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Affaire Alexandre Benalla : des enregistrements mettent le feu au lac
Depuis deux semaines, l’affaire Alexandre Benalla a pris une toute autre dimension. Alors que lors de sa révélation, en juillet dernier, dans les colonnes du Monde, il s’agissait simplement d’immixtion et de violence, de nouveaux éléments viennent d’alourdir considérablement le dossier.
Il y a tout d’abord les enregistrements révélés par Mediapart(abonnés) il y a une semaine et qui ont déclenché une tempête juridico-politique. Le quotidien en ligne a publié des bandes sonores sur lesquelles sont formellement identifiés Alexandre Benalla et Vincent Crase. La rencontre aurait lieu le 26 juillet alors qu'ils sont sous contrôle judiciaire pour l’affaire de la Contrescarpe et ne sont pas censés se voir. La veille Alexandre Benalla s’est exprimé pour la première fois dans les colonnes du Monde.
Les propos tenus sont également alarmant puisqu’il est question de détruire des preuves et d’aller par exemple "faire le ménage" au siège de La République en marche.Au cours de leurs échanges, l’ex-chargé de mission de l’Elysée et son comparse évoquent aussi Mars, une société liée par contrat à un oligarque russe et dont l’existence ne sera révélée dans la presse que bien plus tard…
Affaire Alexandre Benalla : l’affaire du contrat russe
En 2017, l’oligarque russe Iskander Makhmudov - proche de Vladimir Poutine - signe un contrat pour sa protection et de sa famille à Monaco avec la société Mars, dont le gestionnaire n’est autre que Vincent Crase. Lequel est alors en poste à LREM, et Alexandre Benalla à l'Elysée.
Le contrat approche les 300 000 euros mais la banque se montre tatillonne, demande des explications, et finalement exige de voir le contrat, révèle Mediapart. La société Velours, sous-traitante de Mars, décide de se retirer par crainte du scandale.
Lors de son audition face aux sénateurs le lundi 21 janvier, Vincent Crase a assuré qu’Alexandre Benalla n’était pas lié à sa société. Ce dernier avait affirmé la même chose précédemment. Mais les enregistrements de Mediapart ne vont pas vraiment en ce sens. Le média en ligne, bandes sons à l’appui, affirme que c’est l’ex-chargé de mission qui pilote en réalité Mars. Une photo montre également le trentenaire en compagnie du représentant de l’oligarque...
Après les révélations du Monde en juillet dernier, une distance avait pourtant été installée entre ces protagonistes. Un proche de Benalla, Yoann Petit, avait créé la société France Close Protection en octobre 2018, domiciliée au même endroit que Mars, et qui devait reprendre la sécurité du de l’homme d’affaires, assure Mediapart. L’entité avait un seul employé : Alexandre Benalla. Les enregistrements montrent d'ailleurs que c'est ce dernier qui souffle l'idée France Close Protection.
Confronté à ces similitudes en commission, les deux hommes assurent qu’il s’agit de coïncidences. Le parquet national financier a ouvert une enquête pour "corruption".
Dans cette affaire du contrat russe, apparaît surtout un autre homme, proche du pouvoir et notamment de Matignon…
Affaire Alexandre Benalla : un étrange lien à Matignon
Depuis son éclatement, l’affaire Alexandre Benalla se concentre essentiellement autour de l’Elysée et des collaborateurs du palais. Toutefois, Libération révèle en cette fin de semaine un étrange lien.
Un certain Chokri Wakrim, 34 ans, serait impliqué dans le contrat russe. Sollicité par l’ex-chargé de mission, il aurait notamment assuré la sécurité de la famille de l’oligarque à Monaco. Suprise, ce nouveau personnage aurait créée début juillet 2018 une entreprise avec un des fondateurs de Velours.
Une vidéo tournée dans le château de Vincent Miclet et des documents que s’est procuré Libération montre un lien et une proximité indubitable entre Alexandre Benalla et Chokri Wakrim. Or, ce dernier n’est autre que le compagnon de Marie-Elodie Poitout, cheffe du groupe de sécurité du Premier ministre.
Les éléments laissent à penser que c’est ce lien entre Alexandre Benalla et le couple qui a déclenché une tentative de perquisition chez Mediapart. Pour cause, la justice soupçonne que ce soit chez eux qu'ait été enregistré l’échange entre Vincent Crase et l’ex-chargé de mission.
[Ce jeudi soir, l'AFP annonçait la démission de Marie-Elodie Poitout]
Affaire Alexandre Benalla : comment le projeteur se braque désormais sur le politique
Matignon l’a reconnu, c’est sur la base d’informations fournies par ses services que le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, a déclenché une tentative de perquisition chez Mediapart. Le média a refusé, arguant notamment de la protection des sources.
Après la publication des enregistrements, une enquête préliminaire a été ouverte pour "atteinte à la vie privée" et "détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d’interception de télécommunications ou de conversations". Or, ce n’est ni Vincent Crase, ni Alexandre Benalla qui ont déposé plainte. Dans le même temps, plusieurs journalistes cherchent également à savoir où ont été réalisé ces enregistrements et soupçonnent que cela ait été effectué au domicile de Marie-Elodie Poitout. Ils envoient des questions en ce sens à Matignon.
C’est précisément ces éléments, révèle Le Monde, que le directeur de cabinet d’Edouard Philippe adresse au procureur de Paris – dans un souci de "transparence" - et qui déclenchent l’ouverture de l’enquête, sans qu’aucune plainte n’ait été déposée. Un élément qui donne de fait un lourd poids politique à la procédure.
De son côté, la responsable du GSPM explique qu’Alexandre Benalla est bien venu chez elle fin juillet, en présence de Chokri Wakrim. Mais Vincent Crase n’était pas là, assure-t-elle. D’après le directeur de cabinet d’Edouard Philippe, aucun de ces protagonistes ne fait l’objet d’autorisation d’enregistrement.