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Sylvain Boulouque est historien. Il enseigne à l'Université de Nanterre où il conduit également ses recherches. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire du communisme et de l'anarchisme tels que Mensonges en gilet jaune (ed. Serge Safran), Julien Le Pen un lutteur syndicaliste et libertaire (ed. ACL), Les anarchistes ou Appels aux travailleurs algériens.
Depuis l’annonce par le président de la République du passe sanitaire obligatoire une partie de l’opinion se déclare hostile à cette méthode de gouvernement.
Un peu comme dans le mouvement des gilets jaunes, les oppositions sont diverses et polymorphiques. Les principaux noyaux de l’opposition se situent à l’extrême gauche et à l’extrême droite ainsi que dans une frange de la population aux contours bigarrés sans attache politique particulière. La politisation de ce type de mouvement a tendance à leur faire porter des discours et des comparaisons extrêmes. Il convient néanmoins de relativiser leur nombre et leur portée, l’actuelle société du spectacle de la communication de l’immédiateté, de l’info en continu et des réseaux sociaux produit des effets médiatiques montant en épingle et reproduisant en boucle des phénomènes marginaux, voire secondaires.
"Dictature sanitaire" : ne pas confondre la "poubelle qui brûle" et l'émeute
Une poubelle qui brûle dans une manifestation devient une émeute. Un graffiti ou une affiche sont considérés comme étant attribués à l’ensemble des manifestants alors qu’il ne s’agit la plupart du temps que d’un ou de quelques individus isolés.
Cependant, ces faits peuvent aussi être révélateurs de phénomènes de société. Dans le cadre du mouvement social actuel, la diversité des oppositions s’est traduite samedi 17 juillet par l’organisation de trois manifestations distinctes qui reprennent les orientations politiques évoquées précédemment.
Quels sont les groupes qui crient à la "dictature sanitaire" ?
La gauche radicale dans son ensemble est favorable à la vaccination. Cette approbation de la politique sanitaire s’effectue au nom de la santé publique, et par ailleurs d’un attachement particulièrement marqué à la science qui favorise, selon elle, le progrès et l’amélioration de la santé et du bien être des populations. Son hostilité au passe sanitaire se pose en termes de libertés publiques. Elle rattache cette nouvelle contrainte aux politiques sécuritaires mise en œuvre depuis plusieurs années, considère que la politique gouvernementale est d’abord liberticide avant d’être une politique de santé publique et elle vient traduire un renforcement des lois sécuritaires au détriment d’une mise d’un réinvestissement sur le long terme dans le domaine de la santé. Elle corrèle cet argument à la gratuité du vaccin à l’échelle mondiale au nom du commun et du bien public. Ce qui ne l’empêche pas de produire des discours sur la menace à venir et les risques de contrôle d’une société totalitaire évoquant pour ce faire l’univers orwellien.
"Pour la gauche radicale, la politique gouvernementale est avant tout liberticide" - Sylvain Boulouque
Le deuxième et le troisième groupe, l’un proche de la droite radicale et l’autre sans appartenance partisane déterminée (mais souvent proche de ce que l’on qualifie de la mouvance complotiste), sont hostiles au vaccin. Ils recouvrent quelques aspects perceptibles dans les prémisses du mouvement des gilets jaunes.
"Parler de dictature sanitaire est aussi stupide qu'absurde"
En effet, au début de l’année 2018 plusieurs noyaux s’étaient formés autour du refus de la vaccination obligatoire. Ils avaient ensuite été renforcés par le groupe hostile à la limitation de vitesse avant de devenir en changeant dans les revendications ce mouvement phosphorescent. C’est cette composante que l’on retrouve aujourd’hui dans les mouvements anti-vaccins et c’est elle qui utilise les comparaisons entre la politique gouvernementale et le nazisme. La mise en parallèle de ces éléments, il est nécessaire de le rappeler, est historiquement fausse et totalement infondée, ce que n’importe quel élève de CM2 est capable d’analyser. Il y a deux courants distincts dans cette utilisation des images. Le premier est intentionnel. Il vient de certaines franges de l’extrême droite proches des milieux négationnistes qui veulent par tous les moyens relativiser et banaliser la Shoah pour après en nier l’existence même.
"La mise en parallèle du nazisme et de la politique sanitaire du gouvernement, il est nécessaire de le rappeler, est historiquement fausse et totalement infondée" - Sylvain Boulouque
Elle s’inscrit dans une logique mise en ouvre depuis la fin du nazisme avec les pères du négationnisme : Maurice Bardèche et Robert Faurisson en tête. Elle a été renforcée depuis le début des années 2000 par la mouvance complotiste dont l’ancien humoriste, Dieudonné, est le chef de file. Il a accueilli dans ses spectacles Robert Faurisson, qui se faisait remettre en 2008 un prix par une personne vêtue d’une tenue de déporté. Si elle existe, ces militants sont minoritaires et même si leurs discours irriguent certains milieux ils demeurent marginaux.
Un deuxième groupe un peu plus nombreux utilise dans un mélange d’ignorance, d’inculture et de dénonciation à l’emporte-pièce des politiques vues comme autoritaire. Sans présager que quelques messages ne soient portés par des militants ou des sympathisants de la mouvance d’extrême droite.
Enfin il existe une dernière leçon, même si elle peut sembler paradoxale, c’est que le nazisme fait figure de mal absolu et qu’elle sert de repoussoir, mais du coup entraîne des comparaisons aussi stupides qu’absurdes, inquiétantes même quand à la transmission de la mémoire et surtout à l’intelligence ainsi qu'à la compréhension des phénomènes historiques. Comparaison n’étant pas raison comme le rappelle le vieil adage…