursuit l’enseignant.
Pire qu’une contradiction, Christophe Bouillaud dénonce aussi une certaine hypocrisie à s’en prendre à la fameuse école nationale d’administration. "Emmanuel Macron est issu du sérail. C’est en grande partie l’ENA qui lui a permis une carrière aussi rapide et, in fine, l’accès à la présidence de la République. Il est un peu étonnant de venir dire, une fois au pouvoir, que c’est une mauvaise façon de former les élites", pointe du doigt le politologue.
Emmanuel Macron et la suppression de l’ENA : une volonté de faire le buzz ?
Pour le politologue Olivier Rouquan, il ne faut pas nécessairement lire dans les récentes annonces d’Emmanuel Macron une contradiction. "La décision de supprimer l’ENA vise avant tout à permettre un débat, nécessaire par ailleurs, sur la réforme de la fonction publique", estime-t-il.
"Or, dans une société de communication comme la nôtre, il est nécessaire de créer un électrochoc pour bousculer l’opinion et en retenir l’attention. Évoquer la suppression de l’ENA permet précisément de faire le buzz", poursuit-il non sans rappeler qu’Emmanuel Macron n’est pas un utilisateur plus assidu de la symbolique que les autres présidents de la Vème République.
"En la matière, il y avait deux maîtres : Charles de Gaulle et François Mitterrand. Tous les autres chef de l’Etat se sont inspirés de ces deux-là et force est de constater que la marge d’innovation d’Emmanuel Macron est assez faible", estime le chercheur, avant de noter : "La conférence de presse qu’il a donnée le 25 avril demeure un exercice assez convenu".
"La suppression de l’ENA ne vise pas qu’à faire symbole. Il y a aussi un autre objectif beaucoup plus politique, que le chef de l’Etat n’aborde pas", alerte cependant Christophe Bouillaud pour qui démanteler l’école nationale d’administration c’est aussi "mettre à mort l’idée du service public". "S’assurer que, dans les grands corps de l’Etat, tout le monde est passé par le privé c’est aussi s’assurer que ces individus n’adhèrent plus nécessairement aux valeurs que représente le service public. Un ensemble d’idées dont, semble-t-il, ce gouvernement souhaite se débarrasser", prévient l’enseignant.
Emmanuel Macron et la suppression de l’ENA : des ratés dans la communication présidentielle ?
"La suppression de l’ENA pourrait presque être qualifiée de décision poujadiste. Elle vise indéniablement à s’en prendre à ce que cette école représente et à l’idée que l’on se fait de la haute fonction publique, sans nécessairement s’attaquer aux causes du problème. D’autant plus que, dans un premier temps, Emmanuel Macron n’évoquait pas nécessairement les grands corps de l’Etat", estime Christophe Bouillaud pour qui cette communication autour de l’école nationale d’administration n’est pas sans défaut.
"Le problème avec le fait de supprimer l’ENA c’est que cela envoie un message assez violent à l’encontre de Nathalie Loiseau. Après tout, elle a dirigé cette école et souhaité la réformer… Mais son travail est, semble-t-il, si peu réussi qu’il faudrait aujourd’hui démanteler l’établissement. Qu’est-ce que cela dit de sa capacité à réformer l’Europe ?", s’interroge en effet le professeur à Sciences-Po.
Toutefois c’est loin d’être la première erreur commise par le président, souligne Olivier Rouquan. "La communication d’Emmanuel Macron n’est pas toujours très bien orchestrée et justifie, en partie au moins, les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui. Il a fait le choix d’incarner une certaine autorité, d’employer une communication clivante qui contribue à le fragiliser aujourd’hui. Sans oublier les problèmes d’ordre structurels que rencontrent tous les présidents", décrit-il.
"Il y a clairement un paradoxe entre le goût affiché du chef de l’Etat pour la mise-en-scène et certaines de ses prises de parole volontairement vulgaires. Il cherche à créer un personnage hiératique comparable à la figure du général De Gaulle. Mais il y a parfois des baisses de niveaux", juge de son côté Christophe Bouillaud.
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